Corée du Sud : la présidente Park Geun-hye destituée
L’Assemblée nationale sud-coréenne vient de destituer la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. Les manifestations géantes du mois de novembre ont donc eu des conséquences.
La présidente sud-coréenne Park Geun-hye, surnommée depuis peu « Raspoutine » au pays du Matin calme, en raison d’un vaste scandale de corruption, est le premier chef de l’État sud-coréen démocratiquement élu à être poussé vers la sortie.
La motion votée par les députés devra encore être validée par la Cour constitutionnelle, ce qui pourrait prendre jusqu’à six mois. Mais Park Geun-hye est immédiatement suspendue de ses fonctions, confiées au Premier ministre. Elle n’aura plus de présidentiel que le titre.
Quelle étonnante disgrâce ! Park Geun-hye est entrée à la Maison bleue, la présidence sud-coréenne, en affirmant ne rien devoir à personne et être « mariée à la nation ».
Le texte a été adopté par 234 voix contre 56, soit largement la majorité des deux tiers des 300 votes nécessaires. »La motion pour destituer la présidente Park Geun-Hye vient d’être approuvée », a déclaré le président de l’Assemblée, Chung Se-Kyun.
La motion de l’opposition l’accusait de violations de la Constitution et de délits pénaux, échec à protéger le peuple, corruption, abus de pouvoir… Tous les députés de l’opposition avaient menacé de démissionner en cas de rejet du texte.
« Que vous soyez pour ou contre, face à cette situation grave, tous les députés ainsi que le peuple sud-coréen doivent se sentir misérables, le coeur lourd. J’espère qu’une telle tragédie ne se répètera jamais dans notre histoire constitutionnelle ». Dehors, des centaines de manifestants s’étaient rassemblés en hurlant à l’intention des députés: « Destituez Park! »
Lourds soupçons de corruption
« Cette destitution est le chemin du salut pour ce pays et pour le peuple », a déclaré Chu Mi-ae, président du Parti démocratique, principale formation de l’opposition. La marche tumultueuse vers ce vote s’explique en bonne partie par les millions de personnes qui sont descendues dans la rue pour exiger le départ de la présidente.
L’anonymat du vote alimente les spéculations sur le fait que certains puissent voter « non » en ayant affiché leur soutien au « oui » pour complaire à l’opinion publique.
L’adoption du texte, soutenu par l’ensemble des 171 députés indépendants et de l’opposition, a été rendue possible par les « oui » d’une faction rebelle au sein du parti conservateur de Mme Park, le Saenuri.
La présidente est suspectée de complicité et, pour la première fois, un chef de l’État en exercice a été qualifié de « suspect » par le parquet.
La « Raspoutine » sud-coréenne est accusée d’avoir utilisé ses relations d’amitié avec la présidente pour forcer les groupes industriels, y compris le géant Samsung, à verser environ 70 millions de dollars à des fondations douteuses, et de s’être servie de ces dernières comme tirelire personnelle.
Elle est aussi soupçonnée de s’être mêlée des affaires de l’Etat.
« Je veux me consacrer à la Nation »
Depuis les premières élections libres en 1987, tous les présidents ont eu à répondre, après leur mandat, d’accusations de corruption touchant souvent le comportement de leurs proches.
Au pouvoir de 2003 à 2008, Roh Moo-hyun s’est même suicidé en 2009 alors que le parquet enquêtait sur des versements suspects à son épouse et à sa nièce.
Dans une société où la classe politique entretient traditionnellement des rapports malsains avec le gratin économique, ces familiers avaient coutume de se servir de leurs liens avec le chef de l’État pour obtenir des faveurs.
Fille du dictateur Park Chung-hee, au pouvoir de 1961 à 1979, Park ne devait pas, sur le papier, être rattrapée par ces travers. Ses deux parents furent assassinés, en 1974 et 1979, elle n’avait ni mari ni enfant, n’entretenait plus de relations avec son frère et sa sœur et se croyait invulnérable au népotisme.
« Je n’ai pas de famille à surveiller, pas d’enfants qui hériteront de mes biens », avait-elle dit lors de sa campagne en 2012. « Je veux me consacrer à la Nation et au peuple. »
Cette image a séduit l’électorat conservateur, qui percevait Park comme la survivante vertueuse d’une histoire personnelle tragique. Le choc suscité par les révélations sur l’étendue de l’emprise de Mme Choi n’en a été que plus grand.
Le Point