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Interview/ La CNC a besoin d’un candidat pour gagner… 


Samedi 13 juillet 2015, Charles Konan Banny nous reçoit dans un grand hôtel de La Défense, le premier quartier d’affaires d’Europe. Au menu de nos échanges, sa candidature à la prochaine présidentielle en Côte d’Ivoire. En 1990, quand Alassane Ouattara est nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire, c’est Charles Konan Banny qui est choisi pour assurer son intérim à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il est confirmé dans ses fonctions de gouverneur le 1er janvier 1994.

En 2005, quand les accords de paix de Linas-Marcoussis seront au point mort, Charles Konan Banny est désigné pour remplacer Seydou Diarra qui dirige le gouvernement ivoirien depuis 2003. L’ancien patron de la BCEAO sera premier ministre de décembre 2005 à mars 2007. En mai 2011, il est nommé à la tête de la Commission vérité, dialogue et réconciliation (CVDR), chargée de panser les plaies de la crise postélectorale du début 2011 en Côte d’Ivoire. Le 10 décembre 2014, il se déclare candidat à l’investiture du PDCI pour la présidentielle de 2015. Cinq jours plus tard, Charles Konan Banny remet le rapport de la CVDR au président ivoirien. Né le 11 novembre 1942, Charles Konan Banny est diplômé de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales de Paris (ESSEC).

 « Je n’ai pas de solution magique… »

Le Point Afrique : Qu’est-ce qui a décidé Charles Konan Banny à être candidat à la prochaine présidentielle en Côte d’Ivoire ?

Charles Konan Banny : Je suis candidat pour offrir aux Ivoiriens une alternative démocratique. Je souhaite que les Ivoiriens connaissent une paix durable et se sentent enfin en sécurité. Je suis candidat pour que les Ivoiriens se refassent confiance et que la liberté et la fraternité soient de retour. Je suis candidat pour que la Côte d’Ivoire que le monde entier a connu soit de retour : une Côte d’Ivoire fraternelle, une Côte d’Ivoire de paix et non pas une Côte d’Ivoire de violence. Je ne veux plus de guerre. Voici les raisons pour lesquelles je suis candidat. Et si je suis candidat, c’est parce que je n’ai pas retrouvé ces valeurs dans le comportement et les attitudes des acteurs politiques actuels de mon pays.

À quoi faites-vous allusion quand vous parlez de « comportement »  ?

Je suis militant et membre du bureau politique du PDCI (ndlr : Parti démocratique de Côte d’Ivoire). J’ai décidé d’être candidat parce que je suis contre la décision prise par la présidence de ce parti de ne pas présenter un candidat issu de nos rangs aux prochaines élections présidentielles. Le candidat du PDCI RDA est le président du Rassemblement des Républicains (RDR) dans le cadre de ce qu’ils appellent le RHDP (le Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix). Le processus par lequel cette décision s’est faite n’est pas un processus démocratique. Ce n’est pas le congrès du PDCI qui l’a décidé. C’est important dans un parti. Si cette question avait été soumise au Congrès du PDCI RDA, on en aurait discuté. Et puis si cette décision avait emporté la majorité, en tant que démocrate on se serait rangé. Ce n’est pas le cas. Pour moi cette décision est un déni de démocratie. Oui, je donne raison au président du parti : c’est incompréhensible qu’un parti comme le PDCI RDA n’ait pas son candidat à la reine des élections en Côte d’Ivoire.

Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour que les Ivoiriens vous donnent leur voix ?

Comme tous les candidats, j’irai convaincre chaque Ivoirien.  Il ne faut pas inventer l’eau chaude ni le fil à couper le beurre. J’ai autour de moi des compatriotes qui me font déjà confiance et qui partagent les valeurs que je viens de vous citer. Ils m’aideront à visiter tout le pays et à convaincre tous les Ivoiriens. Ce que je propose, c’est le retour de certaines pratiques de la vertu. Je crois que nous avons besoin de valeurs, de références. Les jeunes ont besoin de cela, car ils se sentent perdus. Je veux une Côte d’Ivoire solidement implantée. Je veux que les Ivoiriens qui sont des travailleurs et qui savent produire reprennent le chemin de la production, de la croissance et du progrès. Je veux les convaincre de cela. Ce sera très facile parce que ces vertus, ils les ont pratiqués pendant trente ans. Ça rentre dans leur ADN. La paix fait partie de l’ADN des Ivoiriens.

Apporter la paix aux Ivoiriens sera-t-il suffisant comme programme de campagne ?

Vous estimez-vous que la paix ce n’est pas important ? Moi, je considère que c’est l’essentiel. Je fais partie d’une génération qui a connu une Côte d’Ivoire où il n’y avait pas de violence, pas de guerre.  Nous vivions dans un pays apaisé. Toutes les industries qui ont résisté à la crise sont nées de cette époque. Tout cela a été possible grâce à cette atmosphère. Je veux créer cette cohésion sociale sur laquelle nous allons bâtir la Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire a besoin de paix et sa jeunesse d’emplois. Quelles sont vos idées pour mettre le pays au travail ?

Si je vous dis que j’ai une solution toute faite pour le chômage en Côte d’Ivoire, vous ne me prendrez pas au sérieux, car il n’y a pas de remède tout fait pour s’attaquer à un problème aussi grave et aussi important. C’est un phénomène que l’on retrouve, hélas, un peu partout et il sera une priorité dans notre action gouvernementale.  Chaque Ivoirien doit participer à la construction de son destin. Pour y arriver, il faudra garantir la liberté, la sécurité et l’équité à tous les Ivoiriens. Mettre fin au favoritisme. Je m’engage à ce que ces valeurs soient installées en Côte d’Ivoire. Personne n’a la science infuse. Il faut juste convaincre les uns et les autres que c’est ensemble que nous allons construire le pays et trouver les solutions à ce problème important qu’est le chômage des jeunes. Dieu nous a donné des potentialités extraordinaires. La terre, il y en a en Côte d’Ivoire. Ce qu’il faut, c’est créer les conditions pour les exploiter, les transformer en ressources.

Sur quelle formation politique comptez-vous vous appuyer pour vous faire élire ?

Sur la population !

Vous croyez qu’il est aujourd’hui possible en Côte d’Ivoire de se faire élire président de la République sans formation politique ?

Ah, vous confondez les choses. Je ne vous ai pas dit que je n’ai pas de parti politique. Je suis PDCI et candidat à la présidentielle, car nous n’avons pas de candidat étiqueté PDCI comme je vous l’ai dit plus haut. Ma candidature est donc devant le peuple de Côte d’Ivoire qui jugera.

Kouadio Konan Bertin et Essy Amara qui se revendiquent du PDCI sont également candidats… Cette dispersion de voix ne fait-elle pas l’affaire à votre adversaire à tous les trois ?

On verra ! Nous ne sommes pas encore à la phase finale de la présentation des candidatures.

Vous êtes à l’initiative de la Coalition nationale pour le changement (CNC) qui rassemble certains de vos adversaires d’hier… Pourquoi ?

L’union fait la force, dit-on. À votre avis, pourquoi le RDR et le PDCI sont aujourd’hui alliés alors que pendant près de 10 ans leurs deux leaders respectifs étaient à couteaux tirés ? La dynamique de regroupement doit être vue avec beaucoup de respect. C’est la même dynamique qui est en cours à la CNC. Elle se fait autour de l’immense et importante minorité démocratique qui s’est dégagée aux dernières élections. Sans oublier tous ceux qui considèrent que la démocratie n’a pas été respectée. Je veux dire aux Ivoiriens qu’il est possible de se remettre ensemble. Je suis persuadé que c’est dans notre diversité que nous trouverons notre force.

La CNC désignera-t-elle un candidat pour la présidentielle ?

Cela fait partie de nos objectifs. Notre intention, c’est d’obtenir le changement démocratique en allant aux élections pour les gagner. Et pour gagner, il nous faut un représentant. Nous n’y sommes pas encore, mais on va y arriver.

Vous gagnerez, quel que soit le candidat désigné ?

On saura designer le candidat qui va gagner !

Et si ce n’est pas vous ?

On saura désigner le candidat qui va gagner !

Essy Amara est aussi candidat à ces élections. Pourquoi n’a-t-il pas rejoint la CNC ?
Allez poser votre question à Monsieur Amara. Il sera mieux placé pour vous répondre. Il ne faut jamais interpréter les attitudes ou les comportements  de l’autre. C’est une attitude respectueuse et d’humilité que je veux avoir. Je ne suis pas un adepte de la langue de bois vous le savez, mais il faut être responsable. Ce que je peux vous dire, c’est que la coalition est ouverte.

In Le point

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