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CI:Vente du siège de l’Aip/ Fouad Omaïs encore cité


Après avoir fêté ses 50 ans le siège de l'AIP dans tourmente (Ph: Dr)

Après avoir fêté ses 50 ans le siège de l’AIP dans tourmente (Ph: Dr)

« Monsieur le promoteur, au terme des travaux du comité technique interministériel chargé de l’aménagement et du développement cohérent de la commune du Plateau, j’ai l’honneur de vous informer que votre projet cité en objet (NDLR, Ivoire renaissance Complexe) a été retenu sur le site actuel de la direction de l’Agence ivoirienne de presse, pour une superficie de 9000 m². En conséquence, pour permettre la prise de décision définitive par le gouvernement, je vous demande de bien vouloir transmettre en quatre exemplaires au comité technique interministériel les informations et documents listées dans la liste ci-jointe, au plus tard le 10 février 2014″. Voici en substance ce que dit un courrier signé du ministre de la Construction, Sanogo Mamadou, adressait en janvier 2014 au richissime homme d’affaires libanais, Fouad Omaïs, propriété du holding SCI Alamaha, société promotrice du projet “Ivoire renaissance Complexe”. Autrement dit, si rien n’est fait les journalistes et agents de l’Agence ivoirienne de presse (AIP) se retrouveront bientôt à la rue. Un nouveau scandale qui risque encore de secouer la République, tant la procédure ayant abouti à la cession de ce patrimoine public, sis au Plateau, Avenue Chardy (Abidjan), est aussi louche que rocambolesque. L’information, avec preuves à l’appui, a été livrée la semaine dernière par un confrère, qui est parvenu à mette la patte sur des documents administratifs relatifs à cette affaire.

En effet, dans sa livraison du vendredi 25 juillet 2014, le journal satirique « l’éléphant déchainé »  consacre un dossier complet à ce sujet, qui donne froid dans le dos, vu la manière cavalière avec laquelle dont cette transaction est en train d’être conclue. Au grand mépris des dispositions légales en vigueur en la matière. Focus sur affaire de haute corruption.

Dans les coulisses d’une vente illégale… 9000 m² en jeu

D’après L’Eléphant Déchainé, cette affaire remonte en 2008, où la Société de gestion du patrimoine immobilier de l’Etat (SOGEPIE), dirigée alors par Gogui Théophile, « dans le cadre de la cession d’une partie du patrimoine immobilier de l’Etat » vend  le terrain abritant les bureaux annexes de l’AIP, ainsi qu’un court de tennis et un espace de restauration jouxtant ladite administration, à un certain Opokou Essaim. Ce dernier, un technicien supérieur exerçant à la SOGEPIE, revend quelques mois plus tard le terrain à la SCI Almaha de Fouad Omaïs à hauteur de plus d’un milliards de francs CFA pour la construction d’un complexe hotelier. Une nouvelle qui suscite étonnement et indignation chez la direction de l’Agence, d’autant plus que l’AIP est un Etablissement public national (EPN) à caractère administratif. Car, la loi n°98-388 du 02 juillet 1998 fixant les règles générales relatives aux EPN et portant création de catégories d’Etablissements publics, stipule clairement en son article 5, qu’”un établissement public dispose d’un patrimoine propre”. En d’autres termes, si l’on s’en tient à la teneur de cette loi, le site actuel du siège de l’AIP, qui lui a été attribué par le gouvernement ivoirien en 1991, ainsi que ces bureaux régionaux à travers le pays, relèvent bel et bien de son patrimoine propre, et ne peuvent être ni vendu ni cédé sans son consentement ou celui du gouvernement. Bien plus, le décret portant organisation et fonctionnement de l’AIP est claire à ce sujet en son article 27 : “ Les ressources de l’AIP sont constituées par : les dotations et les subventions budgétaires de l’Etat, les subventions des organismes publics ou privés, nationaux ou internationaux, le produit des cessions des travaux et prestations, ainsi que les revenus éventuels des biens, fonds et valeurs, la rémunération des services rendus sous quelque forme que ce soit , les dons et legs dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur, le produit des transactions, les réparations civiles et les produits divers, le produit des biens meubles et immeubles aliénés dans les conditions fixées par les textes en vigueur, éventuellement, les redevances versées par les usagers, le produit des abonnements et conventions, notamment l’abonnement groupé du Gouvernement au fil de l’AIP au bénéfice des cabinets ministériels, des représentations diplomatiques de Côte d’Ivoire et des collectivités territoriales”. C’est cette affaire avait fait grand bruit dans le temps, et avait même fait la Une de plusieurs journaux proches de l’opposition d’alors.

Une fois au pouvoir, en 2011, le président Alassane Ouattara commandite une enquête sur le dossier, dans le cadre du processus de récupération de tous le patrimoine immobilier de l’Etat bradé par la SOGEPIE sous l’ère de la “Refondation”. Les investigations des enquêteurs concluent très vite à “une transaction frauduleuse” entre la SOGEPIE et les acquéreurs successifs du terrain abritant les annexes de l’AIP, ainsi que le court de tennis et l’espace de restauration. Selon le rapport de l’enquête, les documents utilisés pour opérer cette vente (lettre d’attribution, titres foncier, etc) étaient des faux, et n’avaient jamais  été signé par le ministre de la Construction d’alors, Marcel Amon Tanoh. Un arrêté interministériel a alors été pris, en septembre 2011, pour annuler tous ces actes de ventes, ainsi qu’une poursuite judiciaire lancée contre tous les acteurs de ce deal sulfureux. Le Sieur Opokou Essaim est même mis aux arrêts et écroué à la prison civile d’Abidjan. Dès cet instant, les dirigeants et le personnel de l’AIP respirent un grand coup et pensent être désormais à l’abri de toutes tentatives de déguerpissement. Loin s’en faux ! Car, Fouad Omaïs, qui a plusieurs tours dans son escarcelle, n’a pas dit son dernier mot. Alors… coup de théâtre !

Toutes les voies judiciaires lui étant fermées pour acquérir le terrain, l’homme d’affaires procède par la voie administrative. Et on ne sait par quelle magie, il obtient à nouveau la propriété du terrain de l’AIP. Mieux, au lieu du terrain annexe, c’est tout l’espace occupé par le siège de l’AIP, ainsi que le court de tennis et l’espace restauration, soit une superficie de 9000 m², qui est cédé en janvier 2014, par le ministère de la Construction, à l’entreprise promotrice du projet “Ivoire Renaissance Complexe”. Une société qui n’est autre que SCI Almaha de M. Omaïs.

La parade est toute trouvée par le ministre de la Construction, Sanogo Mamadou, pour donner un parfum légal au deal : “au terme des travaux du comité technique interministériel chargé de l’aménagement et du développement cohérent de la commune du Plateau, j’ai l’honneur de vous informer que votre projet cité en objet (NDLR, Ivoire renaissance Complexe) a été retenu sur le site actuel de la direction de l’Agence ivoirienne de presse, pour une superficie de 9000 m²”.

Un “comité” inventé pour la cause ?

Comité technique interministériel chargé de l’aménagement et du développement cohérent de la commune du Plateau” ! Voilà une structure qui n’existe que de nom, mais qui affecte près d’un hectare de terrain relevant du patrimoine d’Etat à un tiers. Car, toutes les tentatives de lementor.net de rencontrer des responsables de ce comité se sont avérées vaines. En effet, ni au ministère de Construction, encore moins à la mairie du Plateau, personne n’a pu nous donner une indication claire et précise de l’endroit où cette structure loge. Est-ce une autre structure fantoche au service de basse besogne ? En tout cas, au niveau de la mairie du Plateau, nos sources sont formelles : “Ce comité n’existe pas, sinon comment comprendre qu’il siège et que nous n’y avons pas de représentant ?”, s’interroge, avec stupéfaction, un proche collaborateur du maire Akossy Bendjo interrogé par lementor.net.  ”Si ce comité existe, en tout cas, nous on n’en est pas informés”, persiste notre source, avant d’ajouter : “depuis quelques semaines nous avons entrepris des travaux d’aménagement et d’embellissement devant le siège de l’AIP qui nous reviennent excessivement cher, surtout que nous posons aussi à cet endroit du pavé. Pensez-vous que si nous siégions dans ce comité ou avions connaissance de cette décision de céder ce terrain, on allait investir toutes ces sommes dans ces travaux ? Nous avons mieux à faire avec l’argent du contribuable que des les gaspiller dans des travaux sur des terrains cédés, puisque c’est sûr que pour construire son hôtel, le nouvel acquéreur de l’espace se verra obligé de détruire tout ce qu’on aura réalisé à la devanture”.

Du côté du ministère de la Construction, c’est l’omerta sur le sujet. Et pourtant, un établissement public va bientôt se voir délogé sur la base d’une décision émanent de ce présumé comité.

L’AIP, une administration condamnée au nomadisme ?

L’AIP est un établissement nomade qui, depuis sa création, a du avoir plusieurs sièges.En effet, c’est avec la loi n° 61-200 du 2 juin que naît, en 1961, l’Agence ivoirienne de presse. Avec cette création, l’objectif affiché par l’État de Côte d’Ivoire est de garantir son indépendance dans les domaines du collectage et de la redistribution l’information nationale et mondiale. A sa naissance, c’est à l’avenue Marchand (actuel site de l’immeuble Postel 2001, à Abidjan-Plateau) que se trouvait son siège. Lequel siège va subir de nombreuses délocalisations, à savoir respectivement : avenue Bir Hakeim (localisation présente de la Cathédrale Saint-Paul), Tour E (Cité Administrative). Aujourd’hui, le siège de l’AIP est sis à l’avenue Chardy, au Plateau, précisément après le stade Houphouët Boigny, en entrant au Plateau, à droite.

Va-t-on encore chasser l’Agence de son siège qui a déjà abrité avant elle d’autres administrations, dont le ministère de l’Economie et des Finance dans les années 70, alors occupé par Henri Konan Bédié, et le ministère de la Condition féminine (ancienne appellation de l’actuel ministère de la femme) dont la titulaire était Jeanne Gervais ?

Au moment où l’AIP travaille à consolider sa place d’agence de presse leader de l’Afrique noire francophone, les journalistes et autres agents de cette maison qui fournissent  l’information à temps réel, se posent des questions sur leur sort, ni le ministère de la Construction ni la SOGEPIE ne leur donnent de visibilité sur cette affaire. Une chose est sûr, le personnel de cet organe de presse s’est d’ores et déjà mis en position de défense : “leurs bulldozers  marcheront sur nos corps pour détruire nos bureaux ; on ne bougera pas d’ici”, menacent-ils.

Source Lementor.net

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