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Gohou Michel (Artiste humoriste, comédien, chanteur et cinéaste) : « Mon physique n’est pas un handicap pour moi »


Ambassadeur des jeux de la Francophonie qui se dérouleront en Côte d’Ivoire en 2017, Michel Gohou Doukourou Siriki dit Gohou est un  comédien, acteur, chanteur, présentateur, réalisateur et producteur ivoirien. Gohou est une véritable star qui est accueilli partout avec les honneurs dus à son talent. Mais une star qui refuse de se la jouer. Dans cette interview exclusive, l’artiste nous livre ses secrets.

Quand vous êtes-vous découvert des talents de comédien et d’acteur ?

Depuis l’école primaire, j’essayais de vaincre ma timidité en participant aux  kermesses et au théâtre scolaire. Après quelques sketchs et pièces théâtrales, je me suis dit que je devais avoir un côté très intéressant théâtralement parlant, qu’il fallait essayer de sculpter pour en ressortir quelque chose de potable. C’est ainsi qu’en 1985, j’ai commencé à travailler d’arrache-pied, parce ce que dans ce corps de métier lorsque tu t’y mets, il n’y a pas de raison qu’il ne te réussisse pas. Donc je me suis dit que par ce métier, il faut que j’arrive à m’ouvrir des portes pour atteindre les autres, voire les dépasser car  ce métier est extrêmement difficile. Maintenant, ça commence à aller. Sinon en notre temps, lorsque tu faisais du théâtre, on te considérait comme une personne complètement perdue. Tu étais la risée de ta famille, de tes amis et autres.

Votre physique n’a-t-il pas été un handicap?

Mon physique n’a pas de problème. Les gens pensent que c’est un handicap. Mais, pour moi ce n’en est pas un. Il n’est pas non plus un atout. Il est naturel. C’est parce que le mien est visible. Sinon, il ne constitue en rien un blocage à mes activités. Chacun de nous à plus ou moins une malformation en lui. Ceux qui ont des malformations internes courent plus de risques parce que leur cas est plus dangereux que le mien. Il y a des gens qui ont des malformations dans la tête, dans le ventre, morale, dans les nerfs et même spirituelles. Je vis ma vie comme je l’entends. Je jouis de toutes mes facultés et je n’ai aucun blocage.

Quelle religion pratiquez-vous ?

Je suis musulman et chrétien dans la mesure où je crois en Dieu.

Parlez-nous de Yobo Victor, que  représente-il pour vous ?

Qui vous a parlé de Monsieur Yobo Victor, le connaissez-vous ? (rire) Yobo Victor est pour moi le fer de lance qui a donné un autre souffle, un autre sens à ma vie. Au moment où j’étais perdu dans ma timidité, c’est lui qui m’a dit : « Va au théâtre, car au théâtre, tu arriveras à combattre cette timidité ». Et quand je m’y suis mis, j’ai trouvé que c’était la voie idéale. C’était un Monsieur bien que j’ai connu à l’école primaire. Il m’a enseigné en classe de CM2. C’est vrai qu’il n’est plus de  ce monde, mais je garde de très bons souvenirs de lui. Qu’il repose en paix.

Et Monsieur Daniel Cuxac ?

C’est lui qui a lancé les ‘’Guignols d’Abidjan’’ et c’est à partir de là que j’ai été découvert en dehors d’Abidjan. On me connaissait à travers les télés gags, mais en 1992, je jouais les cinq minutes avant le journal télévisé avec Camara Yèrèfé , H., Adrienne Koutuan, Lamine Kamagaté et les autres. C’est cette ossature qui jouait les télés gags réalisés par Cissé Abdoul Karim. Avec ces gags-là, la Côte d’Ivoire me connaissait sous le nom de Siriki. Mais Daniel (Cuxac) a décidé de regrouper six artistes dont trois filles et trois garçons. Puisqu’il connaissait les autres parce qu’ils jouaient déjà à la télé, ce fut facile. C’est ainsi qu’il m’a invité à joindre le groupe en 1993.

Quel est votre niveau d’études ?

Je n’ai pas été loin dans les études. Je suis un autodidacte. Je lis beaucoup. Je rencontre des personnalités et je discute beaucoup avec elles. Je me suis formé à l’école de la vie. Je crois même que la meilleure des formations, c’est celle de la vie.

D’où tirez-vous votre inspiration et comment arrivez-vous à intégrer les différents personnages que vous interprétez ?

C’est Dieu qui donne l’inspiration. L’adage dit aussi que celui qui veut aller loin, ménage sa monture. Quand on parcourt les rues d’Abobo, on ne peut pas ne pas être inspiré. Je suis resté attaché à mon Abobo depuis que je suis parti de Gagnoa. C’est dans cette commune que j’ai déposé ma valise. Donc je suis resté toujours proche d’elle. Et puis, n’oubliez pas que les meilleures des inspirations sortent des masses faibles. En ce qui concerne les personnages que je joue, il faut dire que c’est le métier. J’ai eu la chance d’avoir pratiqué le théâtre sous toutes ses formes avant d’arriver au cinéma. Ce qui n’est pas du tout évident pour une personne qui vient de sortir fraichement de l’enseignement général, d’une université ou d’une grande école d’arts dramatiques. Au théâtre, on apprend tout. Ce qui fait que quand tu arrives au cinéma, tu es mieux outillé pour intégrer les personnages. Une fois que tu as le scénario, il faut surtout lire entre les lignes, de sorte à s’approprier le texte, de sorte que tu puisses l’habiller à ta manière. Il ne faut pas être l’esclave du texte.

Dans la majorité de vos films, Bohiri et vous semblez êtes très proches. En est-il de même en dehors des tournages ?

Bohiri et moi sommes des amis de longue date. Avant « Ma famille », nous étions déjà amis. Nous nous sommes rencontrés en 1991, lors de la création d’une pièce théâtrale avec le théâtre national de Côte d’ivoire. J’ai vu en lui les qualités d’un grand comédien pour qui les planches n’avaient pas de secret. Nous étions encadrés par Alexis Don Zigré. C’est l’occasion de lui exprimer toute ma gratitude, car ce Monsieur m’a appris beaucoup de choses dans notre domaine. Puis, nous nous sommes retrouvés dans « Ma famille ». C’est ainsi que l’amitié et la complicité ont continué. Même en dehors de la scène, nous nous fréquentons. Sa femme également est très proche de la mienne.

Le comédien et le cinéaste que vous êtes vit-il  de son art ?

A l’époque, c’était difficile. La phrase qu’on entendait sur toutes les lèvres était que l’art ne nourrit pas son homme. Nous avions des problèmes pour joindre les deux bouts. Mais l’amour de la chose aidant, nous nous sommes accrochés comme de beaux diables. Nous nous disions qu’il fallait revaloriser ce côté de la culture parce que c’est un métier à part entière. Tout métier doit nourrir celui qui le pratique. C’est pour cela que, nous nous sommes jeté corps et âme  dans  la bataille. Aujourd’hui, on n’entend plus cette phrase. En ce moment, l’art nourrit bien son homme. En tout cas, moi je vis de mon art. A partir de mon métier, je supporte toutes mes charges. Je gère ma petite famille, mes parents qui sont à Gagnoa ainsi que mes frères et sœurs ici à Abidjan. Il faut être ingrat pour dire que l’art ne nourrit pas son homme. Il en est de même pour tous les corps de métier. Quand tu ne prends pas ton métier au sérieux, lui aussi ne te prend pas au sérieux.

Avez-vous une idole ivoirienne ou internationale ?

Quand je venais dans ce métier, je connaissais Diallo Ticouaï  Vincent. Bien avant, je le suivais à la télé. Je suivais aussi Adjé Daniel, Zoumanan, Souleymane Koly etc. Mais celui qui m’a le plus marqué c’est Fargas Assendé.

Laquelle de vos scènes  vous a particulièrement marqué ?

C’est ma sortie au Mayotte, qui est un pays français d’outre-mer, situé au sud de Madagascar. J’ai été invité à faire une série de spectacles là-bas, franchement, ça se passe de commentaires. On m’a accueilli comme un président. Tous les spectacles que j’ai faits là- bas ont connu un succès fou. Je ne savais pas que mon ’One man show ‘ aurait autant de succès. J’ai fait tous mes six spectacles en beauté. Cette sortie m’a marquée par sa beauté, par sa qualité et par son affluence.

A combien  peut-on estimer votre filmographie ?

Je ne saurai le dire franchement  quand on prend ‘’les Guignoles d’Abidjan’’, en passant par ‘’le Gohou show’’, pour arriver à ‘’ma famille’’ et les films que j’ai fait hors de la Côte d’Ivoire. Au Togo, j’ai joué dans une série de 100 épisodes. A Cotonou, j’ai joué dans trois longs métrages. Au Burkina, dans ‘’Quand les éléphants se battent’’, « Fasso furie », ‘’Célibatorium’’ et bien d’autres films. Au Tchad, j’ai joué dans un long métrage qu’on appelle ‘’Fille à papa’’. En France, j’ai tourné dans un film de François Vasri et ‘’Qui a été ma fille’’…

En Côte d’Ivoire, de nombreux  comédiens et cinéastes sont morts dans le dénuement. Gohou prépare-t-il à sa retraite ?

Il  y en a aussi qui finissent bien. C’est la société elle-même qui nous donne cette facette de la vie. Mais ceux qui finissent bien, on n’en parle pas. La pauvreté, il y en a dans toutes les couches tout comme la richesse. Quant à savoir si je prépare ma retraite, laissez-moi vous dire qu’un artiste n’a pas de retraite. La retraite de l’artiste, c’est la tombe. Quand on te met dans la tombe et qu’on la ferme, alors, c’est ta retraite. Il y a des bébés qui jouent des scènes, donc il n’y a pas d’âge pour faire du cinéma. Si déjà un bébé joue dans un film, ça veut dire qu’un vieillard peut jouer. Il y a des films dans lesquels on a besoin de vieillards qui n’arrivent même plus à marcher. Ceux-là coûtent excessivement chers dans les films. Ce n’est pas comme à la fonction publique où on te dit qu’à partir de 60 ans tu es bon pour la retraite. Chez l’artiste, ce n’est pas cela. Plus tu vieillis, plus tu as de la valeur.

Que pensez-vous du soutien du ministère de la Culture ?

Avant, il n’y avait pas de soutien. Aujourd’hui des actions sont en train d’être menées  pour que l’artiste soit pris en compte par sa tutelle. Le ministre Maurice Bandaman est en train de faire des pieds et des mains pour donner un statut et une assurance médicale à l’artiste. Tous ces efforts pour que l’artiste puisse vivre pleinement de son métier. Il est à encourager pour les actes déjà posés et ceux qui restent à venir

Comment  Gohou meuble-t-il ses temps libres ?

Je rends visite à mes parents. Je vais dans mon bar, rencontre des amis, sors des fois avec mes enfants ou je voyage.

Quels sont vos  regrets ou mauvais souvenirs ?

Les regrets,  c’est tous les jours. Il fut un moment où j’avais voulu lâcher tout, pour un autre corps de métier. C’était en 1992, où j’étais allé au Burkina avec Fargas Assendé pour participer à un festival. A mon retour, on m’a dit que ma sœur cadette était décédée en mon absence. Puisse que j’étais allé travailler, tous m’attendaient pour les funérailles et l’enterrement. Quand je suis arrivé, je n’avais que 3.000 FCFA dans la poche. C’est en ce moment-là que je me suis dit que dans ce métier, on ne pourra jamais s’en sortir. C’est ainsi que je suis allé voir Pierre Ignace Tréssia. A cette époque, il était le président de la fédération nationale de théâtre pour lui dire que je voulais tout arrêter pour faire un travail qui  me rapporterait  quelque chose chaque fin de mois, même si c’est 25.000 ou 30.000 FCFA. Quand tu as un salaire fixe mensuel, tu peux au moins organiser ta vie à partir de ça. Il n’a pas trouvé l’idée mauvaise. Néanmoins, il m’a demandé de prendre mon courage à deux mains pour foncer. C’est en ce moment précis que H m’a appelé pour relancer Télé gag. Je lui ai dit que je  ne voulais plus monter sur les planches. Il m’a encouragé en ces termes : « Tentons une dernière fois, si ça ne va pas, tu pourras relâcher ». C’est ainsi que lorsque nous avons essayé, je n’ai jamais plus lâcher  prise jusqu’à ce jour.

Quel conseil Gohou peut-il donner à tous ces jeunes dont il est  l’idole et qui songent à embrasser cette carrière ?

Chaque jour que Dieu fait, les jeunes m’approchent pour m’exprimer leur admiration et me dire qu’ils veulent apprendre le métier pour être comme moi. Mais, pour être comme moi ou pour faire comme moi, il faut d’abord travailler à l’école pour apprendre les rudiments du français, pour savoir lire et écrire. Ils doivent surtout savoir que ce n’est pas  parce qu’on sait faire rire à la maison, qu’on vient à ce métier. C’est un métier qu’on doit aimer dans la tête d’abord, avant d’embrasser cette carrière. Ce n’est pas un métier de paresseux, car on y travaille beaucoup. Il faut avoir les oreilles pour écouter, les yeux pour regarder et la bouche pour beaucoup parler. C’est un métier de contacts, d’ouvertures. Il doit être pratiqué dans toute sa splendeur, dans toutes ses dimensions avec toutes ses difficultés. Car ce sont les difficultés qui font tout le charme de ce métier.

Interview réalisée par Eugene Kanga B

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