WikiLeaks: Chirac, Sarkozy et Hollande sur écoute américaine
L’agence américaine de renseignement NSA a espionné pendant au moins six ans, de 2006 à mai 2012, les téléphones de trois présidents français : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Libération et Mediapart publient des notes classées Top Secret de l’agence américaine, recueillies par WikiLeaks. L’Elysée dénonce des « faits inacceptables ».
Tous les coups sont donc permis
Selon Liberation, que la NSA surveille tout le monde, amis comme ennemis, ou recrute des agents parmi les administrations des alliés comme des rivaux, cela n’étonne plus grand monde. Il ne faut pas non plus être naïf : la France aussi – mais à moindre échelle tant les puissances de feu des services de renseignements sont incomparables – espionne beaucoup de monde. On a aussi appris, avec les documents rendus publics par Edward Snowden, que cette surveillance était presque illimitée, imbriquée au cœur même des réseaux de communication mondiaux. Mais les comptes rendus d’interceptions obtenus par WikiLeaks et que nous publions aujourd’hui sont d’une tout autre nature. Pour la première fois, il existe la preuve irréfutable que les Etats-Unis exercent, depuis 2002 au moins, leur surveillance du monde jusqu’aux conversations privées des présidents de la République française. Et cela change au moins deux choses.
Premièrement, si on connaît la méfiance des Américains pour l’allié français, il y a une sacrée différence entre chercher à connaître le programme atomique hexagonal et se brancher sur le portable personnel de Sarkozy ou Hollande. S’il est admis aujourd’hui que nous sommes à la fois alliés et concurrents, il semble que tous les coups sont donc permis. Alliés ou pas, relations de confiance ou pas, les Etats-Unis recueillent des tonnes d’informations tout simplement parce qu’ils en ont les moyens. C’est évidemment très grave pour les relations entre les deux pays.
Secundo, la classification «Top Secret» couvre, dans les notes de synthèse de la NSA, des événements qui, sans être anecdotiques, ne sont pas à ranger dans la catégorie des scoops à faire tomber la République. Non seulement les Américains ont écouté les dirigeants français, mais ils se sont échinés à analyser le contenu de discussions dont on peut douter de l’intérêt. Il y a donc eu au moins une personne qui a été employée aux Etats-Unis pour mesurer l’ego de Sarkozy. L’obsession des Etats-Unis pour le commentaire politique et l’analyse de ces «signaux faibles» est une monumentale perte de temps et d’argent. Un abonnement à Libération leur aurait coûté moins cher. Mais c’est le prix à payer, monstrueux, hors norme, de la surveillance à l’âge des réseaux. On se met en position de tout analyser, et d’écouter n’importe qui, dans une société obsédée par le terrorisme. C’est le cas des Etats-Unis post 11 Septembre, ce sera le cas de la France post 7 Janvier avec la mise en place de la loi sur le renseignement qui sera votée mercredi. Sauf que ces moyens «vendus» aux citoyens pour lutter contre les nouveaux dangers du monde servent à bien d’autres choses. Avec les nouvelles révélations de WikiLeaks, un nouveau masque est tombé.
La réaction d’Angela Merkel après la divulgation d’information sur la mise sur écoute de son portable à l’automne 2013 par la NSA est restée dans les annales. « L’espionnage entre amis ça ne se fait pas », avait déclaré la chancelière.
Si officiellement Berlin a condamné ces pratiques, le gouvernement Merkel a plutôt joué profil bas. L’enquête sur les écoutes du portable de la chancelière a été classée au début du mois. Reste une commission d’enquête parlementaire qui poursuit son travail et s’intéresse aux responsabilités des experts du renseignement comme des décideurs politiques des dernières années à droite comme à gauche.
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