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Ahmed Traoré (Pdt du Club’IN : « Le gouvernement actuel n’a pas tiré les leçons de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire » #ONG


Quelles lectures faites-vous de la politique socio-économique du gouvernement Duncan II ?

Ahmed Adaman Traoré, président du Club’IN.Ph.Dr

Ahmed Adaman Traoré, président du Club’IN.Ph.Dr

En toute chose il faut savoir être juste, modeste et raisonnable. Je qualifierai le bilan de la politique sociopolitique du gouvernement Duncan II de ‘’verre à moitié rempli’’. Il faut reconnaître que du travail a été fait du point de vue des infrastructures et des indicateurs macroéconomiques. Cet effort est a salué et sur ce point, nous félicitons le gouvernement. Toutefois beaucoup reste à faire quand on sait les conditions de vie de nos populations. Le chômage, la qualité de l’éducation, la gratuité et l’accessibilité des soins, la cherté de la vie restent des grosses problématiques pour lesquelles nous attendons toujours des solutions innovantes et efficaces. Sans compter les questions épineuses de la sécurité urbaine avec les microbes, la justice qui semble ne pas avoir encore fait sa mue et surtout le manque de transparence dans la gouvernance de la chose publique. Sur ces points-là, nous sommes restés sur notre faim, mais nous ne désespérons pas, car nous croyons en des jours meilleurs pour notre pays.

Dans le souci de faire place aux athlètes des jeux de la francophonie de 2017, les forces armées du régime se sont mises à pourchasser, gazer et bastonner les étudiants sur le campus de l’université FHB, dans la nuit du 13 au 14 avril 2016, cela après avoir coupé l’électricité. Pire selon nos sources, certaines étudiantes auraient été violées cette nuit. Quel regard portez-vous sur cette action gouvernement ?

Je pense que le gouvernement actuel n’a pas tiré les leçons de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire. Les frustrations et l’injustice, aussi minimes soient-elles, engendrent toujours un sentiment de rejet de la classe gouvernante. Il est inconcevable qu’un pays qui se veut émergent en 2020 traite de la sorte ceux mêmes qui sont censés soutenir cette émergence. La question de l’université est d’autant plus préoccupante que plusieurs facultés risquent de connaitre une année blanche. Certains étudiants des facultés comme en médecine n’ont toujours pas fait de TP alors qu’on s’achemine vers la fin de l’année. Au lieu de mettre en priorité ces problèmes, c’est plutôt les questions de logement lors des jeux de la Francophonie qui préoccupent le gouvernement. La Côte D’Ivoire qui a décidé d’abriter ces évènements devrait avoir prévu un système d’hébergement des athlètes dans les hôtels de la place. Et si cela ne suffisait pas, il aurait fallu prévoir la construction de site d’accueil mobile et moderne comme cela se fait dans tout pays qui se respecte. Les étudiants n’ont pas à subir les conséquences de l’amateurisme des organisateurs. Par ailleurs, plusieurs organisations ont annoncé des cas de viols pendant l’intervention des forces de sécurité. À ce jour aucune enquête crédible et indépendante n’a été menée pour identifier et punir les auteurs de ces crimes. Alors, nous nous posons la question de savoir quelles sont vraiment les priorités du gouvernement. Le Béton ou les Ressources humaines, car l’un est plus « du m’as-tu-vu ? Ou le second, le gage de la réussite à long terme de notre pays.

Quel est le sentiment qui vous anime quand des familles se retrouvent à la rue à cause des déguerpissements qui se poursuivent en cascade dans le district d’Abidjan, sans que celles-ci ne soient dédommagées?

Cette question est sensible, car il y a plusieurs aspects à prendre en compte dans le règlement de ce genre de cas. Les raisons évoquées sont que ces personnes habitent dans des zones à risque et que leur présence présente un danger pour elles et pour la population en général. Certaines sources annoncent souvent même que les personnes ont reçu de l’argent pour se reloger dans d’autres quartiers. Mais avant tout je pense aux enfants dans ses quartiers à risque qui vont être obligé de délaisser l’école, car ne sachant pas où dormir le soir venu. Je pense que pour ce genre de cas, il est impérieux d’adopter une procédure qui tienne compte à la fois des risques si les personnes demeurent sur les sites et des besoins de relocalisation de ces personnes et de leurs familles. Les autorités pourraient par exemple effectuer ce genre d’opération que pendant les vacances scolaires en s’assurant que chaque famille sur ces sites reçoit un montant subséquent pour payes des cautions et se reloger. La plupart de ses familles vivent dans ces endroits non pas par plaisir, mais par manque de moyens. Et justement, le rôle de l’État est de faire en sorte les plus pauvres puissent eux aussi vivre dans la dignité.

Le 13 mars dernier, la côte d’ivoire a connu une page noire de son histoire avec l’attaque terroriste de Grand-Bassam qui a fait plus de 19 morts. Quelles propositions pouvez-vous apporter afin de lutter ce fléau qui touche le monde ?

Avant tout je voudrais m’incliner devant tous ses morts innocents pour qui nous continuons de prier. Le terrorisme est un fléau mondial. Sa résolution recommande une synergie des forces pour arriver à vaincre ces lâches qui tuent, non pas au nom de Dieu qui est AMOUR, mais au nom d’un égoïste maladif. Le renseignement reste la clé de toute grande armée qui veut gagner une guerre. Dans le cas spécifique de la Côte d’Ivoire, il faut renforcer l’expertise de nos forces sur ce genre spécifique de lutte. Il faut se doter d’un vrai commandement qui travaillera exclusivement à la prévention et à la gestion des attaques terroristes. Aussi, il faut travailler de concert avec les religieux, les chefs de communauté et restaurer la confiance entre les forces de sécurité et les populations. Voyez-vous si les populations sont éduquées, sensibilisées et engagées dans la lutte contre le terrorisme nous avons de grande chance de déjouer voire de bouter hors de notre toute menace de ce genre. Mais ne même temps, il ne faut pas donner dans la psychose.

Les ménages ivoiriens sont en ébullition depuis la hausse constatée sur leurs dernières factures d’électricité. Si elle n’a pas doublé pour certains, d’autres ont constaté leur consommation tripler. C’était l’une des raisons de la grogne sociale actuellement dans le pays qui a été désamorcée par le président de la République le 01 mai dernier. Quelles sont vos impressions sur ce sujet en tant qu’ivoirien?

Ahmed A. TRAORÉ

Ahmed A. TRAORÉ

Une fois de plus, le gouvernement devrait se pencher sérieusement sur la question de la cherté de la vie et l’amélioration de la qualité des citoyens. On reprend de la main gauche ce qui a été donné avec la main droite. C’est l’impression que nous avons. Maintenant, le Président de la République a pris des engagements devant la nation, nous attendons qu’il les réalisent. Le Premier ministre a donné le ton, donc nous n’avons pas de raison de croire pour l’instant que les factures diminueront et que le trop-perçu sera remboursé. Mais ces décisions qui nous enseignent deux choses. La première est que le peuple peut se faire entendre quand il veut. Et la deuxième est que le président et son gouvernement semblent ne pas être maîtrises certaines décisions qu’ils prennent. Attendre que la population se plaigne que sa facture ait doublé voire tripler avant de s’en rendre compte est simplement un aveu de légèreté. Sinon, nous avons un ministère dédié à l’énergie. Que font-ils de leur journée ? Mieux sur la question du renouvèlement des permis de conduire, le Président devrait aller au bout de a logique en limogeant son ministre des transports. Le dossier de renouvèlement des permis de conduire est simplement une grosse arnaque. En le gardant, le président se fait complice d’une démarche aussi inappropriée que suspicieuse. Mais le ton est donné, et ce genre d’erreur peut avoir des conséquences inattendues à l’avenir.

En Côte d’Ivoire de nombreuses familles ne cherchent plus à manger à leur faim. Juste le minimum deux (2) ou une (1) fois par jour pour « rester en vie ». Quand les difficultés frappent, on oublie la qualité pour penser à la quantité. La question de la cherté de la vie dans le contexte socio-économique est assez difficile en Côte d’Ivoire, à tel en ait que les vendeurs de « garba » font la grève (vendeurs d’attiéké – poisson-thon frit). Comment trouvez-vous la politique de l’autosuffisance alimentaire du gouvernent ?

L’un de vos confrères Sériba KONE en a fait un dossier que j’inviterai les Ivoiriens à lire. C’est une réflexion sur ce défi que tous les régimes n’arrivent à relever. La Côte d’Ivoire, une terre où tout pousse et qui se voit obliger d’accepter une aide alimentaire du Japon, pays où la terre est soumise à chaque à des catastrophes. La réponse pour moi est simple, on privilégie les cultures d’exportation à ce qui pourrait nourrir nos concitoyens. Une loi en économie est simple à appliquer, plus il y a de production vivrière moins les coûts seront élevés et plus les populations pourront en acheté. Il faut subventionner le secteur du vivrier. L’État peut même subventionner l’achat de machine agricole afin de permettre aux personnes intéressées de se lancer dans ce secteur et surtout de cultiver de grande parcelle avec le moins d’effort physique. Aussi, il faut aménager les terres dans les zones les plus fertiles, organiser les jeunes, leur donner des outils modernes et l’encadrement qui va avec pour qu’ils se rendent compte qu’on peut devenir millionnaire en cultivant l’igname, le manioc ou la tomate. Rien ne sert de cultiver plus de cacao ou de produire plus de pétrole sinon cela doit servir à importer les denrées de première nécessité. Il faut repenser notre politique agricole afin qu’elle soit en phase avec nos réalités.

Quel regard portez-vous sur les conflits fonciers et inters ethniques dans l’ouest et au nord-est du pays ?

Il faut régler le problème du foncier une bonne fois pour toutes. Il est source de conflit. L’une des façons légales de trouver une solution est qu’il faut identifier chaque centimètre carré de la terre ivoirienne. Ensuite, il faut donner les titres fonciers aux personnes qui en ont le droit. Dans nos régions, nos parents identifient la limite de leur propriété avec des éléments non scientifiques donc discutables. Il faut moderniser tout ça. Le Canada, qui est un exemple parmi tant d’autres, a utilisé un système satellitaire pour identifier, numéroter chaque surface de son territoire. Nous pourrions y songer, en réduisant le train de vie de l’État ou le budget de souveraineté, pour enfin engager ce chantier de façon scientifique et résoudre durablement les conflits dus au foncier. Quant aux conflits interethniques comme ce que nous avons connu à Bouna, il faut continuer à sensibiliser les populations sur la nécessité de vivre ensemble en harmonie ; mettre à contribution les chefs religieux et coutumiers ; et enfin désarmer toutes ces personnes qui portent des armes sans y avoir droit. C’est un travail qui doit être mené par chacun de nous, vous les journalistes y compris.

Quel appel avez-vous à lancer à la jeunesse ivoirienne afin qu’elle puisse s’adapter au concept de l’Ivoirien Nouveau ?

Ahmed Adaman Traoré, président du Club’IN.Ph.Dr

Ahmed Adaman Traoré, président du Club’IN.Ph.Dr

Le message est le suivant « Jeune de Côte d’Ivoire. C’est toi le Boss». Le changement qualitatif de la Côte d’Ivoire ne se fera pas si toi-même tu ne changes pas de mentalité. L’union doit nous habiter à chaque instant de notre vie. L’autre ne doit pas être vu en fonction de sa région, de sa religion ou de son parti politique, mais plus comme un frère pour qui je dois être une source de sécurité. La discipline doit guider nos actions. Le respect des lois des plus simples au plus complexe. Le non-respect des lois entraine l’anarchie et conduit au désordre qui devient par la suite comme la norme. Dénoncer tout acte qui contrevient aux lois et à la quiétude du citoyen lambda. Et enfin, le travail. Faire bien ce pour quoi nous sommes engagés. Arriver à l’heure, utiliser le temps du travail pour remplir nos obligations ou encore ne pas utiliser sa position pour corrompre ou accepter d’être corrompu. Ce sont les valeurs de notre chère nation auxquelles nous devons revenir. Ne regardons pas les dirigeants actuels pour agir, mais pensons aux générations futures et à l’héritage que nous voulons leur laisser.

Par Franck Souhone (L’Inter du jeudi 02 juin 2016)

 

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