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[Découvertes] Voici l’incroyable histoire de la chasse d’eau


Dans ce dernier volet de notre série d’été consacrée aux objets du quotidien, zoom sur la chasse d’eau. Prisée par certains collectionneurs, l’invention a révolutionné l’usage des commodités, mais elle est remise en cause pour sa consommation d’eau potable.

Sur les murs de la salle de bain comme sur ceux des toilettes, des dizaines et des dizaines de poignées de chasse d’eau. Des rouges, des blanches, des vertes, en émail ou en nylon. Robert Le Gresley est un architecte retraité qui vit à Montréal. Il en possède 1 306. « On les trouve de tous les matériaux possibles ! Les modèles témoignent d’une époque, d’un style, d’une mode, des classes sociales et ont parfois une double fonction : creux pour contenir de la lavande ou équipés d’un piston qui projette de l’eau de Cologne en tirant la chasse », raconte le collectionneur canadien. Il a eu le virus de cette étrange collection par hasard, en tombant sur des poignées dans une brocante, il y a 40 ans.

Accumuler les poignées de chasses d’eau, vous trouvez cela bizarre ? C’est, en effet, peu courant. Et pour preuve, si le collectionneur de papier toilette s’appelle le latrinapapirophile, celui qui collectionne les poignées de chasses d’eau n’a pas de nom. Inventons-en un, le « pomulatrinaphile », pour « pommeau » et « latrines ». Robert a bien conscience de son originalité : « Ça en a fait rire plus d’un, et je sais bien que c’est étrange ! Les poignées sont étonnamment variées, en bois pour les plus pauvres, en céramique, voire en or pour les plus riches… Certaines sont superbes, ciselées, incrustées de nacre, c’est fascinant. »

Depuis quelques années, les « pomulatrinaphiles » comme Robert ont vu les poignées de chasses d’eau prendre de la valeur sur internet, certaines personnes essayant même d’en vendre des centaines d’euros. Elles sont de plus en plus rares, remplacées par les chasses d’eau à bouton poussoir. Une innovation récente, pour une invention qui n’a cessé de s’adapter en plus de quatre siècles d’existence.

Histoire de (pl)ouf

Avant même l’invention stricto sensu de la chasse d’eau, l’eau était déjà utilisée pour évacuer nos excréments. Dans l’Empire romain, certaines villes étaient équipées d’un réseau souterrain d’eau, qui venait dans certaines pièces de la maison où les habitants pouvaient alors se soulager et déverser leurs selles directement dedans, à travers des trous. Des civilisations encore plus anciennes, datant même de -3000 avant JC, comme l’antique citée d’Uruk, auraient eu des systèmes similaires.

Au XVIe siècle, la première chasse d’eau est inventée. John Harrington, écrivain anglais, est l’un des 102 filleuls de la reine Elisabeth, première du nom. Également inventeur, il développe chez lui, dans les années 1590, un système d’évacuation pour ses besoins primaires. Un bassin supérieur relâche de l’eau dans une cuvette, avant d’être évacuée par un large tuyau. Sa royale marraine demande que ce système soit installé dans le palais de Richmond, disparu aujourd’hui. Hélas, ces toilettes ne resteront pas dans les annales : les remontées d’odeur étaient trop fortes pour les nobles nez de la cour.

C’est un siècle et demi plus tard que vont réellement se développer les systèmes d’évacuation par eau, sur fond de révolution industrielle britannique. En 1775, Alexander Cumming, un inventeur écossais, résout le problème des odeurs en imaginant un tuyau d’évacuation en forme de S, encore utilisé aujourd’hui. Les inventions s’enchaînent, un clapet est installé au fond de la cuvette en 1778. Parties du Royaume-Uni, les toilettes envahissent le continent à la fin du XIXe siècle, toujours avec une chasse d’eau basée sur l’idée de John Harrington.

Une idée en chasse une autre

À cette époque, la connexion de certains logements de classes moyennes à l’eau des villes accélère le développement des toilettes et de leur chasse d’eau, qui prend la forme d’un bac situé en hauteur avec une chaînette pour l’activer, d’où l’expression « tirer la chasse ». Et le tourbillon, qui nettoie la cuvette, d’où vient-il, vous demandez-vous sans doute, dans votre soif de curiosité ? C’est la forme spécifique de cuvette développée au Canada, en 1907, près de 330 ans après la création de John Harrington, qui permet de le former.

Comment ça marche une chasse d’eau ?

Au cœur de la chasse d’eau, il y a surtout la gravité : une grande quantité d’eau, entre deux et douze litres selon le modèle, est relâchée dans la cuvette. Sous la pression, le clapet au fond s’ouvre et permet l’évacuation des selles.

Un flotteur dans le réservoir active alors le robinet de remplissage, jusqu’à ce que l’eau atteigne son niveau originel : là, ayant retrouvé sa position, le flotteur bloque l’entrée d’eau.

Mais, confrontée aux enjeux écologiques, la chasse d’eau va devoir se réinventer, au risque de disparaître à l’avenir. Déjà, grâce à une compagnie australienne, l’apparition d’un double bouton poussoir en 1980 a permis de diviser par deux l’eau utilisée en cas de petite commission. Reste qu’utiliser de l’eau pour se soulager devient de plus en plus difficile à justifier : cela représente 20% de la consommation d’eau potable en France. Les toilettes sèches, sans eau, reviennent en grâce dans certains milieux écologistes et dans les festivals.

Dernier coup dur en date pour la chasse d’eau : le coronavirus. Des études américaines, chinoises et japonaises ont démontré que tirer la chasse provoque une diffusion de microgouttelettes (des aérosols) jusqu’à un mètre au-dessus du sol, contaminant l’air ambiant. Une énième remise en cause qui pourrait, sur le long terme, jouer sur un abandon de la chasse d’eau.

Source : Rfi

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