De la cité RAN PK6 aux cités RAN du plateau/ Le nombre de sinistrés s’accroit #civ
Abidjan, 18-04-16- (lepointsur.com)- Le lundi 18 avril 2016, tôt le matin, la Société ivoirienne de gestion de patrimoine ferroviaire (Sipf) a décidé de déguerpir 23 familles de certaines cités du Réseau Abidjan Niger (RAN) du Plateau. Le motif est difficile à expliquer. Tant, les commentaires divergent. Cerataines sources avancent le motif d’achat des cités par un opérateur économique étranger, quand d’autres parlent d’encaissesement de loyer par la SIPF. Seulement, il faut retenir que cette affaire remonte à la cession de la RAN à l’Etat de Côte d’Ivoire, opréation, au cours de laquelle, les résidents devraient occuper les résidences en qualité de propriétaires, et de locataire.
C’est le quartier RAN-Fontaine qui a reçu la visite des huissiers conduits par l’avocat de la SIPF, Me Wakoubé et des forces de l’ordre. Trois familles, ce jour-là, ont été déguerpies de leurs résidences. Il s’agit des familles Honorat Bassolé Naké, et de deux familles, Camara. Assis dans l’un des couloirs de la résidence, loin des regards des forces de l’ordre qui veillent sur les portes mis sous scellées par les huissiers des familles sont venues rendre visite à Honorat Bassolé Naké. Anxieux, ils ont le regard tourné vers les portes hermétiquement fermées et le contenu de leurs résidences, mis au dehors.
Pour Honorat Bassolé Naké, l’une des victimes, ce n’est pas une affaire de non paiement de loyer, mais « une cabale ». « J’ai 66 ans. J’ai travaillé pendant 36 ans aux chemins de fer », raconte-t-il. Les deux autres familles étaient à une rencontre de crise avec le maire, Akossi Benjo. Quelques occupants restés sur place veillent sur leurs biens mis en tas dehors. En revanche, aussi curieux que cela puisse paraître, « Le Centre d’Accueil : La Case des Enfants » de la Fondation Children of Africa de la Première Dame n’est pas touchée. « On nous met dehors avec des enfants, et dans le même quartier on dit faire du social », se lamente l’une des victimes dont la maison est séparée par une clôture de cette ONG. L’heure est grave, il faut prendre des mesures urgentes. Le maire de la commune a tout arrêté pour échanger avec ses administrés.
Réunion de crise à la salle de mariage de la mairie
De 14h à 16h, une réunion se tient à la salle de mariage de la mairie. Le maire Akossi Benjo, lui-même, fils de cheminot a du mal à comprendre ce qui arrive à ses administrés. « Je suis surpris de ce qui arrive, mais gardez espoir », soutien l’élu pour apporter réconfort aux victimes.
Ce sont 135 familles qui sont concernées par ce déguerpissement qui a commencé. Il faut arrêter le processus et chercher à recaser les victimes, d’où la nécessité de la mise en place d’un comité qui va travailler sur le dossier avec les services juridiques de la mairie et ceux des victimes. Le résultat du travail du comité consistera à donner les arguments solides à M. Akossi Benjo pour mieux défendre les sinistrés auprès du ministre des Transports.
« Il y a urgence. Il faut que nous obtenions du ministre des Transports, un arrêt de déguerpissement. Pour le moment, il est question d’éteindre le feu parce que la maison brûle », souhaite Akossi Benjo.
Aux sinistrés, il conseille le calme et la discipline. « Acceptez l’humiliation pour avoir ce que vous voulez. Si vous êtes justes, droits et que des gens sont contre vous, ces derniers paieront toujours», conseille le premier magistrat avant de donner ordre à l’un de ses collaborateurs pour que des dispositions qui s’imposent soient prises pour les trois familles déjà dehors.
En novembre 2014, lepointsur.com avait planté le décor
M. Alassane Ouattara, lors de l’investiture du président de la Cour suprême, le 24 mai 2011 avait soutenu ceci : « Dans mon programme de Gouvernement, j’ai promis des Institutions fortes à mes compatriotes. La justice tient une place de choix dans les Institutions que j’ambitionne de renforcer. Mais force est de reconnaître qu’en ce moment, face aux nombreux griefs qui lui sont faits et qui ne sont, hélas, pas toujours infondés, notre justice n’est pas au mieux de sa réputation.» Non sans ajouter ce qui suit : « La Côte d’Ivoire sort d’une crise post électorale particulièrement grave dont on peut tirer au moins deux leçons. Au niveau de la justice, la première leçon est qu’une décision de justice peut provoquer la guerre, en engendrer des milliers de morts dans un pays. Faisons donc en sorte que cela ne se reproduise plus jamais dans notre chère Côte d’Ivoire. La seconde leçon est que nos compatriotes ont découvert qu’il était possible de s’opposer à une décision de justice, même rendue en dernier ressort lorsqu’on l’estime inique ou injuste. Ils pourraient être tentés d’user et d’abuser de cette possibilité. Ne donnons donc plus à personne l’occasion de se révolter violemment contre une décision de justice.» Et de conclure : « La vocation de la justice est simple : c’est de donner raison à celui qui a raison, et tort à celui qui a tort. Notre justice doit rendre des décisions et non des services. Elle doit être la même pour tous, gouvernants ou gouvernés, riches ou pauvres, sans distinction de race, de croyance religieuse, de courants de pensées philosophiques, d’origine régionale, ethnique ou de la nationalité. C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire vivra en harmonie avec sa justice et redécouvrira les vertus d’un pays de paix, d’hospitalité et de vraie fraternité tel que voulu par nos pères fondateurs. »
5 ans, après la justice n’a pas changé
La justice ivoirienne a en son sein des germes conflictuels énoncés plus haut par le chef de l’Exécutif ivoirien. Et pour cause. La justice n’est pas encore la clé de voûte de l’édifice social. Elle n’est pas une justice forte, garantissant les libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits de tous les citoyens, l’État de Droit que nous appelons de tous nos vœux. Sa crédibilité est rangée dans les tiroirs. « La faiblesse de la justice conduit inexorablement au délitement de tous les compartiments de l’État et, à terme, au retour à la loi du plus fort, la loi de la jungle», interpellait Bédié alors président de la République de Côte d’Ivoire.
Des faits marquants
Après la démolition des 41 maisons de la cité RAN de Pk6 en zone 4c, à 5 heures du matin le 11 avril 2014, par l’opérateur économique Fouad Omaïs dans des conditions humiliantes et honteuses qui enfreignent les lois, des observateurs de la scène sociale ivoirienne ont cru qu’il fallait faire profil bas. Que non. Comme si cela ne suffisait pas, six quartiers des cités Ran à savoir, les cité Chien méchant, Ran garage, Gare lagunaire, 6 Bâtiments, 6 Villas et Le Foyer communal toutes au Plateau sont la convoitise de personnalités tapis dans l’ombre qui serait proches du président Alassane Ouattara.
Selon des indiscrétions, ces derniers dont un élu et trois ministres auraient déjà discuté avec des opérateurs économiques pour la transformation de ces six quartiers en des centres commerciaux. Les riverains pointent le doigt accusateur sur le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, celui de la Justice et le Secrétaire général du gouvernement, ainsi que le député élu du Plateau. En effet, la Société ivoirienne de gestion de patrimoine ferroviaire (Sipf) a été déboutée par la Cour suprême par signification d’un arrêt de « discontinuation des poursuites » de l’audience publique du 17 juillet 2014, relative à l’affaire N°2014-238.S/EX en date du 30 mai 2014 à l’encontre de douze occupants des logements de la cité Ran du plateau revient à la charge.
La requête concernerait douze occupants des logements de la cité Ran de la commune du plateau que Sipf poursuivait, « sous le fallacieux prétexte d’en être propriétaire ». « Le Président de la République mandate et ordonne à tous Huissiers de Justices à ce requis de pourvoir à l’exécution du présent arrêt, aux Procureurs généraux près des Cours d’Appels d’Abidjan, de Bouaké, de Daloa et au Procureur de la République d’y tenir main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis (…) », conclut la Grosse délivrée par la cour suprême, signée du Secrétaire général de la Chambre, Me Bassy-Koffi Rose concernant cette affaire.
Les cités RAN ayant été acquises dans les mêmes conditions. A savoir, les occupants sont des propriétaires et non des locataires l’on croyait que la décision de l’instance suprême de la justice mettrait fin au débat et que les hommes en toges allaient valoriser le métier pour lequel ils sont interpellés par le président Alassane Ouattara. « La seconde leçon est que nos compatriotes ont découvert qu’il était possible de s’opposer à une décision de justice, même rendue en dernier ressort lorsqu’on l’estime inique ou injuste. Ils pourraient être tentés d’user et d’abuser de cette possibilité. Ne donnons donc plus à personne l’occasion de se révolter violemment contre une décision de justice. » Cette leçon semble tomber dans des oreilles de sourds et les victimes restent les moins nantis.
L’acharnement du DG de la SIPF
C’est le directeur général de la Sipf, Moustapha Cissé qui adresse des correspondances aux locataires des différentes cités Ran en date du 16 février 2015, avec pour objet : « interdiction de construire sans autorisation de la Sipf » et de conclure, « la Sipf se réserve le droit de procéder à la démolition de toutes les constructions non autorisées et à mener toute action jugée nécessaire à compter de ce jour».
Dans la seconde correspondance dont lepointsur.com a reçu copie et qui est d’actualité, le Dg de la Sifp invite les occupants des cités Ran au « Rappel » des « arriérés de loyers », en prenant « toutes les dispositions utiles pour le règlement sous quinzaine ». « Passé ce délai, la Sipf se verra dans l’obligation d’engager toutes les actions nécessaires en vue de préserver ses droits, » indique en substance le courrier signé de Moustapha Cissé.
C’est ici, que le déguerpissement des résidents des cités RAN prend tout son sens et mérite attention. Le lundi 28 avril 2014, le Premier ministre Daniel Kablan Ducan avait donné des instructions au ministre des Transports pour lui faire le dernier point sur ce dossier.
Les précisions du Premier ministre
Pour M. Kablan Duncan, « ce secteur n’était pas directement concerné par ce dossier, il était concerné dans le cadre des relations Côte d’Ivoire-Burkina-Faso et dans le cadre de la concession faite au Groupe Bolloré qui exploite ce chemin de fer Abidjan-Ouaga. Ce dossier d’ailleurs, va connaître une évolution rapide parce que nous allons assister à une rénovation importante de cette voirie ferroviaire et une accélération dans la modernisation de cette voirie, mais aussi des locomotives et des wagons transportant à la fois les marchandises, mais surtout aussi les passagers (…)», avait précisé M. Kablan Ducan qui en sait plus sur les différents contours pour avoir été le chef du gouvernement sous l’ex-président Henri Konan Bédié au moment de la concession des cités Ran.
Des victimes oubliées à la cité RAN PK6 en zone 4c
L’Archevêque d’Abidjan, Mgr Jean-Pierre Kutwan a reçu le mardi 29 décembre 2015, en audience à l’église Saint-Paul du Plateau les responsables des victimes de la démolition de la cité RAN PK6 sis à Marcory Rue Paul Langevin et le président des résidents des cité RAN, Gontrand Guéi.
Il était question pour le président du comité des résidents des cités RAN, Gontrand Guéi d’expliquer à Mgr Jean-Pierre Kutwan, archevêché métropolitain et cardinal d’Abidjan, les déboires des victimes des cités RAN du Plateau et PK6.
Après l’enquête de la Brigade de recherche de la gendarmerie et l’ouverture du procès, lundi 2 juin 2014, « rien ne semble bouger », soutiennent les victimes. Un argument partagé par les riverains de la cité RAN du Plateau menacé d’expulsion dont l’affaire est pendante devant la Cour suprême au même titre que les victimes des 41 maisons des cités RAN PK6 rasées.
« C’est pourquoi nous sommes ici afin que vous nous aidiez en prière, et pourquoi pas, auprès du chef de l’Etat afin qu’il soit mieux imprégné du dossier et que les victimes soient rétablis dans leurs droits », explique d’entrée Gontrand Guéi après avoir fait la genèse de l’affaire.
Par ailleurs, le président des résidents des cités RAN, Gontrand Guéi a renchéri en ces termes : « Mon père, nous souffrons dans notre chair. C’est vrai que nous leur venons en aide de temps en temps, mais nous sommes des retraités, et aussi menacés d’expulsion ». Après les échanges, le président des résidents des cités RAN a remis le dossier concernant l’affaire depuis sa genèse, à l’archevêque. Qui a promis en faire bon usage.
Malgré le cri du cœur des sinistrés évalués à plus de mille habitants, le gouvernement n’a jamais apporté compassion et même du matériel à ses familles dont la majorité des enfants ont mis fin à leurs études. Si certaines familles qui ont eu de la chance vivent dans des familles d’accueil, d’autres par contre, sont livrées à eux-mêmes et demeurent à ce jour sous des bâches sur le site en pleine rue de la capitale abidjanaise.
Contrairement aux victimes de la cité RAN du plateau, c’est la SOPEGIE qui a vendu le terrain de la RAN PK6, à l’opérateur économique, Fouad Omaïs. Pourquoi, la SIPF qui se réclame propriétaire des résidences ne porte-t-elle pas plainte ? L’article saera actualisée après la version du ministère des Transports et de la Sogepie.
Sériba Koné
kone.seriba67@gmail.com
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