Point Sur

Suppression des frais universitaires/ L’Allemagne prend une avance


Toutes les universités allemandes seront gratuites dès cette année. La dernière région allemande à supprimer les frais, la Basse-Saxe, a officiellement procédé à ce qui promet d’être un moment historique pour l’éducation allemande (et européenne).

Une éducation différente, plus efficace

L’éducation dans une grande partie de l’Europe est déjà très différente de celle dispensée aux États-Unis, au Canada ou en Australie. Dans plusieurs pays du vieux continent (notamment les pays scandinaves comme la Suède, la Norvège et le Danemark), l’éducation est gratuite depuis plusieurs années, et d’autres pays commencent à suivre.

«Les frais de scolarité sont socialement injustes», a déclaré Dorothée Stapelfeldt, sénatrice de Hambourg chargée de la science, qui a décidé de la suppression des charges en 2012. «Ils découragent en particulier les jeunes n’ayant pas un contexte familial universitaire traditionnel d’entamer des études. C’est une tâche essentielle de la politique de veiller à ce que les jeunes femmes et hommes puissent gratuitement faire des études de haute qualité en Allemagne».

En effet, la tendance générale semble être de réduire ou d’éliminer les frais de scolarité pour l’enseignement supérieur. L’exception notable est la Grande-Bretagne. À quelques exceptions près (comme par exemple les universités galloises qui sont gratuites pour les Gallois), les frais de scolarité au Royaume-Uni commencent à rivaliser avec ceux des États-Unis. Mais il semble plus logique de traiter l’enseignement supérieur comme un investissement dans l’avenir du pays, et non pas comme une entreprise privée. Il semble logique pour le gouvernement de soutenir, grâce à l’impôt, l’enseignement supérieur, et d’investir ainsi dans son avenir.

L’alternative, le modèle américain, a eu un certain succès à divers stades, mais aujourd’hui, les résultats semblent catastrophiques : les États-Unis ont plus d’un milliard de dollars en dette étudiante, et le chiffre ne cesse de croître, ce qui accentue la crise économique du pays. La question qui semble émerger est donc…

Pourquoi les universités facturent des frais de scolarité, en premier lieu ?

Revenons à l’Allemagne – Pourquoi les universités allemandes ont-elles introduit des frais de scolarité ? La réponse est simple et pourtant déplaisante : parce que les politiciens le voulaient. Des «modernisateurs» autoproclamés ont plaidé pour leur introduction depuis la réunification de l’Allemagne. Les différences culturelles entre l’Est et l’Ouest ont d’abord entravé ce plan, mais en 2005, un tribunal a décidé que les universités ont le droit d’instaurer des frais, tant qu’ils sont «modérés» et couplés avec «la possibilité de petits crédits».

Sept états de Allemagne de l’Ouest sur dix ont introduit les frais en 2006 ou 2007, et les sociétés de crédit ont été attirées par un potentiel nouveau marché : les prêts étudiants en Allemagne. Mais la tendance n’a pas duré longtemps, le gouvernement allemand ayant compris qu’il y a plus de profits à maintenir l’enseignement supérieur gratuit. Dès cette année, de l’enseignement sera gratuit en Allemagne, et je ne pourrais pas être plus heureux de l’annoncer.

Une grande partie de cette décision est due au mouvement populaire. En Hesse, par exemple, les étudiants ont massivement protesté, une initiative citoyenne a recueilli 70 000 signatures et le parti au pouvoir, l’Union chrétienne-démocrate (Cdu), en campagne pour sa réélection en 2008, est revenu sur sa décision afin de conserver le pouvoir. On pourrait dire à raison que la politique a joué un rôle clé ici, les politiciens allant à la chasse des votes étudiants. Le premier ministre conservateur de Bavière, menacé par un référendum sur les frais d’études, a pratiquement contraint son partenaire libéral de la coalition à les supprimer.

Mais le résultat final est positif, et c’est un message clair. C’est aussi un changement intéressant d’un autre point de vue : beaucoup d’étudiants en provenance des pays les plus pauvres de l’Union européenne (comme la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie etc.) à la recherche d’un enseignement supérieur de bonne qualité profitent de la libre circulation dans l’Ue. Cependant, le niveau de vie élevé en Norvège ou au Danemark était souvent prohibitif. Les coûts de la vie moins élevés en Allemagne, combinés à un secteur économique et industriel plus grand, vont presque certainement attirer des étudiants étrangers désireux d’apprendre et de trouver des emplois dans la plus grande puissance économique de l’Europe. De cette façon, l’Allemagne assure également la forte concurrence et un afflux de jeunes talents – un peu comme une fuite des cerveaux inversée.

 L’autre extrémité du spectre : la Grande-Bretagne

La situation au Royaume-Uni pourrait difficilement être plus différente. Les étudiants ont également protesté (à une échelle rarement vue) au Royaume-Uni ; il y a eu aussi beaucoup de pressions politiques exercées sur le gouvernement – et malgré tout, non seulement les frais de scolarité n’ont pas été abandonnés, mais ils ont continué à augmenter. Pourquoi est-ce qu’un pays avec une histoire aussi riche en matière d’éducation (probablement la plus riche) est si déterminé à maintenir la cherté de l’enseignement?

Il est difficile d’identifier une seule cause à cette différence ; l’un des principaux problèmes réside dans la grande disparité entre les universités. Bien sûr, l’Angleterre dispose de deux des universités les plus anciennes et les plus prestigieuses du monde (Oxford et Cambridge), mais il y a un grand écart entre celles-ci et les autres. Pas en termes de niveau d’enseignement – il y a plusieurs autres universités qui peuvent rivaliser avec Oxford et Cambridge, mais en termes de tradition et d’interaction sociale. Le Royaume-Uni n’a pas une communauté universitaire, il n’a pas un niveau de collaboration développé comme en Allemagne.

«L’Angleterre a (après les États-Unis) le système universitaire le plus fortement stratifié du monde, l’assortiment d’écoles d’élite d’enseignement le plus extravagant et en forte croissance, parmi la plus inégale répartition des chances, de la richesse et des revenus, et quelques-uns des plus bas niveaux de mobilité sociale parmi les pays développés, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques», écrit le Times of Higher Education.

Historiquement, seule la riche élite riche pouvait poursuivre des études supérieures. Cette tradition a perduré pendant plusieurs siècles, à quelques exceptions près. Elle est ancrée dans l’esprit des gens, et même si beaucoup rejettent cette idée maintenant, son empreinte se fait encore sentir. En outre, le parti travailliste et les conservateurs ont en commun d’avoir maintenu l’éducation en bas de leur échelle de priorités, et après l’élection, les libéraux-démocrates ont trahi de façon infâme l’engagement le plus important de leur manifeste: celui d’éliminer complètement les frais de scolarité universitaires.

Les politiciens anglais prétendent qu’ils sont réalistes et que le financement public de l’éducation n’est pas, et ne peut pas être durable. Pourtant, les écoles scandinaves ont maintenu facilement la qualité de leur éducation après ce changement. Le nombre de demandes d’inscription a augmenté et dans l’ensemble, les résultats semblent s’améliorer.   Pendant ce temps, l’Amérique est confrontée aux problèmes pratiquement insolubles de la hausse des prêts étudiants et du déficit économique.

Alors, quel camp a raison?

Comme d’habitude, nous allons devoir attendre quelques décennies pour des résultats clairs. Il semble étrange que les deux économies les plus puissantes d’Europe aient des approches si différentes de l’éducation, et pourtant cela paraît fonctionner. Laissons le temps déterminer laquelle de ces approches opposées est la meilleure. Pour ma part, je sais où je voudrais étudier, si j’étais dans la situation.

 

SOURCE : LIDER-CI

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