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Système financier et bancaire /Karamoko BA, consultant, décortique le système bancaire islamique


Monsieur Karamoko BA est né le  28 août 1949, à Bouaké. Entré en 1974 à la SGBCI, il fut une brillante carrière durant 38 ans de service qui lui permet d’apporter sa modeste contribution à la construction de cette importante structure. Avec le temps celle-ci est devenue l’une des plus grosses filiales bancaires du pays et de la sous-région. C’est en sa qualité donc de spécialiste du système bancaire, que lepointsur.com  l’a rencontré.

 Comme on le dit, le journalisme mène à tout pourvu qu’on sache en sortir. En est-il de même pour l’enseignement, votre première profession ?

L’enseignement globalise toutes les autres professions, car pour être un bon enseignant, il faut avoir une certaine culture. En un mot, c’est savoir quelque chose de tout. L’enseignement peut donc mener à toutes les professions.

Du tableau noir à la Banque, comment cette mutation s’est-elle opérée ?

Après avoir été enseignant de Lettres Modernes, cela peut sembler curieux pour le commun des mortels de me voir diriger une Banque. Je tiens tout de même à souligner d’entrée que ma note de mathématiques au Baccalauréat (série littéraire) a été de 19/20. Et comme je le souligne dans mon livre «du roseau au Baobab», l’enseignement, bien que métier passionnant, ne répondait pas à mes aspirations de l’heure. Les charges de la famille à l’époque m’avaient amené à m’essayer aux tests d’entrée à la SGBCI. Les tests étaient réputés très difficiles et n’entraient dans cette prestigieuse institution que des candidats rigoureusement sélectionnés. J’y réussis sans trop de difficultés bien qu’étant en compétition avec des candidats encore à l’université.

Indiscrétion pour indiscrétion, militez-vous à un parti politique ? Si oui, lequel et pourquoi ?

 Aucune indiscrétion à ce sujet, puisque je suis membre à part entière et cela depuis de longues années du Rassemblement Des Républicains (RDR). Ce choix s’est fait naturellement car ce parti répondait à mes exigences et aspirations politiques.

Pour une carrière professionnelle bien remplie, pourquoi semblez-vous très peu présent sur l’échiquier politique par rapport à  nombre de cadres de ce pays ?

Cette question ne se pose plus aujourd’hui avec ma participation et mon élection aux dernières départementales du RDR «Rassemblement Des Républicains» à Bouaké avec un score qui démontre quand même mon contact permanent avec la base durant toutes ces années.

 

Qu’attendez-vous pour mettre votre longue expérience professionnelle au service du développement de votre région. Ou bien avez-vous déjà tenté une expérience qui n’a pas marché ?

Je suis à présent libre de tout engagement professionnel. Cette ouverture sur la vie politique acquise, nous allons mettre notre expérience, notre expertise acquise au fil de toutes ces années au service du développement de notre région. C’est bien là, le sens réel de notre engagement politique. Faire profiter la région du Gbêkê de nos relations privilégiées avec de nombreux opérateurs économiques. Ceux-ci, participeront au développement, et surtout aideront  à résorber le chômage. Notamment celui  des jeunes. C’est un défi majeur,  vu son ampleur  dans notre pays actuellement.

Quelle partition entendez-vous jouer, en votre qualité de cadre élu, dans le processus de l’émergence lancé par le Président de la République ?

Nous entendons jouer notre partition dans le processus d’émergence lancé, en sensibilisant l’ensemble des populations pour l’emmener à prendre conscience de la nécessité d’’adhérer à cette vision du Président Ouattara destinée à notre pays, dans le concert des nations avancées. Nous expliquerons aux populations, le bien fondé de cette politique de l’Emergence afin de les amener à y adhérer pleinement. Nous inciterons à la création d’affaires et d’opportunités pourvoyeuses d’emplois, à la gestion rationnelle des ressources en  vue d’un meilleur partage. Le contexte socio-économique actuel nous incite logiquement à croire, compte tenu de toutes les actions de développement posées dans tous les secteurs d’activités et dans des actions en chantier, que l’émergence est parfaitement atteignable pour notre pays. Nous devons y croire.

De  fait, vous vous êtes découvert un destin d’écrivain ; quel est le contenu de votre première œuvre ?

Cette œuvre s’intitule «Du roseau au baobab» sorte d’autobiographie qui relate ma vie privée et professionnelle, à travers mon enfance à Bouaké et ma carrière professionnelle à la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire «SGBCI», première Banque de la Côte d’Ivoire et de la sous-région. J’y relate aussi la somme de ma riche expérience des hommes, après avoir côtoyé de nombreuses personnalités exerçant aujourd’hui au sommet de l’Etat pour certains. J’évoque également les profondes transformations politiques de notre pays depuis l’avènement de la dévaluation du Francs CFA, la crise militaro-politique dont les conséquences sur plus d’une décennie restent encore perceptibles malgré les grands efforts faits par les gouvernants pour les juguler.

 

En votre qualité de président du chamci

Qu’est-ce que le Chamci ? 

Le Chamci, est le Club d’Hommes d’Affaires Musulmans de Côte d’Ivoire et qui a pour slogan « la foi au service des Affaires », ses objectifs principaux sont de contribuer à l’essor de la communauté musulmane, de venir en aide aux démunis, d’être pour ses membres un creuset d’échanges et de partage, de favoriser les liens d’amitié, de fraternité, de travail, d’affaires entre ceux-ci.

Depuis sa création, qu’a apportée cette structure à ses adhérents ? 

Beaucoup de liens d’amitié et d’affaires se sont tissés entre les membres. Ceux-ci se retrouvent en dehors des activités du Club, mais se côtoient. Ils font du business en collaboration pour certains, et d’importants échanges commerciaux pour d’autres.

Quelle est la différence entre les systèmes bancaires occidentaux (conventionnels) et islamiques ?

Nous précisons que la différence fondamentale entre ces deux systèmes est basée sur les principes même de la finance islamique, à savoir : l’inexistence de l’intérêt, de l’usure, “RIBA” en arabe; l’interdiction de la spéculation et toutes transactions basées sur l’incertitude, tel que les jeux de hasard, “GHARAR” ou “MAYSIR” en arabe; l’interdiction formel par la charia, la loi islamique de tous secteurs jugés illicites, “HARAM” tel que le vin, les drogues, le tabac, la pornographie, tout produit dérivé de la viande de porc etc. ; l’obligation de partage des profits et des pertes. Le partage des Pertes et Profits doit être fixé dans une proportion et non par un bénéfice à la signature du contrat. Si par exemple, M. X à 40% et M. Y 60% sur un bénéfice de 1 000 000FCFA, En cas de profit chacun est engagé à hauteur de son pourcentage, ainsi, M.X aura droit à 400 000 FCFA et M. Y aura droit à 600 000 FCFA. Et enfin, le principe d’adossement à un actif tangible. On entend par tangibilité de l’actif une opération qui doit être obligatoirement adossé à un actif réel, matériel et surtout détenu. Les cibles de prédilection sont l’immobilier, les complexes énergétiques, les matières premières, etc. Toute transaction financière doit être sous-tendue par un actif tangible et identifiable. En résumé, les produits bancaires islamiques respectent quatre règles: Le partage de risque,
La matérialité des échanges,
L’absence de pénalités de retards de remboursement
Et le non financement des transactions interdites par la Charia (création de brasseries, de charcuteries (à base de porc), etc…).

On a du mal à comprendre, en tant que fervent musulman et dirigeant du Chamci, que vous arrivez à concilier les deux systèmes. Cela ne semble pas être très aisé tout de même ?

Nous sommes dans un Etat laïc. La Côte d’Ivoire est gérée, à la manière occidentale. La question du dualisme ne se pose donc pas puisque nous appliquons un système, conventionnel. Je suis dirigeant du CHAMCI et il faut noter que ce Club est composé d’hommes et de femmes haut cadres et responsables politiques, modernes qui sont tous assujettis au même système et personne ne semble s’en offusquer.

Le système bancaire islamique constitue-t-il une tradition bien établie en Afrique. Si oui, quelle est son histoire ?

La finance islamique dans le monde date  du début des années 60 et a fait sa première apparition en  Egypte et en Malaisie. C’est donc dire que l’institution elle-même est récente. Ces pays islamiques autrefois, du fait du commerce et de la colonisation pratiquaient tous le système conventionnel ou occidental. Ils décidèrent donc de se conformer aux prescriptions de l’Islam et de bannir l’intérêt dans leurs transactions en créant des Banques islamiques et en procédant à l’islamisation de toutes les Banques qui existaient déjà (c’est le cas de pays comme l’Iran, le Soudan et le Pakistan qui ont islamisé entièrement leur système financier). Ainsi, ils se réunirent au Pakistan, à Lahore en 1974 et décidèrent de la création de la Banque Islamique de Développement « BID ».  La création de la BID ouvrit donc la voie aux Banques et autres institutions financières islamiques. En Afrique donc et surtout dans la zone UEMOA, l’histoire de la finance islamique date seulement des années 80, avec la signature par les gouvernants de la sous-région et le groupe financier saoudien Dar Al Maal Al Islami de plusieurs accords pour l’ouverture de Banques islamiques dans plusieurs pays, Sénégal, Niger et bien d’autres pays aujourd’hui (Guinée Conakry, Gambie, Afrique de sud…). La distribution géographique du système islamique est la suivante :
60% dans le golfe Persique
20% en Asie du Sud
20% dans le reste du monde, dont l’Afrique.

Dans un pays laïc comme le nôtre, comment arrivez-vous à inciter vos coreligionnaires à embrasser le système idéal pour eux. Nous voulons parler de votre astuce de sensibilisation.

Le système bancaire islamique n’étant vraiment pas implanté dans notre pays, le problème ne se pose pas réellement. Nos coreligionnaires n’ont pas à choisir véritablement entre deux systèmes. Le système conventionnel s’impose à eux car c’est le modèle choisi par notre pays, du fait de son histoire et de sa laïcité.

Quels apports du système bancaire islamique dans l’économie ivoirienne ?

Nous répondrons à cette question en nous référant aux propos et aux chiffres donnés par le Ministre en charge de l’Economie et des Finances,  lors d’une énième signature de prêt entre le gouvernement de la Côte d’Ivoire et la BID en septembre 2013. Le Ministre à qualifié la BID de partenaire de premier rang de la Côte d’Ivoire en matière de financement de projet dans tous les domaines (Infrastructures routières, Education, Santé …) en vue de son développement. Les chiffres parlent par eux-mêmes : la totalité des prêts à la date de septembre 2013 sont évalués à 266,5 milliards de francs CFA,  soit environ 533,2 millions de dollars américains. Tel est le concours global de la Banque Islamique de Développement à travers 23 Accords de financement.
Interview réalisée par EKB

Collaboration : DSK

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