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Traoré Moussa, MT (Pdt de l’Unjci) : « Le bon journaliste n’a ni ami, ni ennemi »


Une vue des participants (Ph: Unjci)

Une vue des participants (Ph: Unjci)

La salle de conférence de la Maison de la presse d’Abidjan (Mpa) a servi de cadre à une conférence publique animée par le président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci), Traoré Moussa samedi 7 février 2015. «Presse, liberté d’expression et sécurité en Côte d’Ivoire: Quelles responsabilités pour les médias ? » Tel est le thème débattu par le président de l’Unjci. Nous vous proposons l’intégralité de sa déclaration liminaire.

Mesdames et messieurs, permettez-moi, tout d’abord, d’adresser mes vifs remerciements à la  puissance invitante qui a bien voulu nous associer à cette rencontre, je veux parler des communicateurs pour la paix et le développement(COMPAD). Nous aimons souvent le dire, et nous le disons avec une légitime fierté, par ce que c’est vrai : l’Union nationales des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) est la Mère de toutes les organisations professionnelles des médias de Côte d’Ivoire. Et depuis sa création en 1991, elle s’est toujours senti le devoir de répondre favorablement à toutes les invitations qui lui sont adressées. Nos accordons une place de choix a tout ce qui contribue à la formation.

Aux participants et autres invités, je voudrais vous transmettre les salutations de l’UNJCI et saluer votre présence distinguée qui témoigne, à mon avis, de votre engagement pour l’harmonisation de la vie sociale en côte d’Ivoire.

Je salue particulièrement, MM Bamba Inza représentant la ministre de la communication, Koné Samba, président du Riaam, Joseph Anoma président de la commission permanente du jury du prix Ebony, Dekos Badaud, président du conseil de gestion de la maison de la presse.

Cela dit, le thème de notre communication est « Presse, liberté d’expression et la sécurité en Côte d’Ivoire : quelles responsabilités pour les journalistes ? 

Un thème que l’on retrouve très souvent au cours des débats dans des pays qui sortent des convulsions sociopolitiques en Afrique et qui amorcent la reconstruction des piliers de la nation dont la question de la sécurité. Autant dire que ce sujet est toujours d’actualité.

Dans l’invitation que nous avons reçue, nous avions  la possibilité de reformuler le thème qui nous est proposé, mais nous avons préféré le garder en l’état. Simplement par ce que nous avons estimé qu’il cadre bien avec les objectifs de cette rencontre.

La presse, la liberté d’expression et la sécurité sont des notions et des réalités cruciales dans un Etat. Quel rôle le journaliste doit-il jouer pour la bonne marche de ces notions? Telle est la problématique de cette conférence qui nous réunit ce jour. C’est pourquoi, pour une meilleure compréhension, nous commencerons par la définition de chacune des trois notions clefs du thème. A savoir: la presse, la liberté d’expression et la sécurité.

  1. I) La presse

Ah la presse! Que ne dit-on pas d’elle? La presse a fait ceci. La presse a fait cela. Mais qu’est-ce que la presse? Parler de presse c’est parler de journalisme. Et en la matière, nous nous inspirerons d’un célèbre confrère français dont les écrits font désormais école. Yves Agnès, car c’est de lui qu’il s’agit, dit du  journalisme qu’il a pour mission de « mettre à la disposition du citoyen, du consommateur, des informations fiables qui lui soient utiles« .

A ces informations fiables, crédibles, vérifiables et honnêtes, peuvent s’ajouter des analyses et commentaires pertinents. Le tout ayant pour but de permettre au consommateur de l’information de se faire une meilleure idée de l’actualité. Depuis plus de deux cents ans, le journalisme est reconnu comme l’un des principes fondateurs d’une société libre et démocratique (cf l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). Exercée au quotidien, cette profession a ses règles et ses techniques.

Le journaliste est considéré dans la société comme un Médiateur entre l’information et le public. Dans la mythologie grecque, on l’assimilerait à Prométhée, ce Dieu du Soleil qui prend le feu, la lumière au sommet de la montagne pour l’apporter au peuple dans le Tartare. Le journaliste est donc celui-là même qui a le privilège d’être toujours au parfum de l’actualité fraîche qu’il se doit de divulguer et mettre à la disposition du public.

Quel honneur!, pourrait-on dire. Mais plus qu’un simple honneur, cette mission est lourde de responsabilités et pleines de contraintes. C’est pourquoi la liberté d’expression accordée au journaliste est toujours assortie d’un sens aigu des responsabilités. Et cela nous conduit à la notion de « liberté d’expression » chère aux journalistes et aux adeptes de la démocratie.

  1. II) La liberté d’expression

La liberté d’expression est, comme son nom l’indique, la liberté accordée aux citoyens de dire librement ce qu’ils pensent sans être inquiétés ni incriminés. Cette notion sied à souhait au métier de journaliste dont le rôle premier est de dire ce qui est, ce qui se fait sans ambages. C’est en cela qu’on dit dans le jargon journalistique qu’il n’y a pas de demi-information.

L’information est ou elle n’est pas. Quand le Roi est mort, on dit « Le Roi est mort ». Mais quand il est dans le coma, c’est qu’il est dans le coma. Il ne peut s’agir des deux cas de figure à la fois. La liberté d’expression est donc la possibilité qu’a le citoyen de dire ce qui se fait, ce qu’il pense. Mais cela ne saurait être sans limite.

C’est pourquoi de grands penseurs disent de la liberté qu’elle s’arrête là où commence celle des autres. Ou encore « la meilleure liberté est celle qui respecte la loi ». C’est vous dire, Mesdames et messieurs, qu’il ne saurait y avoir de liberté absolue, sans limite.

Dans une société démocratique, ce qui compte c’est la prise de lois assurant aux citoyens cette liberté relative qui leur garantisse les droits fondamentaux. Car ce sont ces lois qui constituent l’appareil judiciaire, gardien de la paix et de la sécurité dans un Etat. Cela nous amène à plancher sur la dernière notion qu’est la sécurité.

III) La sécurité

Elle est l’état de paix et de quiétude pour chacun dans une société. C’est aussi et surtout la garantie qu’a chaque citoyen de bénéficier de la protection de la loi en cas d’injustice ou d’agression. Tout cela n’est possible que dans un Etat de droit où les chances des uns et des autres sont égales devant la loi. D’où l’assertion selon laquelle « la meilleure sécurité est celle qui est garantie par la loi« . Après avoir défini les trois notions clefs de notre thème, nous pouvons alors nous demander quelles responsabilités le journaliste assure-t-il dans leur succès effectif en Côte d’Ivoire.

  1. IV) Les responsabilités du journaliste

De par sa mission d’informateur et d’éveilleur de conscience, le journaliste se doit d’attirer l’attention des uns et des autres, et singulièrement des pouvoirs publics, sur les éventuels risques dans tel ou tel domaine. Il lui revient donc de veiller à la bonne application des lois et règlements dans un Etat. Ou dans le cas échéant, de dénoncer les failles afin qu’elles soient corrigées

Il ne doit pas s’agir pour lui de nuire sans fondements aux autres. Mais d’user de son devoir d’opiniâtreté, d’irrévérence que lui accorde la déontologie de son métier pour aider à la bonne marche de la société. C’est en cela qu’il est dit que « le bon journaliste n’a ni ami, ni ennemi ». L’exactitude de ses informations et la pertinence de ses analyses et commentaires font de lui non pas un ennemi à abattre, mais un professionnel craint et respecté.

Telle est la responsabilité du journaliste de tous temps et en tous lieux. Ses écrits doivent rassurer les populations et inspirer la quiétude, la paix. Si sa mission n’est pas de parler du train qui arrive en gare à l’heure mais de celui qui est en retard, le journaliste ne saurait pour autant s’ériger en oiseau de mauvais augure ou en véritable pyromane qui ne fait qu’annoncer de tristes nouvelles ou mettre du feu en la demeure.

Autant il dénonce les tares de la société et des hommes, autant il doit pouvoir relever les hauts faits des uns et des autres. Ce faisant, il joue son rôle historique de conscience du peuple, d’observateur critique, grâce à qui tout se passe dans les normes. Et qui veille au respect de la liberté et de la sécurité de chaque citoyen ou habitant du pays.

V – Conditions du renforcement de la sécurité par les médias

Si l’on est conscient du rôle des médias dans le renforcement de la démocratie, il ya des conditions à remplir. Globalement, aussi bien, les ONG de la société civile que les médias ne peuvent perdurer et prospérer que dans un cadre d’expression démocratique. C’est-à-dire que la société civile et les Médias doivent évoluer dans un cadre tout aussi ouvert et non contraignant.

  1. a) Les obligations des autorités en charge de la sécurité

–      Etablir une passerelle de collaboration entre les médias et les autorités nationales

–      Mettre à la disposition des médias, des informations utiles au traitement des questions sécuritaires

–      Garantir aux médias l’accès à l’information ( CAIDP)

–      Garantir aux acteurs des médias, une sécurité qui leur permette de jouer pleinement leur rôle

  1. b) Aux journalistes et autres acteurs des médias

–      Rester concentrés sur leur mission d’informer, d’éduquer etc.

–      Rester collés aux respects des règles éthiques et déontologiques du métier de journaliste

–      Travailler à consolider la paix et la sécurité au lieu de chercher à la déstabiliser par des informations fantaisistes

–      affirmer son indépendance vis-à-vis des partis politiques et des puissances financières

–      être véritablement le contrepouvoir qui mène le combat du bien-être du peuple.

–      Etre professionnel au regard du respect des normes qui régissent l’exercice du métier de journaliste.

–      Respecter les interdits relatifs aux questions de Défense et de sécurité nationale

En tout état de cause, tout ce que nous venons de dire renvoie à la responsabilité sociale des médias. Autant dire que les médias doivent agir pour l’avènement de la démocratie, de l’Etat de droit et la bonne gouvernance, ils doivent en être les facteurs de renforcement, de la démocratie et de l’Etat de Droit dans un pays.

V- Conclusion

En définitive donc des médias responsables, crédibles et soustraits de toute pesanteur peuvent être complémentaires et s’ils agissent en synergie.

Ils peuvent être d’importants « leviers du saut qualitatif de nos sociétés, vers plus de démocratie sociale, plus de responsabilité, plus de transparence et de  bonne gouvernance.

Les médias, conduits par un journalisme à la fois professionnel et équilibré sur le plan éthique, déontologique  et soutenue par les institutions citoyennes et les partenaires de la Communauté internationale, peuvent forger une saine opinion publique capable de transcender les différends et de prendre son destin en main.

Ce dont la Côte d’Ivoire a besoin pour réussir la réconciliation et la paix, c’est d’une part un cadre institutionnel aligné sur les valeurs démocratiques et sur le droit et d’autre part, une presse citoyenne, à la fois responsable, libre, engagée, cultivée et bien formée.

Je vous remercie

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