Politique

Affaire ‘’Bédié a financé la rébellion’’: un observateur de la politique ivoirienne au Porte-parole du Pdci : ‘’Arrêtons de dégrader le niveau du débat dans notre démocratie émergente’’


CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 31-5-2017) Monsieur le Ministre Adjoumani Kobenan Kouassi Adjoumani, Porte-Parole du PDCI-RDA,
En tant qu’observateur de la vie politique ivoirienne, je vous avoue franchement ma surprise à deux niveaux: la forme et le fond de votre dernière communication politique m’étonnent et m’attristent beaucoup.

D’abord la forme. Lorsque j’ai lu votre sortie en réplique au tweet de Moussa Touré, le Conseiller Spécial de Soro Guillaume Kigbafori, sur la contribution possible du Président Bédié à l’achat des armes de la rébellion ivoirienne, j’ai d’abord été frappé par la pauvreté de votre écrit, tant au niveau de l’orthographe que de la grammaire. Comment le Pdci-Rda, ce grand parti de l’indépendance ivoirienne, peut avoir comme porte-parole, un cadre qui ne maîtrise pas les règles minimales de notre langue officielle, le Français? Comment un parti qui a soixante dix ans, dont quarante ans de pouvoir à lui seul, peut confier sa parole à un cadre qui piétine toutes les normes les plus élémentaires de la communication politique? J’ai relevé un florilège de fautes dans votre écrit:
– Vous écrivez le nom du Président Bédié, ancien Chef de l’État de Côte d’Ivoire, sans respecter les accents qui lui sont dus. Vous écrivez carrément « Bedie » et vous passez!

– Vous confondez la préposition « à », et la troisième personne du verbe avoir au présent de l’indicatif, « a ».

– Vous sautez des mots, dans votre texte, comme dans la séquence, « qui sa carrière politique », au lieu de « qui, riche de sa carrière politique » ou « qui, de toute sa carrière politique ».

– Vous utilisez à tort et à travers le conditionnel présent, quand il faut utiliser le conditionnel passé.

– Vous écrivez « Chef d’état », avec une lettre « e » minuscule alors qu’un cadre politique sérieux sait la différence entre l’État et l’état. Un Chef d’État n’est pas un Chef d’état, Monsieur Adjoumani!

– Vous dites « Qui s’en était opposé » là où il faut dire « Qui s’y était opposé ».

– Vous confondez le mot « absurde » avec le verbe « absoudre », que vous vouliez sans doute utiliser.

N’est-ce pas indigne d’un Porte-Parole du PDCI-RDA, le plus grand parti historique de Côte d’Ivoire? En moins de vingt phrases, vous avez défrayé la chronique de l’incorrection française. Rien que pour cela, j’en suis à me demander comment vous pouvez encore être un Ministre de la République de Côte d’Ivoire! Et comment le PDCI-RDA peut vous avoir confié sa parole à votre carence! La Côte d’Ivoire ne mérite-t-elle pas que des cadres sérieux et compétents la dirigent? C’est tout simplement scandaleux. Et je me permets de vous conseiller de faire scrupuleusement relire par des personnes compétentes, tout ce que vous publierez désormais, pour nous épargner à l’avenir ce type de honte nationale.

Bédié était à Marcoussis, non pas pour défendre Gbagbo, mais pour se défendre contre Gbagbo. Mais, venons-en à présent au fond de votre propos, concernant le tweet de Monsieur Moussa Touré, que vous contestez. ​C’est tout à fait votre droit. Et je tiens à dire ici que je ne défends pas le tweet de ce Monsieur Touré, que je ne connais pas du reste. Je ne peux pas croire, sur la base d’un seul tweet, que le Président Bédié, ait financé les armes de la rébellion ivoirienne. Par contre, je comprends parfaitement que Monsieur Moussa Touré ait tancé le PDCI-RDA à cause de l’hypocrisie et du manque de solidarité que les journaux de ce parti entretiennent contre le Président Guillaume Soro, son patron.

Vous auriez dû commencer par constater que M. Touré réagit à une succession de « UNE » agressives du principal journal de votre parti, le PDCI-RDA, le nommé Le Nouveau Réveil. Vous ne vous appesantissez nulle part sur les agressions manifestes de ce journal ces derniers temps envers l’honneur et la présomption d’innocence de Guillaume Soro et de ses proches. Est-ce juste? Vous estimez que M. Touré répand des « gros mensonges pour salir l’honorabilité des personnes responsables comme le Président Bédié. » Êtes-vous capable d’en dire autant des UNE diffamatoires du journal du PDCI-RDA contre Guillaume Soro? Ce serait faire preuve d’équité, en attendant que des enquêtes établissent éventuellement les preuves du contraire!

Vous avancez deux arguments que vous dites de bon sens, sous forme de questions, pour prouver que le Président Bédié n’a jamais usé des armes, comme en 99, et a défendu Gbagbo à Marcoussis en 2003, et pour cela ne peut avoir financé les armes de la rébellion ivoirienne de Soro Guillaume. Permettez-moi de vous dire que c’est un peu court. Sous Bédié, les prisons politiques étaient souvent pleines de syndicalistes et de cadres de l’opposition. La Firpac-Savac a commis aussi des exactions. En 99, Bédié est tombé faute d’avoir été obéi par l’Armée à laquelle il avait clairement intimé l’ordre de mater « le zozo de Guéi Robert », comme il le nommait alors.

En 2003, Bédié était à Marcoussis, non pas pour défendre Gbagbo, mais pour se défendre contre Gbagbo. Pour preuve, en 2005, il s’alliait ouvertement à Ouattara contre Gbagbo à Paris en créant le RHDP. Enfin, comment nier que dans le cadre du RHDP, Bédié a parfaitement pris fait et cause pour la lutte des Forces Nouvelles de Guillaume Soro? D’abord, le nom même de « Forces Nouvelles », c’est Bédié qui l’a proposé pour désigner la fédération des mouvements rebelles ivoiriens. Et, pour finir, le pouvoir RHDP actuel aurait-il été possible sans les armes de la rébellion des Forces Nouvelles de Soro Guillaume? Tout le monde a vu l’engagement massif de Soro et sa génération pour reconduire Ouattara et Bédié au pouvoir en 2010-2011! Tout près n’est pas si loin! On se connaît ici à Abidjan.

Vous dites que le Nouveau Réveil n’écrit pas sous la dictée du PDCI-RDA. Mais qui vous dit alors que M. Touré écrit lui, sous la dictée de Guillaume Soro? Autant vous appréciez la liberté de ton du Nouveau Réveil, autant vous devriez apprécier celle du citoyen Moussa Touré. Et cela ne poserait aucun problème. C’est cela la démocratie. Pourquoi ne pas reconnaître ce conseil du Christ: « Ne faites point à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’autrui vous fasse »? Si le Nouveau Réveil respecte les institutions et par conséquent le Président du Parlement Guillaume Soro, le Nouveau Réveil, le PDCI-RDA et son Président, Henri Konan Bédié, seront réciproquement respectés. Telle est la plus élémentaire des évidences.

Vous dites que les Tweets de Moussa Touré ne sauraient absoudre Soul to Soul des charges lourdes qui pèsent contre lui. Or nous avons tous vu la convocation de la gendarmerie adressée à Soul to Soul. Dans la rubrique objet de la convocation, il n’y a rien d’écrit. Quelles charges pèsent donc contre Soul to Soul? A ma connaissance, ce citoyen bénéficie de la présomption d’innocence et a simplement été auditionné jusqu’à ce jour, pour témoigner de ce qu’il sait à propos des supposés faits allégués dans l’opinion depuis une semaine. M. Adjoumani, ne faites-vous pas preuve d’un excès de zèle, en tentant de livrer à votre tour ce citoyen à la vindicte populaire, alors qu’aucune culpabilité et aucune charge officielles ne pèsent à ce jour contre lui? On dirait que c’est votre manière de tenter de survivre au prochain remaniement du gouvernement ivoirien! Ou de mériter votre place de rescapé de l’équipe gouvernementale…

Monsieur Adjoumani,

Rien ne sert de tenter de jeter de l’huile sur un feu du reste trop doux pour être significatif. IL n’y a pas le feu. Posons la balle à terre. Au-delà de tout ce débat, l’observateur que je suis crois avoir pourtant compris il y a bien longtemps qu’entre le Président Bédié et Guillaume Soro, il y a une relation pleine d’affection filiale et de respect mutuel. Ce ne sont pas les bisbilles de journaux qui vont les opposer. Je pense que Monsieur Moussa Touré n’aurait pas dû tenir ces propos. Mais je comprends que le Nouveau Réveil l’ait complètement excédé en sa qualité de défenseur de son Patron.

Mon avis est donc équilibré et je vous suggère de me rejoindre dans la modération, M. Adjoumani, au lieu de pondre encore un de ces textes indigestes et inutiles pour la paix. Guillaume Soro est un fils pour Henri Konan Bédié et nul ne remettra cette relation affectueuse en cause pour des intérêts partisans et ponctuels. Contribuons tous à une république apaisée. Arrêtons de dégrader le niveau du débat dans notre démocratie émergente.

Une correspondance de Roger Digbeu

Abidjan, Côte d’Ivoire

NB: Les titres ont été choisis par la rédaction

 

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