Présidentielle gabonaise/ Bongo Ondimba et Jean Ping favoris, 4 dissidents et les autres #GABON
Le 27 août, les quelque 628 000 électeurs que compte le Gabon sont appelés à départager les onze candidats restés en lice pour l’élection présidentielle. La campagne pré-électorale s’était ouverte avec une vingtaine de candidatures déposées devant la Commission électorale (CENAP). Celle-ci a validées quatorze dossiers dont ceux du président sortant Ali Bongo Ondimba et celle de la figure majeure de l’opposition Jean Ping. Trois grands candidats se sont depuis retirés de la course et ont rallié le camp de ce dernier afin de donner une meilleure chance à l’opposition. Portraits des prétendants.
A cinq jours du scrutin, la campagne électorale pour la présidentielle gabonaise est entrée dans sa dernière ligne droite. Cette campagne a été riche en violences policières contre les opposants, discours xénophobes, fâcheries, ruptures et quelques surprises. La principale a été le ralliement de trois ténors de l’opposition à la candidature de Jean Ping, figure majeure de la vie politique gabonaise qui après avoir été un pilier du régime Bongo au pouvoir depuis 48 ans, entend incarner l’alternance.
Malgré les ralliements à son projet, on est loin de la candidature unique de l’opposition que la société civile appelle de ses vœux. Plusieurs opposants contestent la légitimité de la candidature de Jean Ping et ont décidé de faire cavalier seul. Ces dissidents favoriseront l’émiettement des voix aux urnes le 27 août au détriment de l’opposition. Le pronostic reste incertain à la veille du scrutin.
Les favoris
Ali Bongo Ondimba, 57 ans
« Le changement c’est moi, pas eux [ses opposants, ndlr] : ils sont des hommes du passé et du passif ». C’est par ces propos que le président gabonais sortant a ouvert la campagne officielle. Ali Bongo Ondimba, connu aussi sous son acronyme ABO, est l’héritier de la dynastie Bongo qui règne sur le Gabon depuis 1967. C’est en 2009 qu’ABO a succédé à son père Omar Bongo à la tête du petit Etat pétrolier de l’Afrique centrale. Au cours de son septennat, Bongo junior s’est signalé à l’attention en se séparant des caciques septuagénaires qui entouraient son père au profit de trentenaires technocrates. Sa mandature a été marquée par une volonté affichée de diversification de l’économie hors pétrole et par le développement des infrastructures routières et sanitaires, mais cela n’a pas empêché la chute récente du prix du pétrole d’affecter le niveau de vie de la population et susciter un profond mécontentement dont témoigne la multiplication des grèves et des manifestations au cours des dernières années.
Candidat à sa propre succession, le président sortant affronte un parterre d’anciens barons de son Parti démocratique gabonais, qui se sont vengés de leur lâchage par le pouvoir en contestant la nationalité du chef de l’Etat. Leurs recours en inéligibilité acccusant ABO de ne pas être né Gabonais ont été invalidés par la Cour constitutionnelle, mais ces attaques ont fragilisé le chef de l’Etat. Le Palais du bord de mer est d’autant plus fébrile que le ralliement inattendu d’opposants de poids autour de la candidature de Jean Ping, survenu à la veille du scrutin, pourrait se révéler payant pour l’opposition.
Jean Ping, 74 ans
C’est le pire scénario pour le pouvoir gabonais, qui avait misé sur la dispersion des candidats pour remporter la mise cette fois encore : l’annonce de la formation d’une coalition anti-Bongo par trois ténors de l’opposition à dix jours avant le scrutin présidentiel a eu l’effet d’un coup de tonnerre sur le camp Bongo.
Au bout de longues et âpres négociations, deux des principaux candidats d’opposition ont en effet décidé de se désister au profit de Jean Ping, un troisième poids lourd de l’opposition. Guy Nzouba Ndama et Casimir Oyé Mba qui se sont ralliés à la candidature de Jean Ping ont été respectivement président de l’Assemblée nationale pendant dix-neuf ans et Premier ministre d’Ali Bongo, avant de claquer la porte du parti au pouvoir. Ce dernier représente, par ailleurs, l’ethnie fang, la plus importante parmi les quelque 1,8 million d’habitants du Gabon. Le dernier à rejoindre l’équipe Ping n’est autre que Léon-Paul Ngoulakia, qui a été jusqu’à encore récemment au cœur de la galaxie Bongo en tant que cousin germain du chef de l’Etat. Sa défection date d’octobre 2015 lorsqu’il a décidé de se lancer dans la course pour le compte du Mouvement patriote et républicain dont il est le président.
Fort de ces renforts qui représentent plus de 50 % de l’électorat, Jean Ping s’impose comme un sérieux prétendant au fauteuil présidentiel. Rappelons que cet homme qui incarne aujourd’hui l’alternance a été lui-même un des principaux piliers du régime en place. Cet ancien président de la Commission de l’Union africaine a été plusieurs fois ministre sous le père Omar Bongo dont il fut un très proche conseiller. Il a également été le compagnon de Pascaline Bongo, la sœur aînée d’Ali Bongo. Sa prise de distance avec le fils Bongo, qui avait entre-temps succédé à son père, date de 2012 lorsque Libreville a traîné les pieds pour soutenir le renouvellement de son mandat à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA).
Né d’un père chinois installé au Gabon depuis les années 1920 et d’une mère gabonaise, Jean Ping est une véritable bête politique. Il est aussi le Gabonais le plus connu dans le monde à cause de son passage à l’UA (200-2012). Entré dans l’opposition depuis 2014, l’homme a été le premier à se lancer dans la campagne pour l’élection présidentielle et promet de transformer profondément la donne politique et économique du pays. « Avec 1,5 millions d’habitants et toutes les ressources que nous avons, comment ne peut-on pas subvenir aux besoins élémentaires de la population? Comment se fait-il que les gens fouillent dans les poubelles pour manger et ne vont pas à l’école? », s’interroge-t-il.
Jean Ping dénonce la dictature de la famille Bongo – dont il a été partie prenante pendant 40 ans – et propose de restaurer le système des élections à deux tours ainsi que la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux. Compte tenu de son âge avancé, il s’est engagé à faire un seul mandat s’il était élu.
Les « dissidents » de l’opposition
Raymond Ndong Sima, 61 ans
Si le ralliement derrière Jean Ping a été décrié par les stratèges du camp présidentiel comme un « marchandage d’épiciers » entre « vieux politiciens », il ne fait pas l’unanimité dans les rangs de l’opposition. Premier ministre du Gabon entre 2012 et 2014, Raymond Ndong Sima s’est finalement retiré des discussions parce qu’elles se sont « focalisées sur le partage des postes à pourvoir en cas de victoire » au détriment d’un projet de société commun, a-t-il justifié sur son compte Facebook.
Economiste de profession, l’homme œuvre depuis plusieurs années pour incarner un projet alternatif pour son pays dont il a révélé les grandes lignes dans son livre Quel renouveau pour le Gabon ? (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2015).Très critique à l’égard de la politique d’Ali Bongo, ce livre a été à l’origine de sa brouille avec le régime. Il a démissionné du Parti démocratique gabonais au pouvoir en 2015. C’est en tant que candidat indépendant qu’il brigue cette année la présidence. Favorable dans un premier temps au projet d’un candidat unique face à Ali Bongo, il s’est auto-exclu de la coalition de l’opposition où il n’a pas trouvé preneur pour ses idées réformatrices fondées sur le libéralisme et l’austérité.
Pierre-Claver Maganga Moussavou, 64 ans
Président du Parti social-démocrate, Pierre-Claver Maganga Moussavou est l’une des plus anciennes figures de l’opposition dont celui-ci fréquente les rangs depuis les années 1990. Déjà trois fois candidat à l’élection présidentielle, le maire de Moulia est connu pour être un jusqu’auboutiste et n’a aucune envie de se rallier à la candidature de Jean Ping, débarqué de fraîche date dans l’opposition. « Il n’est nullement question que je me rallie à qui que ce soit », a-t-il déclaré dans une interview à Jeune Afrique. Je suis candidat et je le resterai jusqu’au bout. » Et de rappeler: « Je suis dans l’opposition depuis 1990. Si des gens doivent se rallier à une candidature, c’est à la mienne. Nous n’allons pas chasser les Bongo pour retrouver, d’une certaine manière, d’autres Bongo. »
Bruno Ben Moubamba, 49 ans
C’est apparemment moins pour des raisons de différence idéologique que par ressentiment de ne pas avoir été mieux associé aux négociations en vue de la désignation du candidat unique de l’opposition, que Bruno Ben Moubamba, le plus jeune candidat à la présidentielle, participera en solitaire au scrutin du 27 août. Il a qualifié de « mascarade » la décision prise par les principaux ténors de l’opposition de soutenir la candidature de Jean Ping. Il est lui-même soutenu par seulement une aile de l’Union du peuple gabonais (UPG), parti tiraillé entre l’allégeance à la dynastie Bongo et son attachement intellectuel à la pensée de Pierre Mamboundou, l’opposant historique décédé en 2011.
Dieudonné Minlama Mintogo, 48 ans
Agronome de formation, Dieudonné Minlama Mintogo inscrit sa candidature à la présidence dans une logique de rupture avec la politique telle qu’elle est pratiquée au Gabon depuis un demi-siècle. Comme il estime que cette rupture n’est pas envisageable avec une opposition issue pour l’essentiel du parti au pouvoir, il a maintenu sa candidature et ne s’est pas rallié à la coalition de Jean Ping. Issu de la société civile, ce jeune loup de l’opposition gabonaise milite pour le débat d’idées au sein d’une classe politique intéressée essentiellement par le prestige personnel et l’argent.
Autres candidats
Cinq autres prétendants restent en lice. Ils s’appellent Paul Mba Abessole, le doyen des candidats à 77 ans, Augustin Moussavou King, Abaa Minko Laurent Désiré, Ella Nguema Gérard et Mbombe Nzoudou Abel. Ils n’ont pas le poids des principaux candidats et se plaignent d’être les laissés pour compte de la coalition d’opposition. Leur objectif serait de former une coalition de petits candidats, mais le délai est bien court pour lancer leur initiative.
RFI.FR
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