Après la démolition de PK6/ Toute la vérité qu’on cache sur les cités Ran
– Les conclusions de l’enquête très attendues
Depuis le vendredi 11 avril 2014, la cité ex-Ran Marcory ZoneC 4 n’existe que de nom. Autrefois connu sous PK6 il a été rendu en amas de gravas. Les bulldozers envoyés par l’opérateur économique Fouad Omaïs ont réduit cette cité à sa plus simple expression. Détruisant ainsi, en quelques heures ce que des centaines de familles ont mis des années à construire. Que s’est-il donc, bien passé entre la Sogepie, la Sipf, la Sicf ainsi que les filles et fils de cheminots de cette cité au point de mettre entre parenthèse la vie d’honnêtes citoyens? Pour répondre à cette interrogation qui ouvre une brèche sur les autres ex-cités Ran, nous avons mené nos investigations.
L’affaire portant sur la démolition de la cité ex-Ran Marcory Zone 4C du vendredi 11 avril 2014 remonte depuis 2007. Mais, c’est en 2010, qu’elle va connaître un tournant décisif. En effet, c’est le 10 décembre de cette année-là, que le quartier, un site litigieux, terrain urbain (lot N°293 dont le plan d’une superficie de 17.724 m2, sis à Abidjan à Marcory Zone 4C, faisant l’objet du titre foncier N°1817 de la circonscription foncière de Bingerville) que le Directeur d’exploitation de la Société de Gestion du Patrimoine Immobilier (Sogepie), Niamkey Hubert assurant l’intérim du Directeur Général, l’a vendu à 67.620.000 FCFA en présence d’un notaire, Me Juliette A. Bohoussou. Enregistré, le 11 novembre 2010, sous le Registre : ACP. Vol27v F199 N°5508 Bord12146 :01.
Outre le vendeur pour l’Etat de Côte d’Ivoire, Niamkey Hubert (Sogepie), l’acquéreur Fouad Omaïs et le notaire Me Juliette A. Bohoussou ont signé l’acte de vente (voir Fac-similé1).
Face à la démolition qui a vu 41 maisons de la cité PK6 réduites en amas de gravas et impliquant directement la Sogepie, la réaction de la Direction ne s’est pas fait attendre. S’appuyant sur le courrier (N/Réf.3330 SOGEPIE/DE/SDGPEA/NJ/opn V/Réf.352/DAF/2009/BOE/PM du 2/12/2009 Dossier N°2957 du 4 décembre 2009) adressé par le Directeur Général d’alors, Gogui Théophile, à son homologue de la Société Ivoirienne du Patrimoine Ferroviaire (Sipf) concernant la Gestion des biens immobiliers de l’ex-Ran dévolus à cette société, voici ce qui a été écrit : « Nous portons à votre connaissance qu’aucun des occupants des logements de l’ex-Ran n’est locataire, ni acquéreur auprès de la Sogepie, » non sans préciser : « Par conséquent, la gestion desdits logements n’a jamais été assurée par nos services. »
En d’autres termes, le « patrimoine visé ne relève pas de la gestion de la Sogepie, mais plutôt de la Sifp. Par conséquent, la signature du prétendu représentant de la Sogepie dans cette transaction engage sa seule responsabilité. En l’espèce, le signataire de l’acte est M. Niamkey Hubert, ex-Directeur d’exploitation à la Sogepie, du 2 mai 2006 au 3 novembre 2011, aujourd’hui à la retraite », a indiqué le chef du service des affaires juridiques et du contentieux, Charles Dominique Wodji, que nous avons rencontré le mercredi 23 avril 2014, à son bureau sis au Plateau. Et de conclure : « M. Omaïs Fouad est bien connu des services de la Sogepie étant donné qu’il fait l’objet de poursuite devant les tribunaux pour avoir frauduleusement acquis un bien de l’Etat. Les conclusions de la Police économique ont, en effet, révélé le faux réalisé par ce dernier avec le concours de Me Bohoussou Juliette, notaire. »
La Sipf assigne Omaïs Fouad et la Sogepie en annulation de vente du PK6
Le Directeur de la communication, du courrier et des relations publiques de la Sogepie, Diabagaté Morissiendou, au cours de nos échanges, le mercredi 23 avril 2014, nous a révélé ce qui suit : « Aujourd’hui, la SIPF a assigné la Sogepie et Omaïs Fouad en annulation de vente dudit patrimoine (Ndlr : cité ex-Ran Marcory Zone 4 C (PK6)). L’affaire est renvoyée au 19 mai 2014 pour toutes les parties. En état de cause, consciente de l’existence de fraudes réalisées dans l’acquisition du patrimoine, la Sogepie entend user de toutes les voies de droit pour engager la responsabilité de leurs auteurs. » Mais au fait, qui doit faire quoi dans cette affaire ? En d’autres termes, quelle est l’attribution de la Sifp et celle de la Sogepie dans cette affaire où tout semble confus ?
Pour le président du Collectif des cités Ran, Guéi Gontrand et ses membres du bureau, « Cette affaire est une suite logique des machinations et collusion des Directeurs de la Sipf et de la Sogepie sous créées sous l’ex-pouvoir ». Et pour cause. Expliquent-ils : « Les déclarations et comportement de l’actuelle direction de la SIPF sont une simple fuite en avant parce que, l’actuel responsable de la Sipf ne peut pas ignorer que son ex-DG M. Gossé a bel et bien reçu une délégation de PK6 en 2009 pour leur demander de libérer Pk6 moyennant des mesures d’accompagnent de la part d’un investisseur dans le domaine de l’immobilier. Cet investisseur n’était autre que M. Fouad Omaïs », avant de conclure « Monsieur Kadjo N’Guetta, DG actuel en sa qualité de Directeur technique sous Gossé, ne peut pas feindre ignorer les propositions faites à Omais en son temps pour acquérir PK6 par sa Direction. Cette même Direction aurait tenté en vain d’avoir la caution de sa hiérarchie par une demande de déclassement de Pk6 qui lui a toujours été refusée ». Et l’un des conseillers du président du collectif, Dr. Diakité de trancher : « M. Niamkey Hubert qui n’est que la partie visible de l’iceberg, était bien en contact avec l’ex-DAF de la Sipf M. Kobena pour recueillir l’ensemble des dossiers des cités Ran recensées en 2000 par le ministère de la construction. Ce n’est un secret pour personne, la Sipf à bradé beaucoup de bien de l’Etat de Cote d’Ivoire en zone4 sachant bien que ceci n’est pas sa mission »
Le « jeu trouble » de la Sogepie et de la Sipf
Très remontés le président du collectif et ses membres qualifient de « jeu trouble » de la Sopie et de la Sipf :« Les attributions des uns et des autres sont clairs. Créée en 2001, la Sogepie a dans ses missions entre autres, de rechercher et recenser partout en Côte d’Ivoire et à travers le monde tous les biens appartenant à l’Etat de Côte d’Ivoire. Par conséquent, la Sogepie hérite d’office des habitations (PK6 et Plateau) des travailleurs de l’ex-Ran, recensées en février 2000. Dire qu’elle ne les gère pas, n’est que faute de gestion et non de négation de la qualité de biens immobiliers propres de l’Etat de Côte d’Ivoire ». Et le président Guéi Gontrand d’enfoncer le clou : « Concernant la Sipf, sa mission est claire. La note de présentation du projet de décret de dévolution des biens de l’état à la Sipf est très claire concernant sa mission et les biens concédés. Elle ne doit s’occuper que du ferroviaire, elle n’est pas une société immobilière. C’est pourquoi, nous préférons que la Sipf fasse l’objet d’un audit de l’Etat de Côte d’Ivoire pour savoir ce qui en est de son bien concédés. Bien nombre n’existe que de nom car, elle en a vendu plein derrière Ivosep et Honda ».
Pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter au conseil des ministres du 14 juillet 1995. C’est cette rencontre qui a donné son accord aux conclusions de la communication présentée par le ministère de l’Equipement, des Transports et des Télécommunications, relative à l’état d’avancement du processus de privatisation de l’exploitation des Transports par voie ferrée entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. Le conseil a décidé de la création d’une société d’Etat chargé de gérer le patrimoine ferroviaire (Sipf). L’objet de cette société est notamment la gestion administrative et comptable de l’ensemble des éléments formant le domaine public ferroviaire et du matériel ferroviaire. La Sipf est mandataire de l’Etat pour toutes les questions concernant le service public des transports ferroviaires et, généralement, toutes les opérations industrielles commerciales et financières se rattachant directement ou indirectement à son activité.
Ce rapport de présentation du projet de décret portant dévolution du patrimoine ferroviaire du 14 juillet 1995 à la SIPF a été signé part les ministres de l’Equipement, des Transports et des Télécommunications, Akélé Ezan et celui délégué auprès du Premier ministre (Daniel Kablan Ducan), chargé des Finances et du Plan, Gnamien N’Goran (aujourd’hui Inspecteur d’Etat). En conclusion, le rapport stipule ce qui suit : « Les autres biens immobilisés du secteur d’activité composés de terrains, bâtiments et biens meubles associés situés en dehors des emprises ferroviaires (dont un ensemble de logements estimés à environ 700 millions de FCFA) seront à retourner au domaine public, pour les besoins de la liquidation de la SICF. Concernant cette dernière catégorie de biens, un accord de principe a été donné aux agents de l’ex-Sicf par l’Autorité administrative, pour l’acquisition de ces logements. » Et de préciser que « le Gouvernement est sollicité pour qu’un décret soit signé dans les termes ci-dessus. Le décret a été signé sous le N°95-683 du 6 septembre 1995 tire tout son fondement de ce qui précède ».
A en croire Guéi Gontrand « La Sipf dans sa volonté manifeste et sa velléité de priver les ex-cheminots de leurs droits (droit de préemption et droit par application du décret pris en leur faveur) va tenter du faux avec un 2ème document qui serait passé en conseil des ministres le 23 décembre 1999. Juste pour essayer de justifier le premier, fabriqué de toute pièce par elle et revêtu de la seule signature du ministre Ezan Akélé pour exclure de la cession les logements de Pk6 et du Plateau. Lequel document ne peut s’opposer au rapport de présentation du projet de dévolution des biens concédés que ce soit en dotation de l’état inaliénable ou en pleine propriété) Sipf et la promesse de cession aux occupants cheminots des ex-Ran et Sicf », avant de conclure en ces termes : « Une vraie forfaiture, qui sous d’autres cieux serait passible de poursuite judiciaire… »
Le décret a été signé sous le N°95-683 du 6 septembre 1995.
Fort de cela, la Direction des bâtiments civils du ministère de la Construction et de l’Environnement, a procédé à l’identification de tous les bâtiments administratifs conformément au projet de décret de dévolution du patrimoine de la Sicf. En clair, ce fut un recensement des logements du patrimoine immobilier de l’Etat en 2000, les logements concernés n’ayant pas été dévolus à la Sipf ni en pleine propriété, ni en dotation de l’Etat. L’administration étant une parfaite continuité, la Société de Gestion du Patrimoine Ivoirien (Sogepie) créée par l’Etat de Côte d’Ivoire en 2001, a hérité de ce recensement. Mieux, sur instruction du ministère de la Construction, et pour faire droit à la requête des résidents des cités Ran, le Directeur Général de la Sogepie d’alors, Gogui Théophile, les a informés par courrier référencé : 2108/SOGEPIE/DE/SDTR/KAP du 3 avril 2008 sous l’enregistrement N°1405/SOGEPIE/14-03-08, que le dossier a été mis en étude dans ses services « en vue d’une suite favorable » selon les propres termes de la réponse du courrier. En Référence que le dossier référencé est en étude dans ses services et demande au président du collectif de prendre attache avec la Direction de l’exploitation de la Sogepie pour suite utile. Ainsi qu’Ainsi qu’une seconde Ref 2108/SOGEPIE/DE/SDTR/KAP datée du 3 avril 2008 enregistrée sous N°1405/SOGEPIE/14-03-08, que le dossier a été mis en étude dans ses services « en vue d’une suite favorable » selon les propres termes de la réponse du courrier. Pour le comité, cela est « synonyme de cession« .
Le bout du tunnel se complique
Quant au Directeur Général de la Société Ivoirienne du Patrimoine Ferroviaire (Sipf), Kadjo N’Guetta, il soutient que sa société étant une société d’Etat dont les actions sont détenues à 100% par l’Etat, alors « la Société Ivoirienne de Chemin de Fer (Sicf) a été créée, dissoute et un décret a été pris transférant les bien de cette entreprise à la Sipf. » « C’est sur cet ensemble qu’une partie des logements 161 a été vendue, avec l’autorisation de l’Etat. Nous sommes propriétaires des cités Ran et cela en vertu de la convention que l’Etat a signée avec sa propre société. On ne peut pas dire que nous ne sommes pas propriétaires », a coupé court notre interlocuteur quand nous l’avons rencontré. Comme le Burkina et la Côte d’Ivoire ont signé une convention de concession avec la Sitarail, une partie de la convention de concession était nécessaire à l’exploitation ferroviaire et sur l’ensemble des logements. L’Etat, selon le DG de la Sifp, a décidé que pour faire face à une partie du passif que 161 logements soient mis à la disposition du liquidateur de la Sifp, Tiémoko Koffi. « Il s’agit d’Adjamé cité Akan, vers le camp Galiéni, l’ex-Ran à Marcory, à Treichville au port etc. Les autres n’ont pas été vendus, bien qu’ayant été sollicités par leurs habitants, ils n’ont pas été vendus, les résidents ont même écrit au ministre à l’époque qui leur a dit que ces logements ne seront pas à vendre. Les cités où les maisons n’ont pas été vendues, les résidents sont devenus locataires et ils paient leurs loyers. Mais depuis un moment, ils ont accumulé beaucoup d’arriérés de loyers. Ils n’ont pas renoncé à devenir propriétaire donc, ils sollicitent toujours les autorités pour l’acquisition de ces logements. Ce qui est certain, chez nous, à la Sipf aucun document ne leur attribue les logements », a indiqué Kadjo N’Guetta. Pour lui, la Sipf est une société d’Etat qui a le privilège « de gérer ces bâtiments. »
A la question de savoir pourquoi le ministère de la Construction et de l’Environnement a entrepris en 2000 les recensements de ces bâtiments (Voir fac-similé), la réponse du premier responsable de la SIFP est sans ambages : « A chaque fois qu’il y a eu des recensements de logements de l’Etat, les bâtiments concernés par la SIPF n’ont jamais été concernés. Cela n’est pas du portefeuille d’une autre structure de l’Etat, mais de notre portefeuille. Nous n’avons été associés à un quelconque recensement. Ce que nous faisons, chaque année, nous faisons des inventaires qui sont vérifiés par les commissaires aux comptes, après présentation au Président du Conseil d’Administration. »
Pour le conseiller du président du collectif, « La réponse de ce responsable dit tout et toute la vérité. Si les bâtiments de la SIPF ne sont pas concernés par les recensements à chaque fois par l’état de Cote d’Ivoire et qu’il se trouve que le recensement de février 2000, a recensé les logements des cheminots, c’est parce que les logements en question n’ont pas été concédés à la SIPF et le Ministère a raison de les conserver dans son patrimoine et les confier à qui de droit »
Le président du Collectif des cités Ran et le DG de la Sipf, s’empoignent
Puisque c’est vous qui gérez les habitations, qui a vendu les bâtiments de l’ex-Ran PK6 qui ont été détruits par un opérateur économique ? Telle est l’interrogation posée d’entrée de jeu au Directeur général de la Société Ivoirienne du Patrimoine Ferroviaire (Sipf), Kadjo N’Guettia.
« Je sais que les habitants de PK6 ont des arriérés de loyers. Mais, si nous avons des actions à mener, nous passons par la justice pour obtenir des avis d’expulsion. Nous avons certains dossiers qui sont pendants à la justice par rapport à certains habitants qui ne sont pas à jour de leurs loyers. Quand nous avons appris que la cité a été démolie (certains habitants de cette cité qui sont agents de Sitarail), ils ont attiré notre attention et nous avons immédiatement saisi notre avocat qui a intenté une action en justice pour que nous soyons rétablis dans nos droits. Donc, la SIPF, en dehors des 161 logements qui ont été vendus, n’a pas été autorisée à vendre des logements du patrimoine ferroviaire. Les documents que les résidents ont fournis à notre avocat indiquent que la vente aurait été réalisée par un agent de la Sogepie », a soutenu Kadjo N’Guetta précisant, par ailleurs, qu’il n’y a « aucune lettre ou acte qui promet la vente des bâtiments à leurs occupants, dans nos documents. » Selon notre interlocuteur, la Sipf n’est pas autorisée à vendre les maisons du patrimoine ferroviaire, en tant que société d’Etat. « Nous recouvrons le loyer pour le fonctionnement de la société. Si ces logements devraient être vendus, les ressources seront directement reversées au Trésor et non à la Sicf. Donc, nous n’avons pas intérêt à les vendre. Nous avons intérêt à réhabiliter ce patrimoine. Nous avons envoyé nos équipes sur le terrain et elles ont été poursuivies par les riverains. Ils se sont opposés à cette réhabilitation des logements. Evidemment, si nous réhabilitons, le prix des loyers sera fixé en conséquence », a-t-il précisé.
« Faux et archi-faux », martèle le président du collectif des cités Ran « la SIPF a toujours refusé d’entretenir les habitations prétextant que cela ne fait pas partie du contrat de bail, un bail qui n’existe nulle part. Les cas de refus d’entretien de nos logements sont légion ; Et à l’analyse de cette fin de non recevoir, nous avons fini par comprendre que nos logements ne lui ont jamais été concédés », a-t-il révélé.
Duncan souhaite que ce dossier soit « clarifié »
Concernant le dossier relatif à la démolition de 41 maisons de la cité ex-Ran PK6 sis en zone 4C à Marcory, le chef du gouvernement Daniel Kablan Duncan a indiqué, le lundi 28 avril 2014, qu’il en a « dûment entendu parler. » « Je crois qu’il y a une enquête qui est en cours, moi j’attends les conclusions de cette enquête et nous allons pouvoir faire une déposition », a-t-il soutenu. Non sans préciser ce qui suit : « Je pense que c’est un opérateur économique étranger qui serait concerné. Je n’ai pas le dossier et je crois qu’une instruction est en cours. Quand nous aurons les éléments, on le fera communiquer. » Qui a cédé les bâtiments ? Le chef du gouvernement a affirmé qu’il « faudrait clarifier le dossier. » « Le président Henri Konan Bédié, en son temps, avait pris des mesures pour qu’un certain nombre de logements appartenant à l’Etat dans le cadre des opérations Sicogi, Sogefhia, puissent être données à leurs locataires, en opération d’achat définitif, et c’est ce qui a été fait » ajoutant pour la circonstance qu’il ne savait pas que cela concernait directement l’opération de la SIPF, qui était une opération particulière. « On demandera au ministre des Transports de me faire le dernier point de ce dossier. Mais ce secteur n’était pas directement concerné par ce dossier, il était concerné dans le cadre des relations Côte d’Ivoire-Burkina-Faso et dans le cadre de la concession faite au Groupe Bolloré qui exploite ce chemin de fer Abidjan-Ouaga. Ce dossier d’ailleurs, va connaître une évolution rapide parce que nous allons assister à une rénovation importante de cette voirie ferroviaire et une accélération dans la modernisation de cette voirie, mais aussi des locomotives et des wagons transportant à la fois les marchandises, mais surtout aussi les passagers (…) »
La fuite en avant de Fouad Omaïs
Pour la légalité et la régularité de l’acte de justice qui a servi à l’expulsion et à la démolition des 41 maisons, nous avons voulu rencontrer, en personne l’opérateur économique, Fouad Omaïs. Maintes fois joint sur son téléphone portable, il a décliné gentiment. Voici ce qu’il a indiqué à notre dernier appel : « M. Sériba, appelle-moi la semaine prochaine parce que j’ai ma femme qui est malade, et qui doit se rendre au Etats-Unis. Merci pour la compréhension. » C’était le mercredi 7 mai 2014. Un appel à 9h49 mn d’une durée de 53 secondes. Il en a été, toujours ainsi, depuis le 14 avril 2014, quand nous tentons de le rencontrer. Tout comme l’un de ses avocats, Me Yao Koffi, qui nous a donné rendez-vous le vendredi 9 mai 2014, à son cabinet sis aux II-Plateaux. Une fois en sa compagnie, nous avons voulu avoir l’acte de justice qui, selon les victimes, ne leur a jamais été signifié. Le juriste nous a rassurés de mettre ce document à notre possession, le lendemain dans la mesure où « ce n’est pas un acte confidentiel. »
Un acte de démolition fantôme
Cette rencontre n’aura jamais lieu dans la mesure où Me Yao Koffi refuse de nous prendre au téléphone. Pis, nous buttons sur l’huissier de Fouad Omaïs, MeFulgence Koho qui, à son tour, nous renvoie vers un autre huissier, Me Gnonh Aimé Raoul. En revanche, l’un des avocats des victimes, Me Kacou Delphine, qui n’a pu avoir ce fameux sésame pour le joindre à ses dossiers reste prudente : « Depuis que je suis avocat, dans les réquisitions, on n’a jamais choisi des gendarmes pour aller porter main forte dans l’exécution d’une décision de justice », a-t-elle révélé.
Sur le sujet, la loi est sans équivoque. « Suivant les signatures enregistrées le 3 août 2013, AJ VOL 42 F°54 N°1327 Bordereau 416/6, voici ce qu’elle dit en substance. « En conséquence, le président de la République mandate et ordonne à tous huissiers de justice, à ce requis de pourvoir à l’exécution du présent arrêt. -Aux procureurs généraux près la Cours d’appel et au procureur de la République près le Tribunal de première instance d’y tenir la main ;- A tous les commandants, et officiers de la force publique de prêter main forte, lorsqu’ils en sont légalement requis. »
En effet, le chef de la cité, Agbi Kokoi Albert que nous avons rencontré quelques jours après la démolition de l’ex-Ran de la cité PK6 sise à Marcory Zone 4C, a soutenu que cette opération ne se serait pas faite dans des conditions légales. «Le jeudi 10 avril, tôt le matin aux environs de 5 heures, nous avons reçu la visite des loubards et de la gendarmerie. Ils nous ont dit de sortir parce qu’ils détiennent selon eux, une sommation de déguerpissement. En réponse, nous leur avons dit que nous n’avons reçu aucun papier dans ce sens. Dans les échanges, ils ont affirmé qu’ils ne sont pas venus pour discuter avec qui que ce soit et qu’ils sont venus pour nous déguerpir. C’est comme ça que nous sommes rentrés en contact avec certains de nos responsables et nous nous sommes rendus au commandement supérieur de la gendarmerie pour savoir si c’est eux qui ont commis des gendarmes pour nous déguerpir. A la gendarmerie, l’autorité que nous avons rencontrée nous a indiqué qu’il allait nous recevoir, le lendemain (Ndlr : vendredi 11 avril 2014) pour mieux débattre du problème. Au moment où nous nous y attendons le moins, le lendemain vendredi, le même groupe arrive à la même heure. Les gendarmes bouclent les périmètres du quartier. Dans un tel contexte personne ne pouvait prendre un bagage de cinq à dix kilos. C’est dans les décombres que les habitants ont cherché leurs affaires. Y a-t-il eu des blessés ? Oui, il y a eu des blessés. J’ai été victime de la bastonnade des gendarmes qui m’ont jeté dans leur véhicule », a-t-il soutenu. Et la présidente des femmes, Mme Gayé Jeanne D’Arc, d’enfoncer le clou : « Les gendarmes détenaient une fiche que nous n’avons pas pu lire disant que c’est Hamed Bakayoko qui l’a signée. Nous demandons pardon au ministre Hamed Bakayoko (…) Nous nous sommes rendus dans la cour de la RTI en pleurant, la main sur la tête afin que les journalistes viennent filmer ce qui se passait, nous y sommes restés jusqu’à 8 heures, personne n’est venue. De la RTI, nous nous sommes rendus au commandement supérieur de la gendarmerie. Là-bas aussi c’était le statut quo. Ils nous ont même dit que les décisions viennent « de la haut« . »
Pour vérifier la base de décision judiciaire sur laquelle des éléments de la gendarmerie et des loubards ont été réquisitionnés pour détruire les 41 maisons, nous nous sommes rendus au secrétariat du Procureur de la République. Malgré le mot et les appels incessants, nous n’avons jamais été reçus pour le « droit à l’information ». Par ailleurs, l’un des proches du procureur qui a requit l’anonymat a sorti un document dans lequel, Fouad Omaïs soutient l’avoir signifié à tous les résidents afin que la gendarmerie aille porter main forte à l’huissier. Or, pour qu’une force aille porter main forte, faudrait-il que l’acte ait été signifié régulièrement. Chose grave, c’est que la décision que Fouad Omaïs et ses huissiers avaient entre leurs mains n’a jamais ordonné une démolition, selon notre source. L’abcès vient d’être crevé. Nous comprenons alors pourquoi cet acte de justice devient sensible et fantôme pour les journalistes. Même si l’affaire est en instruction, cet acte judiciaire n’est pas frappé du sceau de confidentialité d’autant plus qu’elle devrait se retrouver aux mains des résidents de la cité ex-Ran PK6 à Marcory Zone4C.
Sériba Koné
Encadré1
Pourquoi la justice doit « savoir se faire envoyer »
L’affaire est grave et très sérieuse parce que ce sont plus de 41 familles qui sont jetées à la rue dans des conditions encore non élucidées. Le gouvernement « attend les résultats d’une enquête sérieuse » afin de se prononcer. C’est ici qu’il faut prendre en compte les conseils de l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo qui disait : « Si on t’envoie, il faut savoir se faire envoyer ». Mieux, Alassane Ouattara, lors de l’investiture du président de la Cour suprême, avait soutenu ceci : « Dans mon programme de Gouvernement, j’ai promis des Institutions fortes à mes compatriotes. La justice tient une place de choix dans les Institutions que j’ambitionne de renforcer. Mais force est de reconnaître qu’en ce moment, face aux nombreux griefs qui lui sont faits et qui ne sont, hélas, pas toujours infondés, notre justice n’est pas au mieux de sa réputation. » C’était le 24 mai 2011. Non sans ajouter ce qui suit : « La Côte d’Ivoire sort d’une crise post électorale particulièrement grave dont on peut tirer au moins deux leçons. Au niveau de la justice, la première leçon est qu’une décision de justice peut provoquer la guerre, en engendrer des milliers de morts dans un pays. Faisons donc en sorte que cela ne se reproduise plus jamais dans notre chère Côte d’Ivoire. La seconde leçon est que nos compatriotes ont découvert qu’il était possible de s’opposer à une décision de justice, même rendue en dernier ressort lorsqu’on l’estime inique ou injuste. Ils pourraient être tentés d’user et d’abuser de cette possibilité. Ne donnons donc plus à personne l’occasion de se révolter violemment contre une décision de justice ». Et de conclure : « La vocation de la justice est simple : c’est de donner raison à celui qui a raison, et tort à celui qui a tort. Notre justice doit rendre des décisions et non des services. Elle doit être la même pour tous, gouvernants ou gouvernés, riches ou pauvres, sans distinction de race, de croyance religieuse, de courants de pensées philosophiques, d’origine régionale, ethnique ou de la nationalité. C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire vivra en harmonie avec sa justice et redécouvrira les vertus d’un pays de paix, d’hospitalité et de vraie fraternité tel que voulu par nos pères fondateurs. »
Ce n’est pas l’ex-président de la République, Henri Konan Bédié, sous qui le décret portant dévolution du patrimoine ferroviaire a été signé qui soutiendra le contraire. En tant que chef de l’Etat averti, il a de tout temps soutenu que « la justice est la clé de voûte de l’édifice social. Sans une justice forte, garantissant les libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits de tous les citoyens, l’État de Droit que nous appelons de tous nos vœux demeurera une 25ème heure que nous attendrons toujours, mais qui ne sonnera jamais. Sans une justice crédible, rassurant les investisseurs nationaux et étrangers, les capitaux nécessaires à la relance de notre économie éviteront soigneusement notre pays au profit d’autres destinations jugées plus sûres. La faiblesse de la justice conduit inexorablement au délitement de tous les compartiments de l’État et, à terme, au retour à la loi du plus fort, la loi de la jungle. »
Sériba K.