Liberté de la presse en Côte d’Ivoire : La protection des journalistes, une priorité pour le pouvoir


lepointsur.com (Abidjan, le 29-1-2015) Dans les médias, la terreur est dans tous les camps… La liberté de la presse est loin d’être acquise dans le monde. En Afrique, elle est d’une précarité insoupçonnée. Et la Côte d’Ivoire n’est pas en reste. Tableau de la liberté de la presse.

Francis Taky BouanzyUne conquête permanente, la liberté de la presse. Selon le rapport 2014 de Reporter Sans Frontière (RFS), 66 journalistes ont été tués, 11 collaborateurs, 19 net-citoyens et citoyens-journalistes également tués. 180 journalistes, 13 collaborateurs et 178 net-citoyens emprisonnés. Un tableau non moins lugubre de la liberté de la presse dans le monde. La question de la protection des journalistes devient dès lors plus que récurrente et pressante pour les Etats qui se veulent modernes et modèles en matière de Démocratie.

Une catharsis, permet de se rendre à l’évidence qu’en Côte d’Ivoire, la terreur a tout simplement changée de camp. Depuis sa prise de pouvoir effective, à travers la grande investiture du 21 mai 2011, dans la ville de Yamoussoukro, le compteur d’assassinat et d’agression des journalistes dans un environnement d’insécurité quasi généralisé n’arrête pas de tourner à grande vitesse. Et les fins limiers et autres enquêteurs assermentés n’ont pas encore fini de faire leur besogne pour situer les responsabilités.

Pendant ce temps, le cycle infernal, cynique et inique de violence tant verbale, physique que morale sur les journalistes continue. Un tour dans le rétroviseur sous la gouvernance Ouattara. Des cas d’assassinats et d’enlèvements de journalistes. Cela fait la deuxième fois, depuis l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir, qu’un journaliste ivoirien perde la vie dans des circonstances extrêmement troubles et inquiétantes.

Sylvain Gagnetaud de la Radio Yopougon avait été tué en mai 2011, lors d’une opération militaire dans la commune de Yopougon. A sa suite, Désiré Oué a été assassiné, à son domicile, le 14 novembre 2013, par des « hommes armés ». Jusqu’à ce jour, aucune enquête sérieuse n’a encore révélé les conditions exactes des meurtres de ces journalistes. Outre les deux cas d’assassinats, des enlèvements ont été faits.

C’est le cas de Dieusmonde Tadé, enlevé le 15 novembre 2013, et relâché le 19, soit 4 jours plus tard. Ce dernier avait déjà reçu plusieurs menaces de mort suite à la publication d’un article dans lequel il évoquait un ex-chef de guerre de l’ex-rébellion. Le 2 mai 2014, le journaliste Fabrice Tété du quotidien ‘’Le Temps‘’, proche du FPI, a été molesté et malmené par le garde du corps de Pascal Affi N’guessan, à sa résidence de Bongouanou, dans le Centre-est du pays, lors de la 14 ème édition de la fête de la liberté du Front populaire ivoirien.

La der des ders, est l’assassinat manqué d’Antoine Assalé Tiémoko, patron du bi-hebdomadaire satirique ‘’ L’Eléphant Déchainé ‘’. Qui a affirmé que par deux reprises deux individus roulant à bord d’un véhicule de type 4X4 ont essayé de le tuer, le vendredi le 12 décembre 2014, alors qu’il se rendait au travail pour son émission « Allo Presse » de RFI.

Arrestations et emprisonnements.

Le Directeur de publication du quotidien Le Patriote, Charles Sanga, a été arrêté, le 31 janvier 2012, par la Direction de la surveillance du territoire (DST), suite à un article du journaliste Jean-Claude Coulibaly, publié le 31 janvier par Le Patriote, qui avait trait aux contentieux des législatives du 11 décembre 2011. Les autorités reprochaient au journal, la « publication d’informations confidentielles » et exigeaient que le quotidien révèle ses sources.

Le 29 novembre 2011, trois journalistes du quotidien Notre Voie – César Etou, Ex-directeur de publication, Didier Dépry, secrétaire général de la rédaction, et Boga Sivori, chef du service politique – ont été inculpés pour « incitation au vol, aux pillages et à la destruction de biens d’autrui par voie de presse ». Après 13 jours d’incarcération, ils ont été relâchés, suite à une requalification des faits par le juge.

Emprisonné le 27 mars 2012 pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », Ousmane Sy Savané, Directeur général du groupe Cyclone a bénéficié d’une liberté provisoire, le 3 mai 2013, jour de la journée mondiale de la liberté de la presse. Coïncidence !

Attaques de sièges

Le siège du groupe Nord Sud Communication, société éditrice du quotidien Nord Sud, proche de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale, a été l’objet d’un cambriolage, le 7 novembre 2012.

Mais avant cette attaque, le siège du groupe de communication Cyclone, société éditrice des quotidiens d’opposition Le Temps et Lg Infos ainsi que du magazine culturel Prestige Magazine, a été l’objet d’une attaque pendant les 18 et 19 août 2012, avec le bâtiment principal partiellement incendié. Guy-André Kieffer, un os dans la gorge du pouvoir. Alors qu’il avait promis faire la lumière sur la disparition, il y a dix ans- le 16 avril 2004-du journaliste franco-canadien, Guy-André Kieffer, dans le cadre de son enquête sur les malversations touchant la filière cacao en Côte-d’Ivoire, 4 ans après la prise du pouvoir, le pouvoir d’Abidjan n’a pas encore fait la lumière sur cette affaire.

Une situation qui a poussé Reporters sans frontière à épingler les autorités sur l’impérieuse nécessité de respecter ses engagements quand à la promesse de faire éclater toute la vérité sur la disparition du journaliste. Depuis lors, on est toujours dans l’expectation. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la politique se porte mal, mais pas autant que la liberté de la presse. Beaucoup d’efforts restent à faire…

2 novembre : Journée internationale de lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes. Lors de sa dernière session en 2013, l’Assemblée générale des Nations unies a décrété le 2 novembre Journée internationale de lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes, que ce soit dans un contexte de conflit armé ou non. Cette journée a été choisie en hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes de RFI assassinés en 2013 au Mali.

La question de l’impunité des auteurs de crimes commis à l’encontre des journalistes se pose aujourd’hui plus que jamais. Et cette célébration marque la gravité de l’impunité des crimes connus contre les journalistes. Même si certaines autorités l’instar de notre ministre la communication, Afoussiata Bamba-Lamine, pensent que les journalistes ne doivent pas se prendre pour des citoyens au-dessus des lois.

Etrange! Eh bien au contraire le journaliste comme tout citoyen, a besoin de protection. Déjà en 2006, Reporters sans frontières avait joué un rôle prépondérant dans l’adoption par le Conseil de sécurité de la Résolution 1738 sur la protection des journalistes. Cependant au niveau des Etats, beaucoup d’efforts restent à faire pour la liberté de la presse. Et avec le massacre des journalistes de Charlie Hebdo, il est plus qu’impérieux de parler de la protection des journalistes. A imaginer ce que serait le monde sans les journalistes, il y a urgence aujourd’hui et maintenant.

Francis Taki.B.

Journaliste

Commentaires

commentaires