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Il y 34 ans/ Félix Houphouët-Boigny comme si c’était, hier (vidéo) #colonistaion


Félix Houphouët-Boigny pendant la conférence.Ph. écran

Félix Houphouët-Boigny pendant la conférence.Ph. écran

Abidjan, 09-08-16 (lepointsur.com)Il y a 34 ans (1982), face aux journalistes ainsi que  plusieurs chefs d’Etat, dont le président français  François Mitterrand, sans faux-fuyant, avec le franc-parler qui le caractérise, Félix Houphouët-Boigny, premier président et père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne  assénait  ses vérités, devant un parterre de personnalités et de journalistes. C’était à l’occasion de la visite officielle en Côte d’Ivoire du chef de l’Etat d’alors de l’ancienne colonie (la France) .

De la maison du Pdci-Rda, à Yamoussoukro, Félix Houphouët-Boigny avait déjà prévenu. De l’exploitation des pouvoirs économiques financiers  occidentaux  à la nécessité des pays  du nord  de réviser leur partenariat avec ceux du sud en passant par l’appel à la nouvelle élite africaine pour sa prise en charge économique en transformant  ses matières premières sur place,  plusieurs années après,  ce discours sonne comme une prophétie, tant  faute de volonté  aussi bien de l’actuelle élite africaine que des occidentaux et autres prédateurs économico-financiers, les pays africains continuent de ployer sous le poids de la dépendance. Morceaux choisis d’un discours-testament.

“…Nous sommes les plus faibles. Toutes nos propositions ont été rejetées et refusées. Les grands courtiers  ont imposé leur prix. Qu’est ce que nous pouvons leur demander de plus dans la mesure où eux-mêmes ont imposé un prix qui ne rémunère pas le travail du paysan. Nous leur avons demandé à ce que ce prix minimum soit garanti  durant une campagne. C’est cela, le drame que nous vivons. Cela veut dire que pendant encore longtemps, nous serons obligés de confectionner nos budgets et donc d’assurer le fonctionnement de nos Etats à partir de l’exportation de nos matières premières.  Par exemple, la Côte d’Ivoire est parvenu à un tonnage global de 800000 tonnes entre le Cacao et le Café.

Il y a deux  ans, on nous payait  au minimum 1000 FCFA le kg soit une recette de 800 milliards. Brutalement,  on nous réduit de moitié. Et nous perdons  350 à 400 milliards. Et le pays industrialisé voyant  ces recettes diminuer  de moitié sans que des troubles  graves ne se produisent dans le pays, s’en étonne.

Voilà la situation que nous vivons. Quel est donc le remède ? Nous dénonçons à longueur de journée cette situation que nous imposent,   non pas certains gouvernants, mais le monde économique et financier  très puissant apparemment irresponsable( …) Tant que nous continuerons de vendre nos minerais, nos matières agricoles brutes, nous continuerons de subir la loi de ces intermédiaires irresponsables ; nous demandons aux pays européens, notamment à la France de servir d’intermédiaire et d’avocats  auprès des autres pays européens, afin qu’ils nous aident à transformer nos produits sur place.

On nous parle de transfert de technologie, il n y a jamais eu de transfert de technologie. On refuse ce terme. On n’a jamais transféré la technologie  au Japon. On forme des cadres techniques et scientifiques sur place. Qui transforment leurs matières premières. Nous sommes extrêmement  patients. Mais des patients actifs.  On peut retarder le progrès, mais, on ne peut supprimer le progrès. Nous avons la certitude que dans 20, 30, 40 ans et même plus ; qu’est ce que 40 ans dans la vie d’un peuple quand on sait que  la vie du monde ce sont des milliards d’années d’existence ?

Nous aurons des hommes capables de discuter des prix de nos matières premières (…) on parlera du langage de l’intérêt commun. L’Europe doit comprendre la nécessité d’aider l’Afrique. Il y va de la survie de l’Europe et de la vie de l’Afrique ; il y a une nuance. Je continue à me battre pour faire comprendre à nos partenaires européens  que la lutte finale, s’il y a lutte finale,  ce ne sera pas avec les fusils, mais plutôt une lutte économique. L’Europe n’a pas de matières premières.  Les Américains en ont, mais, pas en quantité suffisante pour en servir à leurs alliés européens (…) l’Afrique est le continent qui a plus de matières premières.

L’Europe a besoin des matières premières africaines pour donner du travail à ses ouvriers (…) Imaginez-vous, si ces matières premières  ne parvenaient pas à l’Europe,  nos amis dirigeants européens  seront obligés de faire face au chômage(…)Ce qui n’est pas fait pour arranger les choses. Si l’Europe venait à être privé de matières premières, ce serait  le chômage généralisé (…) il faut que nos partenaires européens nous aident à nous développer. Vous avez parlé d’autosuffisance alimentaire, nous en sommes conscients. Vous pensez que c’est de gaieté de cœur que nos frères tendent la main chaque année pour une aide alimentaire ?

Ils sont très dignes, mais, ils n’ont pas le choix. Un homme qui a faim n’est pas un homme libre. Nous avons quitté la dépendance coloniale, vingt ans après, il faut faire le point pour l’essentiel de notre existence, pour la nourriture, pour nos soins médicaux, pour notre éducation (…) Nous voulons nous évader de cette situation, mais nous avons besoin qu’on nous aide. Nous avons des hommes qui veulent travailler(…) chez nous, on dit qu’il faut que vous nourrisseiz votre enfant jusqu’à ce qu’il pousse des dents  afin qu’il puisse vous nourrir quand vous n’aurez perdu les vôtres.’’

Retranscrit par EKB

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