Mont Peko – Un an après l’arrestation d’Amadé Ouérémi Les occupants du parc forestier se préparent à leur évacuation
L’évacuation des occupants du Mont Péko va se faire et est même en bonne voie. Les autorités de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso au plus haut niveau ont pris les choses en main. Le dernier Conseil des ministres conjoint des deux pays, qui s’est tenu à Ouagadougou les 30 et 31 Juillet 2014 en a défini les contours en imprimant l’esprit et la philosophie qui doit prévaloir, de sorte que tout se passe sans heurt et sans mépris, mais ‘’avec humanisme et solidarité’’. Trois semaines après cette rencontre au sommet, ‘’La Matinale’’ est allé sur les lieux prendre le pouls et l’ambiance qui prévalent dans les campements du parc forestier. Reportage.
Pona Vahi a connu une grande mobilisation le mardi 12 aout 2014. Cette bourgade distante de Duékoué de 39 km sur le chemin qui mène à Mandekro, dans le parc forestier du Mont Peko recevait en fait le Représentant de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire, Justin Koutaba. Deux semaines après la tenue à Ouagadougou du 4è sommet du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, l’ambassadeur Koutaba se faisait fort d’aller signifier à ses compatriotes estimés à plus de 27000 personnes l’urgence et la nécessité d’évacuer cette forêt classée ainsi que le recommande le point 7 du communiqué final du Conseil des ministres conjoint ivoiro-burkinabè sur la question. ‘’Concernant la question relative à l’occupation du Mont Péko, en République de Côte d’Ivoire, la Conférence au Sommet a convenu de poursuivre la mutualisation des efforts pour assurer une bonne gestion de cette situation préoccupante. Ainsi, en vue d’accélérer la mise en œuvre effective du plan d’action d’évacuation des populations du parc national du Mont Péko, les Parties recommandent la mise en place dans les meilleurs délais, d’un Comité mixte de coordination et de suivi pour garantir une appropriation de l’opération d’évacuation par les parties prenantes et assurer une exécution conjointe dudit plan’’, lit-on au point 7 dudit communiqué final..En raison des intempéries et des difficultés d’accès dans la zone durant l’hivernage et sur l’avis éclairé du Commandant Sory Sangaré, Préfet de région, préfet du département, l’étape de Mandékro fut ramenée à la bourgade de Pona Vahi. Qui s’est massivement mobilisée rappelant ainsi les moments de ferveur des périodes de campagne électorale. Tout autour du périmètre du préau, où devait se tenir le meeting jusqu’au petit commerce du campement, l’on observait la présence d’un dispositif sécuritaire qui veillait au grain. 11h 40, quand le cortège de l’ambassadeur. Koutaba s’immobilisa sur les lieux, Konditamdé sayouba, un occupant du parc forestier venu tout apeuré de Tahibly regagna confiance. Il redoutait une arrestation ou tout au moins une soudaine mise en demeure d’évacuation du parc forestier. ‘’Dans moins d’une année je dois pouvoir récolter. Si je devais me retirer subitement de ce lieu, ce sera une grosse perte. Que ferais-je pour subvenir au besoin de ma nombreuse famille’’, nous avait-il confié ajoutant qu’il dispose d’une plantation de 3 ha de cacao. Comme Konditamdé, le gros des 27 000 âmes identifiées vit cette angoisse au jour le jour depuis l’arrestation le 18 mai 2013 de Amadé Ouérémi. Ils savent que depuis lors leurs jours, dans le parc forestier du Mont Peko, sont comptés. Ils espèrent cependant être traités avec humanisme dans le respect de la dignité humaine. Et ils ont la main heureuse. Le Président Alassane Ouattara très attaché au respect des droits humains, dessinera à Ouagadougou, au terme de la 4è conférence au sommet du TAC le 31 Juillet 2014, le contour de ce plan d’évacuation qu’il veut voir se dérouler avec ‘’humanisme et solidarité’’. Vous avez dit humanisme ? Le Conseil Représentatif des Occupants du Mont Peko (Cromp) prend la balle au bond, en demandant officiellement au représentant de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire de bien vouloir obtenir pour eux auprès des autorités des deux pays un moratoire avant l’exécution de ce plan d’évacuation. ‘’Nous savons que vous n’êtes pas indifférents au sort de vos compatriotes. Le parc a été occupé à l’occasion de la crise militaro politique de 2012 ; il a été le refuge de bon nombre de Burkinabè qui n’étaient en odeur de sainteté avec les autochtones. Nous n’allons pas remuer le couteau dans la plaie. Mais ce que nous voulons dire c’est que ce n’est pas de gaieté de cœur que tout ce monde s’est retrouvé ici. Demander qu’ils quittent les lieux est tout à fait compréhensible au regard de la loi, mais il est tout aussi humain d’accorder un délai raisonnable pour partir. Nous avons même proposé en contrepartie du délai de grâce de reboiser le parc avant de partir’’, a plaidé Mamadou Sawadogo, Vice Président de cette faitière des occupants du Mont Peko. A la vérité, ce regroupement présidé par un jeune opérateur économique Seydou Zebré comble le vide laissé par Ouérémi et bataille dure dans la zone en multipliant les démarches auprès de l’administration ivoirienne pour que toute l’opération se déroule sans heurt. Et leur initiative semble tenir anticiper sur les graves dangers et dérapages qui peuvent survenir, suite à un virage mal négocié. Ouédraogo Mamadou, venu de son Burkina natal depuis 38 ans et Chef de la communauté Cédéao dans la zone nest pas passé par quatre chemins pour en faire cas en présence de l’ambassadeur burkinabè. ‘’Aidez-nous excellence, car si l’opération échoue, il y aura parmi ceux descendront du Mont Peko, des voleurs, des violeurs, des braqueurs, des coupeurs de route. Toute chose qui menacerait la paix sociale. On ne met pas dans la rue, 27000 personnes et préserver facilement la sécurité, la paix et la cohésion sociale’’, a prévenu Ouédraogo. En réponse aux diverses interventions, Justin Koutaba a dit en avoir pris bonne note et s’est engagé à transmettre les avis, suggestions et requêtes à qui de droit. Dans une ambiance bon enfant, le diplomate a magnifié l’embellie et la solidité des relations multiséculaires entre le Faso et la République de Côte d’Ivoire. ‘’Nous sommes venus vous dire que le destin des deux pays a été scellé dans la nuit des temps et l’on pourrait même dire qu’ils ne constituent qu’un seul pays, car c’est l’envers et l’avers d’une même médaille. Le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont inscrit leur avenir dans l’émergence pour être la locomotive de la sous région’’, a-t-il témoigné en se réjouissant des projets ambitieux que les deux parties compte réaliser les prochaines années pour consolider l’intégration et leur coopération commerciales. Le discours du diplomate, le lendemain 13 aout 2014 à Michelkro (39 km de Duékoué) n’a guère varié. Bien au contraire, Koutaba a insisté sur la nécessité de la cohésion et du vivre ensemble entre les occupants du Parc forestier du Mont Péko et les autochtones, Guéré. ‘’Après la crise qu’a connue le pays, il y a eu des problèmes de cohabitation et de vivre ensemble. Nous sommes venus pour vous dire de pardonner et de vous inscrire dans la vision du Président Alassane Ouattara. Il faut que la cohésion et l’harmonie règnent entre vous et les autochtones. La Côte d’Ivoire ne peut se construire sans le pardon et le dialogue’’, a vivement recommandé le Représentant de Blaise Compaoré. Sur la question du plan d’évacuation, l’Ambassadeur Justin Koutaba, citant le Président Ouattara, a rassuré que tout sera fait ‘’avec humanisme et solidarité’’. Le message a semble avoir été bien reçu, au terme de ces grands rassemblements, car ce sont des occupants visiblement rassérénés qui se sont remis à leurs travaux champêtres dans l’attente que soit formé le Comité mixte de coordination de suivi et d’évaluation prévu par les deux Etats soit constitué, se mette au travail et fixe un chronogramme clair du plan d’évacuation.
Emile Scipion, La Matinale
Encadré : Des infrastructures scolaires et sanitaires inexistantes
2003. C’est manifestement l’année où s’est fait le peuplement massif du parc forestier du Mont Peko. Constituées à plus de 98% de ressortissants burkinabè, ces populations s’y sont infiltrées, selon les enquêtes réalisées et les témoignages recueillis sur place, quelques mois après la survenue de la rébellion de septembre 2002. A l’évidence, elles fuyaient les répressions et les exécutions dont plusieurs de leur communauté ont été victimes dans un milieu géographique gagné à la politique exclusionniste et barbare de l’ex Chef de l’Etat, Laurent Gbagbo. Progressivement, les 34 000ha du parc national ont été illégalement exploités pour la culture du cacao, par les occupants dont un récent recensement non achevé estime à 27000 âmes. A la réalité ce chiffre semble largement dépassé, car une importante population a été laissée en marge de ce recensement attribué à l’Autorité de désarmement, démobilisation et réinsertion (Addr) qui s’était fixée pour objectif de se faire de dénombrer d’anciens combattants à démobiliser et réinsérer dans la vie civile. Etant bien entendu que dans la zone, Amadé Ouérémi, qui y faisait la pluie et le beau temps depuis la gouvernance des ex-refondateurs jusqu’à son arrestation en mai 2013, comptait au bas mot 150 hommes. La redoutable renommée de ce mécanicien reconverti aux travaux champêtres, et, plus tard au maniement des armes, avait fait du Mont Peko un ‘’no man’s land’’. Ce qui a rendu l’accès à ce site très risqué et dangereux. Conséquence, les occupants du parc national vivaient retranchés du reste de la région du Guemon et du pays tout entier avec ce que cela représente comme privations des droits basiques et indispensables à l’homme tel que le droit à l’Education, à la Santé, à la Justice, à l’Information….Notre séjour dans cette zone forestière nous a permis de constater qu’il n’y a aucune école, aucun centre de santé. Pouvait-il du reste en être autrement, puisque le parc n’a pas pour vocation d’abriter des habitations ? Nous avons de ce fait vu de nombreux enfants de 0 à 18 ans, privés de scolarité et, fait plus grave, sans aucun document administratif (extrait de naissance). Et ce n’est pas tout, des femmes qui meurent en couche, le nombre se compte par dizaines. Elles sont presque toutes transportées sur des motos et trouvent la mort, au cours de leur évacuation sur les sentiers impraticables, ou alors au bout de la quarantaine de kilomètres qui séparent Duékoué de leurs habitations de fortune. Ne serait-ce que pour cela, il est temps que prenne fin l’infiltration de ce parc national. Le plan d’évacuation envisagé par le 4è TAC aura l’avantage de reboiser et de revaloriser la forêt ivoirienne, mais permettra également à ces populations vivant dans une ambiance déshumanisante de retrouver un cadre de vie plus décent et qui respecte leurs droits élémentaires. La traite des enfants s’en trouvera grandement réduite. Et ce ne sera pas rien.
Source: La Matinale
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