Royaume Abron : Comment le pouvoir royal a été galvaudé après le décès de Nanan Koffi Yéboua #Gontougo
CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 7-4-2016) Après avoir connu des moments de gloire sous les règnes des rois Adjoumani, le fondateur et ses successeurs, notamment le prince Adingra qui lui a donné , ses lettres de noblesse, le royaume Bron, plus connu sous la dénomination Abron, est à la croisée des chemins depuis le décès en 1992 de Nanan Koffi Yeboua, 16e roi Bron. Plusieurs facteurs fondent cette situation qui laisse désespérément le royaume sans un véritable souverain depuis 1992.
De l’apogée au déclin du royaume Abron
A l’origine de cette inconfortable situation qui prévaut dans le royaume Abron, une succession mal négociée après le décès de Nanan Koffi Yéboua. Adingra Kouassi Adjoumani, issu du clan de Yakassé a été précipité à la tête du royaume. Ainsi, en 1999, alors que celui-ci était en train d’être présenté au Président de la République d’alors, Henri Konan Bédié, le trône et tous les attributs du roi des Abrons ont été volés par l’un des fils du défunt roi. Transportés dans la localité de Sakouadou, ils ont servi de prétexte à la proclamation de Kouassi Manou dit Apia 1er en qualité de roi des Abron, alors qu’il n’a aucune descendance royale, encore moins princière.
Nanan Dua Kobenan II à cette période-là, jouissait d’une procuration de sa majesté l’Angobiarin. Dès lors, en sa qualité de représentant de la Cour constitutionnelle, il pointait un doigt accusateur sur Kouadio Apia comme l’instigateur du vol des attributs sacrés et du trône du roi des Abron, dans une plainte adressée au Procureur de la République. Epinglé, le mis en cause reconnait les faits.
1,5 million Fcfa et une camionnette, la rançon du vol des attributs royaux
Après son forfait, K. Apia reconnait avoir organisé le vol des attributs sacrés et du trône royal Abron. Opération qui, semble-t-il, lui aura coûté la somme de 1,5 million Fcfa et une camionnette en guise de récompense à Brin Kouassi, fils du défunt roi Koffi Yéboua, celui, grâce à qui, le vol a été possible. Pour apaiser les tensions, Kouadio Apia, chargé d’un mouton et accompagné d’une délégation, est allé demander pardon aux mânes des ancêtres. Avec la promesse de ramener les bijoux royaux et les remettre au dépositaire légal du trône, l’Angobiarin.
Hélas ! Depuis cette rencontre de pardon, K. Apia a sombré dans un profond silence, laissant ainsi la latitude à son protégé Apia 1er de clamer partout qu’il est le roi des Abron au détriment du prétendant au trône que la reine-mère de Tangamourou, Chef suprême de la Cour constitutionnelle du royaume Abron devait choisir avec la bénédiction du peuple entier. Ce vide au niveau du trône royal Abron fait place à toute sorte de supputations et jette une sorte de malédiction sur plusieurs prétendants illégaux dans le clan Yakassé.
Mort en série des prétendants, non issus de la lignée royale
Après l’épisode Apia 1er, plusieurs personnes en mal de pouvoir, découvriront des liens avec la famille royale. Il n’en faut pas plus pour qu’ils s’autoproclament successeurs légaux au trône royal, notamment à Tangamourou, Amanvi, Adania et Assuéfry. Les exemples de Nanan Koffi Krémé et Nanan Kouakou Adjoumani témoignent de l’avidité du pouvoir suscitée par ce vide.
Malheureusement, ces deux souverains ne connaitront point la longévité du pouvoir. Curieusement, les deux hommes ont vite regagné l’au-delà dans des conditions aussi mystérieuses que les populations ont du mal à expliquer. Cette série de décès au sommet du royaume a fini par tuer toutes les autres envies. Laissant le royaume sans roi depuis 2000. D’autant que tous ceux qui n’ont pas une lignée directe avec le prince Adingra refusent de se hasarder sur ce terrain.
Sur les traces du prince Kouamé Adingra, roi des Abron
Le vide au niveau du trône Abron qui dure pratiquement depuis le décès du 16e souverain des Abrons, Nanan Koffi Yéboua, a fini par interpeller la conscience des enfants du prince Adingra. Au nombre desquels, Kouamé Adjoumani, dernier garçon encore en vie. Dans sa volonté de rétablir le royaume Abron, il entreprend de plus en plus des tournées de sensibilisation au niveau des autorités coutumières et surtout des populations et des cadres Abron. Pour lui, la restauration du prestige Abron passe avant tout par la solidarité de tout le peuple pour faire barrage à l’imposture, cause de la déliquescence du royaume.
Dans cette volonté, il est allé se recueillir sur la tombe de son père, le souverain Kouamé Adingra, le dimanche 27 mars 2016 dans le village de Tangamourou. Le domicile du chef Dongo Tanoh Kouakou accueillait la délégation du prince Kouamé Adjoumani. Après une brève halte en ce lieu, Son Altesse Sérénissime le prince Kouamé Adjoumani fait preuve de grande humilité en faisant fi de sa majesté pour demander la permission au chef du village de visiter la tombe de son géniteur.
C’est tout naturellement que Nanan Dongo Tanoh Kouakou accède à cette sollicitude. Tous se dirigent alors sur le site de la tombe, où ils doivent se plier aux exigences de la tradition. C’est pratiquement au bord des larmes que le prince s’incline sur la tombe de son père, le prince Adingra, 15e souverain des Abron.
Il s’explique difficilement la volonté de ranger la mémoire du prince Adingra aux calendes grecques. Il ne comprend pas l’indifférence de l’Etat vis-à-vis de l’un des plus farouches artisans, auprès du Président Félix Houphouët-Boigny, de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. « Pour l’effort de guerre en 1944, Prince Adingra a été l’un des rares rois africains à saisir la pertinence de l’appel du général De Gaule, en mobilisant 700 hommes dans son royaume pour aller soutenir la métropole », révèle le prince Adjoumani. Dans la foulée, il se dit outré par le silence coupable des cadres Abron de Tanda, ville que le prince Adingra a personnellement contribué à ériger en sous-préfecture en 1958, deux années avant l’indépendance.
Après les échanges de civilités avec l’ensemble des notables et gardiens de la sépulture, le prince Adjoumani explique, preuves à l’appui, comment K. Appia après avoir organisé le rapt des attributs sacrés et du trône du royaume Abron, a voulu s’accaparer tout l’héritage du prince Adingra.
« Pour réussir son forfait, il fit signer un protocole d’accord le 26 septembre 1980 à Tangamourou avec plusieurs membres de la famille biologique de feu le prince Adingra, dont Ahi Kouamé, chef de famille, Kouadio Fodio dit Morou Ouattara, Kouamé Thomas, ancien secrétaire général Pdci-Rda de Tanda, les veuves de feu Adingra Kouadio Badou au nombre desquelles, Affoua Fofié, Abenan N’Guessan Aghate, Yawa Kalo et Adia Boua », soutient-il.
Poursuivant, il lève un coin du voile sur ce protocole d’accord qui donnait toute la latitude à K. Appia d’agir en qualité d’administrateur des biens de la famille de feu Adingra Badou, fils du prince Kouamé Adingra. Evidemment, grâce à sa vigilance, il a pu sauver le reste de l’héritage de la famille. Le lendemain, lundi 28 mars 2016, cap est mis sur Amanvi, siège du règne du prince Adingra. Autre lieu rappelant le règne du successeur de Kouadio Adjoumani, 14e souverain des Abron, mais pratiquement même décor. Ici, règne plutôt, les vestiges du palais royal. Tout est sens dessus dessous, au grand dam du prince Adjoumani qui tombe des nues. Dès cet instant, il prend la résolution de restaurer le caveau et le palais du prince Adingra.
Idrissa Konaté, envoyé spécial dans le royaume Abron
Entretien/Prince Kouamé Adjoumani (Fils du prince Adingra) :
‘’C’est dans la franchise que nous rétablirons la dignité du royaume’’
Comment Kouadio Appia est-il parvenu à saboter le royaume Abron ?
C’est par K. Appia que la division a été introduite dans le royaume Abron. Il a corrompu les enfants du roi Koffi Yéboua qui lui ont remis les attributs sacrés contre 1,5 million Fcfa qu’il est allé, à son tour, remettre à des personnes n’appartenant pas à lignée royale. Depuis, cette fracture a créé la division entre les Abron. Voyez-vous, à cause de l’argent des Abron bon teint ont accepté de vendre leur dignité. Et pourtant, nos voisins du Djuablin et de l’Indénié ont réussi à préserver leur différent royaume loin des soubresauts des espèces sonnantes et trébuchantes.
Ne pensez-vous pas avoir échoué, eu égard à tous ces remous dans votre royaume ?
J’avoue que nous avons échoué et c’est une honte. J’ai mal de voir le royaume qui, par essence, est une grande famille unie, aujourd’hui divisé par notre faute à tous. Nous devons comprendre que le royaume Abron a servi la Côte d’Ivoire et la France. Nous avons le devoir de restaurer ce royaume qui a servi de modèle à la quasi-totalité des monarchies que le pays a enregistrées, mais aussi à la structuration de l’Etat, lorsque Félix Houphouët-Boigny accédait à l’indépendance en 1960.
Quel est votre plus grand rêve pour le royaume Abron ?
En tant que fils d’ancien roi et prétendant à la chaise royale, j’invite à la solidarité des cadres et surtout de toutes les populations pour relever l’honneur du royaume Abron. C’est une honte que les Abron privilégient certains aspects éphémères de la vie qui se résument seulement à la politique et à l’argent. Notre devoir à nous est de chercher à rétablir la dignité que Dieu nous a donnée. C’est dans la franchise que nous rétablirons la dignité du royaume.
Réalisé à Tanda par Idrissa Konaté
Panel : Quel est l’impact du vide au niveau du trône sur l’ensemble des Abron ?
Pokou Kouakou Noël (Pasteur) : ‘’La souffrance des Abron va perdurer’’
Nous prions pour que les choses reviennent à la normale. Le royaume doit être établi comme par le passé, car pour nous, tant que la situation restera en l’état, la souffrance du peuple Abron va perdurer. Nous ne pouvons pas accepter que la division continue de faire le lot des populations dans le royaume.
Koffi Emmanuel Math (Opérateur économique) : ‘’Les litiges empêchent le développement de Tanda’’
Je pense que les litiges empêchent Tanda de se développer. Pour une ville qui existe depuis 1958, c’est écœurant. J’apporte un projet innovant dans la région et il serait intéressant pour nous que Tanda puisse bénéficier de ce projet qui consiste à reboiser le couvert forestier. Mon souhait est que tous les fils et filles de la région s’asseyent autour d’une même table de discussion. Il est inconcevable qu’une région qui a autant de potentialités reste à la traîne du fait de division intestine. Il est temps qu’on rétablisse le royaume.
Josée Adjoumani (Princesse Abron) : ‘’Les cadres ne sont pas sincères’’
Je trouve que les cadres de Tanda, mais généralement des Abron ne sont pas sincères dans leur approche de la restauration du royaume. C’est ce qui semble être la principale cause du retard de Tanda qui se présente sous les aspects d’un gros village. Mon souhait est que la ville évolue. Et cela passe par le respect d’une autorité royale.
Propos recueillis par Idrissa Konaté
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.