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[Côte d’Ivoire Après sa libération] Eddie Armel Kouassi (cyberactiviste) : ‘’Voici comment j’ai été arrêté’’


‘’Faisons attention à ce que nous publions sur les réseaux sociaux’’

Arrêté pour avoir partagé sur Facebook une publication dont il n’était pas l’auteur traitant le chef de l’État et Fabrice Sawegnon d’étrangers, le jeune  Eddie Armel Kouassi, a été mis en liberté provisoire dans la soirée du mardi 30 octobre. Quelques heures après sa libération, lepointsur.com, lui a tendu le micro.

Qui est Armel Eddie  Kouassi pour ceux qui ne vous connaissent pas ?

Je suis Eddie Armel Kouassi, j’ai 21 ans. Je suis étudiant en première année de philosophie à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody. Je réside à Yopougon-Sicogi.

Comment avez-vous été arrêté ?

Mon arrestation s’est passée dans la matinée du mercredi 24 octobre 2018, aux environs de 9 heures. Il y a un des agents de la DITT (Direction de l’information et des traces technologiques) de la police scientifique qui m’appelé et qui m’a tendu un piège, me disant que c’est l’un de mes amis à moi qui habite à Yopougon-Niangon à gauche qui l’a envoyé me rencontrer devant la Pharmacie Chalom, située au quartier Sicogi. Lorsque je suis arrivé sur le lieu de la rencontre, le monsieur il m’a abordé me demandant si c’est bel et bien moi Eddie Armel. J’ai répondu par l’affirmative. Pour être sûre de ma réponse, il m’a reposé la même question. Et je lui ai donné la même réponse.

Au moment où nous échangions, je me suis retourné pour jeter un coup d’œil dans mon dos, le regard a coïncidé avec l’un de ses collègue qui m’a pris les mains dans le dos et m’a passé les menottes devant les gens. Ils m’ont arrêté et c’est dans le véhicule qu’ils ont commencé à me montrer ma photo de profil sur Facebook.

Je leur ai posé la question de savoir pourquoi ils m’arrêtaient ? Ils m’ont dit que c’est arrivé au poste qu’ils me donneront les détails sur mon arrestation. Je leur ai dit que moi je ne les connais pas, ‘’vous venez vous me passez les menottes et vous m’arrêtez pour, je ne sais quel motif’’.

T’ont-ils signifié un mandat d’arrêt ?

 »À tout moment on peut interpeller chacun d’entre nous »

Ils ont insisté en me disant que je saurai tout sur mon arrestation, une fois au siège de la DITT à Cocody. En aucun cas, ils ne m’ont présenté aucun un mandat d’arrêt. Ils m’ont juste montré ma photo de profil et de couverture Facebook après m’avoir menotté.

Quand nous sommes arrivés au siège de la DITT, ils m’ont demandé, ‘’si je ne savais pas ce que j’avais fait ?’’ Je leur ai répondu que si je savais ce que j’avais fait, je n’allais pas poser beaucoup de questions.

Une fois au poste, le commissaire Fofana est venu et il m’a dit ‘’c’est toi l’infirmier qui connaît papa et maman des gens ?’’ Stupéfait, je lui ai demandé si à mon arrivée, je me suis présenté en tant qu’infirmier. Il a dit ok, et m’a demandé de l’attendre qu’il va m’appeler dans les heures qui suivront dans son bureau pour s’entretenir avec moi.

Après plusieurs minutes d’attente, il m’a appelé dans son bureau pour me demander si je connaissais Fabrice Sawegnon ? Je lui ai dit, pas personnellement, mais je le connais juste que de nom. C’est là qu’il m’a fait savoir que j’avais publié un article sur lui le traitant d’étranger etc. Je lui ai dit que je ne me rappelais plus de ce que j’avais publié sur lui. C’est en ce moment-là qu’il a fait sortir la capture d’écran de l’article que j’avais partagé. Il a fait sortir son téléphone et m’a montré la capture d’écran de l’article partagé.

Vu que j’avais l’article sous mes yeux, j’ai donc profité pour le lire. C’est là que je me suis rendu compte  que la publication faisait cas de Fabrice Sagwegnon et du président de la République Alassane Ouattara.

Je me rappelle qu’au moment je faisais le partage, je n’avais pas lu l’article entièrement. J’ai juste survolé et de la manière dont je l’ai reçu j’ai décidé de le partager.

La suite n’a pas été facile pour vous…

Oui dans la mesure où, pendant mon interrogatoire avec le commissaire, ses collaborateurs ont pris mes téléphones pour chercher la publication qui a fait l’objet de mon arrestation, mais ils n’y ont rien vu. La seule chose qu’il y avait, c’était une capture d’écran que détenait le commissaire dans son téléphone. C’est ainsi, qu’ils ont commencé à me dire que c’est moi qui ai écrit l’article. Je leur ai dit non, ‘’mais regardez sur la capture d’écran c’est écrit Radio PDCI-RDA, ce n’est pas moi. C’est sur la page de Radio PDCI-RDA, que j’ai vu l’article et je l’ai juste partagé sur le groupe Observatoire démocratique en Côte d’Ivoire’’. Il m’a dit ‘’ok’’ et m’a demandé de patienter.

Après, le directeur de la DITT est arrivé et a demandé qu’on parte s’entretenir. C’est là qu’il m’a dit que je me suis mis dans de gros ennuis. Je lui ai fait savoir qu’il a raison et que je viens à peine de me rendre compte quand j’ai lu la capture d’écran. Je lui ai dit que si j’avais lu tout le contenu de l’article je ne l’aurais pas partagé.

Et après ?

Le jeune étudiant est passé à la rédaction avec des membres de sa famille

J’ai été conduit à la Centrale, au Plateau. J’y suis resté pendant deux jours. C’est le vendredi 26 octobre, que j’ai été conduit au Parquet. Une fois devant les juges, la dame qui m’a reçu m’a demandé, si je savais ce pour quoi j’étais devant elle. Je lui ai dit oui, que je suis accusé de diffamation par voie de presse sur les réseaux sociaux. Elle m’a dit ok et qu’en attendant la suite de la procédure judiciaire je serais déféré à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). C’est ainsi que j’ai été déféré à la Maca.

Vous avez été libéré dans la nuit du mardi, savez-vous pourquoi vous n’avez bénéficié que d’une liberté provisoire ?

Non je ne sais pas, car ils ne m’ont rien dit à ce sujet. Mais avant d’être relâché j’ai été entendu, pour la dernière fois, aux environs de 14 heures.

Après avoir vécu cette mauvaise expérience, quel appel lances-tu aux cyberactivistes ?

Ce que je peux leur dire, c’est de faire beaucoup attention à ce qu’ils publient ou ce qu’ils partagent sur internet, parce que nous sommes très surveillés. À tout moment on peut interpeller chacun d’entre nous. Nous devons donc faire attention à ce que nous publions sur les réseaux sociaux.

Entretien réalisé par Georges Kouamé

 

 

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