La Cour suprême blanchit la CSCI / L’interview de Dr Christophe Kouamé qui clarifie tout
Le gouvernement, après avoir pris note de l’arrêt de la Cour Suprême, va-t-il procéder à la libération du siège de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) occupé depuis le 8 mars 2013 et dégeler les comptes bancaires de cette association ? En tout état de cause, le gouvernement s’est engagé pour la construction de l’Etat de droit et la CSCI doit s’inscrire dans cette dynamique.
La Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) s’est félicitée de cette décision en tout point conforme au droit selon le Coordonnateur national, Dr. Christophe Kouamé. « Mais avant tout propos, je voudrais faire une précision de taille, la CSCI a porté ce conflit devant la plus haute juridiction ivoirienne à savoir la Cour Suprême Ivoirienne pour ‘’excès de pouvoir’’, ‘’violation des statuts et règlements intérieurs de la CSCI, violation de la loi n°60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations en ses articles 1 et 10’’, il s’agissait manifestement d’une grave erreur d’appréciation commise par le Préfet d’Abidjan qui en délivrant le document dit ‘’Attestation de constatation de Changement de Coordonnateur ‘’ à constater des faits inexistants« , a indiqué Dr. Christophe Kouamé.
C’était un précédent très grave que la plus haute juridiction de notre pays vient de suspendre en attendant qu’elle puisse très prochainement, a fait savoir notre interlocuteur ajoutant par ailleurs, » nous l’espérons sortir cet acte du Préfet des actes juridiques de notre pays ».Chambre Administratrive Cour Supreme Arret N 61 du 23 avril 2014, CSCI contre Prefet d’Abidjan
Pour la société civile la construction de l’Etat de droit passe nécessairement par « le primat du droit qui garantit les libertés, par l’indépendance de la justice et cette décision montre la construction progressive de l’indépendance de cette justice, c’est cela qui nous réjouit« . « Nous espérons que nos droits reconnus, nos locaux vont nous être restitués ainsi que le dégel de nos comptes bancaires opéré dans des délais raisonnables. Le gouvernement s’est engagé pour la construction de l’Etat de droit et nous devons tous nous y inscrire« , a conclu le Coordonnateur national, Dr. Christophe Kouamé.
Kpan Charles
Interview/ CEI, RGPH, Elections 2015… /Dr Christophe Kouamé (Coordonnateur national de la CSCI) prévient : « La suspicion généralisée réduit les acquis de la réconciliation »
– Voici les 4 indicateurs pour des élections démocratiques
Du 28 au 29 mai 2014, des organisations de la société civile de la sous-région ont planché, à Accra au Ghana, sur le rôle des groupes citoyens dans les réformes électorales. De retour de ces assises, le Dr Christophe Kouamé (Coordonnateur national de la CSCI) a confié à L’inter ses réflexions sur l’actualité sociopolitique (les élections de 2015, la Cei, le recensement, la situation à la Csci, etc). Entretien.
L’inter : Dans le conflit qui vous oppose à la dissidence, vous avez saisi la Cour suprême en contestation d’un arrêté du préfet d’Abidjan. La Cour suprême a rendu une décision de suspension de l’exécution de cet arrêté préfectoral. Quel commentaire en faites-vous ?
Dr Christophe Kouamé : La Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI) se félicite de cette décision en tout point conforme au droit. Mais avant tout propos, je voudrais faire une précision de taille. La CSCI a porté ce conflit devant la plus haute juridiction ivoirienne à savoir la Cour Suprême Ivoirienne pour ‘’excès de pouvoir’’, ‘’violation des statuts et règlements intérieurs de la CSCI, violation de la loi n°60-315 du 21 septembre 1960 relative aux associations en ses articles 1 et 10’’. Il s’agissait manifestement d’une grave erreur d’appréciation commise par le Préfet d’Abidjan qui en délivrant le document dit ‘’Attestation de constatation de Changement de Coordonnateur ‘’ a constaté des faits inexistants. C’était un précédent très grave que la plus haute juridiction de notre pays vient de suspendre en attendant qu’elle puisse très prochainement, nous l’espérons sortir cet acte du Préfet des actes juridiques de notre pays. Pour la société civile, la construction de l’Etat de droit passe nécessairement par le primat du droit qui garantit les libertés, par l’indépendance de la justice et cette décision montre la construction progressive de l’indépendance de cette justice. C’est cela qui nous réjouit. Nous espérons aussi que le gouvernement, après avoir pris note de cet arrêt de la Cour Suprême, va procéder à la libération du siège de la CSCI occupé depuis le 8 mars 2013 et dégeler nos comptes bancaires. Le gouvernement s’est engagé pour la construction de l’Etat de droit et nous devons tous nous y inscrire.
Le projet de loi portant réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) est finalement passé au parlement comme une lettre à la poste. Quelle est la position de la CSCI sur cette nouvelle CEI ?
Savez-vous qu’il est prévu cinq (5) élections présidentielles en 2015 en Afrique de l’ouest : le Nigeria, le Togo, le Burkina-Faso, la Guinée, la Côte d’Ivoire. Et ces élections représentent des enjeux cruciaux pour la paix, la stabilité politique régionale mais aussi et surtout pour le développement économique et social. Car l’Afrique de l’ouest est l’objet d’une croissance robuste depuis plusieurs années (Voir le Rapport du FMI sur les Perspectives économiques régionales d’Afrique subsaharienne). Il faudrait donc que toutes les parties prenantes fassent en sorte de garantir la paix pour que cette croissance se transforme en développement et réduise l’extrême pauvreté de cette région. Pour ce faire, la CSCI et ses homologues de la sous-région viennent de participer du 28 au 29 mai 2014, à Accra, à une académie de la société civile pour plancher sur le rôle des groupes citoyens dans les réformes électorales, cela pour vous dire combien ce sujet nous préoccupe. Cela dit pour revenir aux élections de 2015 sans violence en Côte d’Ivoire, le débat s’est focalisé sur la réforme de la CEI, surtout uniquement sa composition alors que pour les experts électoraux quatre grands indicateurs conditionnent des élections démocratiques, c’est-à-dire transparentes, équitables, crédibles et sans violence. Ce sont : 1-L’ouverture du scrutin à plusieurs candidatures : vu le débat actuel sur la candidature unique au RHDP, est-ce dans le sens de l’équité ? La réflexion est ouverte ;2-L’environnement sociopolitique du pays, le ôotre est-il apaisé ? Le dialogue politique, qu’en est-il réellement ?3-La sécurité, la réforme du secteur de la sécurité (RSS), à quel niveau est-elle ? La démobilisation et la réinsertion seront-elle à des niveaux d’efficacité permettant des élections sécurisées ?4-Enfin le cadre institutionnel chargé de régenter le processus électoral : le code électoral, la liste électorale et la Commission Electorale Indépendante. Si le code électoral ne fait pas l’objet de polémique, rappelons que nous sommes allés aux élections présidentielles de 2010 par consensus avec ‘’une liste blanche, une liste grise et une liste noire’’. Pourquoi depuis la fin du cycle électoral, le gouvernement n’a-t-il pas, à ce jour, démarré cette réforme ?
Pour revenir à la composition de la CEI, si nous avons tous applaudi sa réduction qui passe de 31 à 17 membres, il n’en va pas de même pour son indépendance qui pourrait être affectée sur trois points. Le premier point consiste en la représentation des présidents d’institutions (le Chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale, du Ministre de l’Intérieur, de l’Economie…). La deuxième porte sur le mode de désignation des représentants qui vont la composer. Et enfin, il y a le mode de fonctionnement (budget, etc).
Des organisations féminines ont manifesté le mercredi 28 mai 2014 pour réclamer une meilleure représentation des femmes au sein de la CEI et que la société civile puisse choisir elle-même ses représentants. Etes-vous de cet avis ?
Effectivement, l’on doit tenir compte du genre. Pour le reste, il est normal que le mode de désignation soit transparent pour garantir la crédibilité de cette CEI. Pourquoi les partis politiques auront-ils plus le droit de désigner leurs représentants et il n’en serait pas de même pour les autres groupes la composant ?
Le dialogue politique a repris entre le gouvernement et le Fpi. Cela a permis de libérer 50 pro-Gbagbo, d’autres libérations sont annoncées, le dégel de certains comptes, la libération des résidences occupées, le retour de certains exilés… Une grande avancée dans le processus de normalisation et de réconciliation ?
Oui, la normalisation est en cours. Il faut juste que l’on fasse attention à la place de la justice dans ce processus pour ne pas occulter la question des nombreuses victimes de la crise post électorale.
Le gouvernement a annoncé son intention de désarmer les dozos. Une information qui devrait vous réjouir après tant de dénonciation…
Effectivement, le gouvernement devra joindre l’acte à la parole.
Quel bilan de l’état de droit en Côte d’Ivoire, aujourd’hui ?
Pour nous il y a des avancées notables et l’arrêt de la Cour suprême N° 61 rendu le 23 avril 2014 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire aux termes duquel, la plus haute juridiction de notre pays en matière administrative, après avoir admis notre qualité de Coordonnateur National de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), a ordonné le sursis à l’exécution de la décision N°295 du Préfet d’Abidjan portant ‘’Attestation de changement de coordonnateur ’’du 14 juin 2013, en est une belle illustration. Mais, tous devrions savoir qu’une décennie de crise politico-militaire ne se résorbe pas en trois ans. C’est pour cela que nous devrions avoir une compréhension commune de la prochaine étape qui devrait être surement la construction de l’Etat de droit. Pour ce faire, la lutte contre l’impunité devrait être prioritaire pour ne pas faire le lit des crimes futurs.
A propos de réconciliation, que pensez-vous des auditions de la CDVR
La CDVR suit son programme, nous entendons des déclarations de temps à autre, mais beaucoup reste à faire.
On ne vous a pas beaucoup entendu dans le débat suscité par le recensement général des populations et de l’habitat.
Si, nous nous sommes prononcé quand il y a eu le communiqué du conseil des ministres qui voulait sanctionner ceux qui lançaient des appels au boycott. Pour nous, acteurs de la société civile, le recensement est censé être une opération d’aide à la planification du développement. Malheureusement, comme l’a signifié le gouvernement, plusieurs facteurs freinent la bonne organisation de cette opération : le matériel défaillant, les problèmes de connexion internet, les zones du pays difficilement accessibles par la route…et aussi les mots d’ordre de boycott. Etant entendu que la principale matière ici est l’homme, il aurait fallu que les responsables de cette opération tiennent compte de l’environnement sociopolitique de notre pays, notamment dans ce contexte de méfiance et de fracture sociale. Imaginez que pour le recensement, qui n’est pas fait à dessein politique semble-t-il, l’on constate malheureusement des blessés et même parait-il des cas de décès, qu’en sera-t-il des élections présidentielles de 2015 ? Nous avons l’impression que les autorités ont mal évalué les risques (enjeux/défis) de cette opération, et voilà ce que cela a donné. Il aurait été judicieux, peut-être, d’associer toutes les parties prenantes de la société : les religieux, les chefs traditionnels, les élus et tout autre autorité pour sensibiliser davantage les populations. En plus, les mises en garde du gouvernement n’ont fait qu’accroître la situation déjà délétère. Pour nous, aujourd’hui, il faut continuer de sensibiliser les populations et surtout faire un véritable lobbying auprès de certains acteurs réfractaires.
Comment réagissez-vous à l’interdiction faite au FPI de se rendre à Odienné visiter l’ex-Première dame, Simone Gbagbo, qui y est détenue depuis 3 ans?
Il existe deux volets de réaction par rapport à cet incident : le premier est du domaine de l’émotion issue des conséquences psycho-émotionnelles de la crise post-électorale qui consiste pour chaque camp à rejeter la responsabilité à l’autre. Selon le FPI, le gouvernement organise les hostilités dans ce contexte de décrispation et de normalisation et selon le gouvernement, un risque de trouble à l’ordre public a fait prendre un arrêté d’interdiction par la Mairie d’Odienné. Le deuxième volet est de l’ordre de la construction de l’Etat de droit. Le responsable de la communication M. Franck BAMBA affirme que le FPI n’a pas pu obtenir ‘’Un permis de communiquer ’’ soit un droit de visite de la résidence surveillée, même, si le FPI remplissait toutes les conditions. Alors la question à se poser semble relever du droit administratif. En effet, que doit faire une formation politique devant un arrêté municipal d’interdiction ? Pour nous, organisation de défense des droits de l’homme, les partis et groupements politiques sont régis par la loi n°93-668 du 09 aout 1993 relatives aux partis et groupements politiques. Ceux-ci ne devraient-ils pas se conformer aux arrêtés même s’ils apparaissent comme iniques ? A quand le primat du droit sur les autres considérations? Pourquoi veut-on tout le temps donner des explications, des réponses politiques à des questions purement de droit ? Que toutes les associations et/ou entités sociales s’y soumettent, cela aura pour avantage d’accélérer la construction de l’Etat de droit par la réduction des décisions administratives qui nous paraissent injustes. Par ailleurs, entretenir ce climat de suspicion généralisé après chaque fait n’aura pour conséquences que de polariser encore plus les irréductibles de chaque camp et réduire tous les acquis de la dynamique actuelle de la réconciliation. En tout état de cause, cet incident vient confirmer le fait que la situation reste encore sensible et fragile et donc nous devrons tous, dans nos domaines respectifs, agir de manière constructive en introduisant le droit, la justice et la réconciliation au centre de nos actions. La constitution étant notre boussole. Il revient donc prioritairement au gouvernement de faire en sorte qu’un groupe de personnes n’agresse pas un autre.
Une dame, Mandjara Ouattara s’est immolée devant le palais présidentiel, il y a deux semaines. Comment avez-vous appréhendé ce suicide, une première en Côte d’Ivoire?
Je voudrais m’associer à toute la nation pour présenter nos condoléances à la famille éplorée pour cette perte. Quelle que soit l’authenticité de l’histoire et en dehors d’un rapport d’enquête des autorités compétentes, nous ne pouvons que nous incliner devant la mémoire de cette personne. Cette affaire vient malheureusement mettre en lumière le défi de l’information officielle transparente et crédible en Côte d’ Ivoire.
Entretien réalisé par L’Inter