Interview/ Daouda Kaboré : « Notre Collectif s’est retiré du N23»


Daouda Kaboré, président du Collectif des Sans Voix (Ph: Dr)

Daouda Kaboré, président du Collectif des Sans Voix (Ph: Dr)

Leader associatif de la communauté burkinabé en Côte d’Ivoire, Daouda Kaboré est le président du Collectif des Sans Voix. Dans cet entretien, il évoque quelques préoccupations de la diaspora et salue les actions de paix du président du Faso.

Le Patriote : Vous aviez organisé plus d’une marche sur le Consulat Général du Burkina à Abidjan. Pourquoi vous en preniez vous aux autorités diplomatiques ?

Daouda Kaboré :Ce n’est pas juste de dire que nous nous en prenons aux autorités diplomatiques burkinabés. Cela n’a jamais été notre objectif, loin de là.  Nous disons seulement que la diaspora burkinabé n’admettra plus jamais qu’on lui impose certaines choses sans son consentement.

LP : Qu’est-ce qui vous a été jusque-là imposé ?

DK : La carte consulaire biométrique burkinabé apparait pour nous comme quelque chose d’imposer en ce sens que son coût et son entrée en vigueur n’ont pas laissé la place à des discussions préalables avec la communauté.  C’est la raison pour laquelle vous avez assisté à des marches et à des sit-in de protestations.

LP : Le gouvernement Burkinabé a pourtant entendu vos revendications et a prorogé la validation de la carte à 5 ans au lieu de 3 comme initialement arrêté ?

DK : Nous saluons cet acte même s’il a été obtenu sous la pression de la rue. Mais en même temps nous continuons de dire que les 7.000 FCFA restent encore chers pour la majorité de nos compatriotes. Surtout que la qualité de la carte dite sécurisée laisse à désirer. Le 22 février dernier à l’occasion de la présentation des vœux de la communauté dans notre Consulat, j’ai été heureux d’entendre ceux qui appréciaient cette carte d’avoir le courage de dire qu’elle n’est pas de bonne qualité. Que les signatures et les photos sont illisibles. C’est dire que depuis le lancement de cette opération en novembre dernier jusqu’ici l’on a cautionné la forfaiture.

LP : Le Ministère des affaires étrangères du Burkina a fixé la validité des anciennes cartes au 31 mai. Pensez-vous que ce soit un délai raisonnable ?

DK : Le ministère a sans doute pris cette décision sans connaître les difficultés qui se posent sur le terrain. Je pense personnellement qu’on fera un grand tort à la communauté que d’écourter la validité des anciennes cartes alors même que les dernières expirent en octobre 2018. Ce ne serait même pas honnête. Le bon sens voudrait au moins que les anciennes cartes n’aient plus de valider à la date anniversaire du lancement de la nouvelle. Si le délai du 31 mai est maintenu, cela va donner lieu à d’autres marches de protestation parce qu’avec les délais de livraison actuelle, la demande ne pourra pas être satisfaites dans les trois juridictions consulaires en Côte d’Ivoire.

LP : Votre ambassadeur a annoncé récemment la pose de la première pierre de la Maison du Burkina pour ce mois de mars. Ce projet aussi suscite le courroux dans votre communauté. Qu’en est-il ?

DK : La Maison de l’Ambassade, c’est l’édifice qui doit abriter notre Ambassade et le Consulat Général d’Abidjan. C’est un vieux projet qui date de plus de 20 ans et pour lequel la diaspora burkinabé a été amenée à cotiser tout ce temps durant. Qu’on nous annonce que la pose de la première pierre se fera enfin nous réjoui. Mais la communauté pense, et je suis d’avis avec elle, que le point financier de sa contribution doit lui être fait. Combien avons-nous cotisé durant les 20 ans, combien cela a-t-il généré comme intérêt tout ce temps. Le reste n’est qu’une information logique de ce projet.

LP : Vous pensez qu’il n’y a pas eu de transparence dans la gestion de la contribution de la communauté ?

DK : On n’est même pas encore à la question de la transparence. On demande simplement qu’on nous dise combien on a dans la caisse. Si on fait tant de difficulté à le dire, cela soulève naturellement des suspicions. Et finalement renvoie à la question de la transparence dont vous parlez.

LP : Ce que l’on ne comprend pas toujours c’est quand au cours de vos marches vous affichez des banderoles hostiles au président du Faso ?

DK : Nous ne sommes pas une association politique. Nous reconnaissons que nous utilisons des pancartes lors de nos marches contre le coût de la carte consulaire. Mais nous n’avons jamais injurié le président du Faso. La politique ce n’est pas notre tasse de thé.

LP : Pourtant le collectif des « SANS VOIX »  fait partie du mouvement N23 qui regroupe des partis politiques de l’opposition au Président Compaoré?

DK : Sur la question je voudrais dire tout haut que notre association a été abusée. A l’origine le N23 n’avait pas une vocation politique mais un mouvement de défense des intérêts sociaux, culturels et économiques de la diaspora. Mais certains ont pensé qu’il fallait en faire un instrument politique contre le Président du Faso. Le Collectif des Sans Voix s’est vite retirer de ce mouvement.

LP : Depuis quand ?

DK : Moins d’une semaine après le lancement du N23, nous avons saisi le ministère  de l’intérieur pour dire que nous ne nous reconnaissons pas dans ce mouvement. Nous avons saisi le ministère parce que c’est là bas que les textes de cette structure ont été déposés pour l’obtention de l’agrément. La preuve est que nous avons été reçus le 28 février dernier par la direction des affaires politiques de ce ministère. Nous en avons aussi profité pour annoncer l’organisation d’un sit-in sur le Consulat toujours dans le cadre de la protestation contre le coût de la carte consulaire mais aussi pour exiger qu’on nous dise combien nous avons cotisé en 20 ans pour la Maison du Burkina.

LP : Dans vos actions on voit que vous ignorez totalement le Conseil national des Burkinabè en Côte d’Ivoire. Pourquoi faites-vous cavalier seul ?

DK : L’histoire est encore récente. Au sein de ce Conseil il y a des gens qui ont soutenu ici l’ancien régime d’Abidjan contre leurs propres frères. Qui ne se souvient pas de la marche de protestation du groupe à Kima Emile sur notre ambassade en 2011. Ce sont ces mêmes gens qui ont remis une motion de protestation à l’ex-ambassadeur, son Excellence Emile Ilboudo. Fragilisant de ce fait notre chancellerie alors même que nous étions en pleine crise postélectorale. Ils ont osé demander à cette occasion au président du Faso d’être sage. Or vous convenez avec moi que le contraire de la sagesse c’est la stupidité. Comment voulez-vous que nous fassions cavalier avec des gens qui ont sacrifié, pas plus tard qu’hier, leurs compatriotes dans une crise qui ne les concernait pas du tout.

LP : Quel message avez-vous alors à lancer ?

En tant que leader de la société civile burkinabé, je voudrais demande aux uns et aux autres de savoir faire la part entre les combats politiques et les combats sociaux. En Côte d’Ivoire nous devons beaucoup au président du Faso, Blaise Compaoré. Si nous sommes en paix aujourd’hui dans ce pays c’est bien grâce à lui. Seulement nous voulons lui dire d’être plus regardant sur les décisions qui sont prises ces derniers mois et qui impactent sur la vie de la diaspora. Tout n’est pas toujours approprié à notre contexte. Et cela pourrait servir la cause d’autres personnes, je veux parler de ses opposants.

Alexandre Lebel Ilboudo (Le Patriote)

 

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