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Interview/Fondio Vazoumana (président du CIDH) : ‘’Les mandats d’arrêt lancés contre les dirigeants des sociétés d’agro-business ne sont pas efficaces’’


‘’Le gouvernement doit assumer ses engagements avec les fonctionnaires’’

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 6-5-2017) A la faveur d’une interview qu’il nous a accordée, le président du CIDH (Comité Ivoirien des Droits de l’Homme) s’est longuement prononcé plusieurs cas de violation des Droits de l’Homme. Fondio Vazoumana est notamment revenu sur les mandats d’arrêt émis contre des présidents de sociétés d’agro-business et le non-respect des engagements du gouvernement vis-à-vis des arriérés de salaires des fonctionnaires. 

Malgré la relative situation d’accalmie que l’on observe, le pays est encore à la croisée des chemins en matière de Droits de l’homme. Quelle lecture en fait le Comité Ivoirien des Droits de l’Homme, notamment au niveau des souscripteurs d’agrobusiness où l’Etat semble avoir fait une infructueuse incursion ?

Le CIDH rappelle que conformément à l’article 13 de la Constitution du 08 novembre 2016, c’est à l’Etat de veiller à la sécurité des capitaux et des investissements. Donc, il lui appartient de tout mettre en œuvre pour que les populations qui ont investi dans ce domaine puissent recouvrer la totalité de leurs investissements conformément aux contrats privés signés avec les entreprises respectives. Pour cela, je ne pense pas que les mandats d’arrêts lancés à l’encontre des dirigeants de société ou le paiement unilatéral projeté par l’Etat soient des  solutions efficaces. Il faut ouvrir des discussions avec toutes les parties, afin de trouver une solution pour sortir d’une crise sociale aux conséquences non maitrisables. Après, il pourra mettre de l’ordre dans le milieu.

Depuis le début de l’année 2017, l’on remarque une certaine ébullition du front social chez les fonctionnaires qui réclament plusieurs mois d’arriérés de salaires. Quelle légitimité donnez-vous à de telles actions qui ont pratiquement retardé le cours normal de l’année scolaire ?

Dans sa démarche qui consiste à toucher du doigt les réalités quotidiennes des populations, le CIDH peut affirmer que la situation sociale est difficile. Celle des fonctionnaires encore plus, parce qu’ils ont en charge des familles nombreuses. L’Etat doit donc entreprendre des actions pour améliorer les conditions de vie des citoyens, conformément à son engagement pris en ratifiant le pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels. C’est pourquoi, il est important que toutes les politiques visent le bien-être des populations. En effet, une croissance économique n’est durable que si elle  touche le citoyen dans son quotidien. Lors d’une conférence publique en 2014, le CIDH recommandait au gouvernement de prendre, en considération à son programme d’émergence, le social comme  piller essentiel de sa politique, sinon on retombe dans un perpétuel recommencement à l’ivoirienne comme c’est le cas depuis des décennies. Hélas à ce jour, les situations ayant entrainé le débrayage des fonctionnaires restent entières et sont susceptibles de créer de nouvelles crises. Il serait indiqué, pour nous, d’éviter de nouvelles crises sociales et pour cela, le gouvernement doit assumer dans les faits, ses engagements arrêtés lors des discussions de janvier dernier avec les fonctionnaires.

De plus en plus, l’on observe de nombreux cas de déguerpissement dans plusieurs quartiers démunis du district d’Abidjan. A la clef, des familles jetées dans les rues, sans le moindre moyen d’accompagnement. Quel est le sentiment que cette situation inspire au président du Comité Ivoirien des Droits de l’Homme que vous êtes ?  

C’est regrettable que le gouvernement continue sa politique d’expulsion sans respecter la moindre norme en la matière. La réalité est que ces populations sont aujourd’hui sans abris et des villages dans la ville d’Abidjan paient le lourd tribut. C’est le cas du village d’Adjahui, dans la commune de Port-Bouet. Adjahui est le symbole des déguerpissements du pouvoir actuel. De 1000 âmes au début, ce village a été envahi par des personnes déguerpies des autres quartiers et se retrouve aujourd’hui à près de 10 000 habitants. En conséquence, Adjahui est victime de tous les maux : Banditisme, insalubrité, insuffisance d’infrastructures sanitaires et scolaires. Le CIDH profite d’ailleurs pour lancer un SOS pour Adjahui. Nous publierons ces jours ci un dossier sur ce village. En vérité, le gouvernement doit se montrer responsable face une situation de désolation créée par une approche qui viole le droit de la personne humaine. Il faut Trouver des mesures d’accompagnement avant de déguerpir. Là est une attitude responsable et constructive.

Quelle est votre avis sur la relaxe de Mme Simone Gbagbo par la justice ivoirienne dans son inculpation pour crime contre l’humanité ?

Nous prenons acte et encourageons la justice ivoirienne à mettre fin à l’impunité,  en poursuivant tous ceux qui sont présumés auteurs de violation de droits humains. La justice est un maillon essentiel dans la construction d’un Etat de Droit. C’est pourquoi, elle doit se battre pour affirmer son indépendance, afin que le citoyen se reconnaisse en elle.

Croyez-vous en la justice ivoirienne souvent taxée de justice aux ordres ?

Le CIDH continue de dire que la consolidation de la paix réside dans le règne du respect de la vie humaine. En conséquence, la lumière doit être faite sur tous les  crimes de sang que le pays a connu ces dernières années. Je continue de faire confiance en la justice nationale et internationale, car elles disent travailler par séquence. Il est important de savoir que les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont imprescriptibles devant la Cour pénale internationale. A tous moments, ceux qui ne sont pas poursuivis actuellement pour quelques raisons que se soient, pourront  l’être à tout moment.

Quelles propositions pouvez-vous faire en vue d’améliorer la promotion des Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire ?

Aujourd’hui, il y a un véritable péril au droit à la vie en Côte d’Ivoire avec les exécutions extrajudiciaires qui sont devenues un phénomène inquiétant. Notre travail de collecte des cas de violation des droits humains nous permet d’alerter le pouvoir sur la ville d’Anyama, Grand-Bassam pour ne citer que celles là, où cette pratique est répandue. En effet, plusieurs personnes présumées coupables de vols et autres infractions sont généralement systématiquement lynchées à mort par des foules. Nous relevons également l’implication de certaines forces de sécurité irrégulières  dans cette pratique. Il est important que l’Etat prenne les mesures pour faire appliquer la loi. Je vous rappelle des entreprises qui refusent d’appliquer le SMIG et le gouvernement reste impuissant.  Nous recommandons également qu’il assure la sécurité  des populations en sévissant contre les exécutions extrajudiciaires, de travailler sans cesse à favoriser les libertés publiques. Les Droits de l’Homme sont essentiels pour un pays qui aspire à une paix durable. Que le gouvernement travaille à faire respecter les droits civils et politiques mais aussi et surtout les droits économique et politique.

Réalisée par Idrissa Konaté

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