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[Afrique de l’Ouest/Bradage de terres] Le syndrome ivoirien gagne le Libéria


Guiglo, le 17-02-2022 (lepointsur.com) Le phénomène de vente des terres qui fait négativement ses preuves en Côte d’Ivoire gagne peu à peu le Libéria voisin. Si l’on n’y prend garde, il pourrait être à terme, à l’origine d’un conflit transfrontalier entre ses deux Nations sœurs.

Région du Cavally dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, nous sommes en décembre 2021. La ville de Guiglo, chef-lieu de la Région du Cavally, grouille de monde. Une pléiade de personnes, toutes catégories sociales actives et inactives confondues, qui préparent tant bien que mal les festivités de fin d’année 2021, comme c’est le cas dans toutes les grandes villes de la zone CEDEAO.

Chaque jour, heure, minute, seconde et tierce rapprochent inéluctablement et progressivement les uns et les autres à grand pas des jours « J » des fêtes de fin d’année: la Saint-Sylvestre 2021 et le premier jour de l’an 2022.

Le manque criard de moyens financiers semble au rendez-vous dans plusieurs foyers du Cavally nul doute du fait de la paupérisation de la population et/ou du manque de liquidité chez les acheteurs de produits agricoles (le binôme café-cacao) pour honorer leurs engagements vis-à-vis des planteurs qui ne cessent de rôder autour de leurs magasins.

Ces situations ont pour corollaire la tristesse et la réflexion profonde dans tous les foyers à faibles revenus tandis que ceux qui ont « un peu » (le jargon ivoirien pour désigner les nantis) se déplacent, sans soucis, pour rendre leurs familles heureuses. En faisant des achats par-ci par-là, dans divers espaces commerciaux.

Il n’est pas du tout faux de dire que c’est un moment très idéal pour les hommes d’affaires ou businessmen de rentrer en action. Pourvu que tout rentre en ordre. Vu l’heure qui presse et le contexte actuel des choses, tous les moyens semblent ainsi bons pour offrir le sourire à ses siens et à soi-même.

C’est, comme nous le disions tantôt, cette période propice aux affaires de tout genre que décident d’exploiter à dessein une catégorie de jeunes qui, venus du Libéria, disent-ils, s’activent dans un projet qui est plus en plus monnaie courante en Côte d’Ivoire durant ces dernières années : la liquidation des parcelles de terres cultivables.

Ce sont plusieurs jeunes d’une quarantaine d’années environ pour la plupart parmi lesquels figurent au premier plan ceux qui se vantent de résider encore au Libéria. Lesquels ont dans leurs  » mallettes  » d’affaires, une banque de projets agricoles qu’ils proposent dans un contrat anglophone de type  » win win « .

Nul doute des habitués de ces deux Nations de la CEDEAO (la Côte d’ivoire et le Libéria). Ils prennent d’assaut plusieurs restaurants et bars de la place, en Côte d’Ivoire et plus particulièrement à Guiglo, toujours en compagnie de leurs griots ivoiriens pour les uns et libériens pour les autres.

En clair, au menu de leurs cocktails se trouvent des propositions de vente déguisée de portions de terres cultivables présentées à plusieurs individus rencontrés pêle-mêle.

Vêtus de tee-shirts assortis de pantalons rougis par la poussière (signes de la dégradation de la voie qui mène de Guiglo à la frontière du Libéria), ils se présentent sans gêne aucune comme des chefs de terres dans le pays du Président Georges Weah. Avec un même mode opératoire, ils tentent de convaincre les plus sceptiques à adhérer à leur projet agricole en s’exprimant tant en français que dans un ramassis d’anglais quelque peu potable aux dignes oreilles de tous ceux qui maîtrisent bien la langue de Shakespeare:’’ You, you go to me pour payer forêt in Libéria ‘’ avait débuté le jeune John devant un homme très intéressé par son offre.  A la question de savoir si leur proposition du jour a-t-elle fait l’objet d’une concertation familiale, ces jeunes gens s’énervent et ne manquent pas d’adresser des propos hyper violents aux compagnons du vieux Zoungrana.  » Mes parents du Libéria ont confiance en moi. Vous payez et on s’en va  » avait notifié le jeune Doé pour mettre en confiance la dizaine de personnes prêtes à payer leur caution pour traverser la frontière ivoiro-Libérienne. Avant de conclure en ces termes suivants :  » Gise me 500 mille et we go today « .

Comme nous le constatons très bien, le phénomène hideux de vente des terres sous diverses formes et qui, en côte d’Ivoire, a déjà fait et continue toujours de faire négativement ses preuves du fait de plusieurs conflits intercommunautaires meurtriers divers, gagne ou est en train de gagner peu à peu le Libéria voisin. Du fait de l’activisme de certains jeunes qui binationaux.

Lesquels, bénéficiant de l’hospitalité de leurs parents paternels et/ou maternels du Libéria auraient trouvé refuge auprès d’eux durant la crise post-électorale de 2010 en Côte d’Ivoire.

Ainsi, jouissant ou abusant parfois de la grande confiance de ceux-ci du fait de leur statut social de neveux, (comme c’est le cas d’ailleurs en pays Wê et Akan en côte d’Ivoire où le neveu est très choyé), ils se lancent incognito dans la vente des patrimoines familiaux ou prétendus patrimoines forestiers du Libéria.

Ce, dans un système de plantation-partager qui, à y voir de loin et à dire vrai, est aussi et demeure une fois de plus encore une autre forme de vente déguisée de terres. Vu que la parcelle utilisée en contrat planter-partager n’appartiendra plus jamais à son propriétaire d’antan. A moins qu’un contrat limpide à court, moyen et long terme ne soit signé auparavant pour définir la périodicité des contrats de travail agricole ci-dessus cité.

Bref, un système stratégique de liquidation de terres qui ne dit pas son nom et qui contourne ainsi la législation libérienne qui interdit pourtant formellement, voire strictement dans sa loi fondamentale, toute vente de terres au Libéria.

Ces propositions si alléchantes, attirent tel un aimant plusieurs personnes qui, pour certaines, sont sur le point de débourser quelques coquettes sommes d’argent, à titre de cautions dont les montants varient entre 300 et 500 mille. Sans que l’intéressé ait foulé le sol du pays natal du Président Georges Weah. Et pis, sans même avoir rencontré un seul parent desdits commerciaux du jour vivant au Libéria, pour constater de visu la réalité du terrain.

Vu dès lors que le même système qui fait ses preuves en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années est aussi en train de prendre langoureusement forme au Libéria voisin, il serait impérieux que de mesures urgentes soient prises par ses plus hautes autorités compétentes de la Côte d’Ivoire et du Libéria afin d’éviter une fois de plus, à terme, les germes d’un conflit transfrontalier. Surtout que ces deux pays frères ne ménagent déjà aucun effort pour ressouder leurs tissus social et politique, après les quelques années de crises politico-militaires qui les ont violemment et profondément balafrés.

Laine Gonkanou, Correspondant Régional

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