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[Recrudescence des coups d’État en Afrique] Des conséquences et non des causes


Abidjan, 04-08-2023 (lepointsur.com) Dans une publication récente sur la récurrence des putschs en Afrique, nous nous sommes posé des questions : qu’est-ce qu’un chef politique africain ? Comment gère-t-il le pouvoir ? Comment et pourquoi l’ordre kaki parvient-il à gagner fortune en Afrique ? Etc. Nous proposons quelques réponses à ces questions. Pour aujourd’hui, « qu’est-ce qu’un chef politique africain, et comment gère-il le pouvoir ? ».

Le chef politique africain est à l’image de la représentation que le Noir africain se fait du chef. C’est le leader (celui qui guide, qui mène). Cette vision du chef n’est pas erronée puisqu’elle est partagée par tous les peuples du monde : un chef qui ne montre pas le chemin n’est pas un chef. Mais en Afrique, le chef revêt d’autres attributs : il est la force absolue, car il est le pouvoir absolu, tout pouvoir étant forcément force ! Il est le Suprême. Kwame Nkrumah disait de lui-même qu’il est « Osagyefo » — celui qui est descendu du ciel et qui tient son pouvoir de Dieu ! C’est une mystique (doublée de mystification) du chef.

Sur le terrain purement politique, cette perception du chef pose problème. En effet, là où l’Occident (par exemple) a dilué le pouvoir du chef en créant de nombreux organes de gestion (Sénat, Congrès, Assemblée nationale, etc.) qui dépersonnalisent la représentation et la gestion de l’État, l’Afrique est restée ‘’accrochée’’ à une vision presque moyenâgeuse du chef où celui-ci reste le maître absolu du destin de chaque citoyen : c’est lui seul qui nomme aux emplois ; lui seul qui décide des projets de développement du pays ; c’est même lui qui administre la Justice, gère et contrôle les fichiers électoraux, le Trésor national, etc.

La majorité des Constitutions des pays africains consacre ainsi le régime présidentialiste où le chef de l’État est plénipotentiaire. En tant que tel, il ne supporte ni discussion, ni contradiction. Et gare surtout aux intellectuels contestataires et trublions par essence ! Confinée, voire recluse à la périphérie de l’activité politique, l’opposition est alors réduite à la mendicité, car survivant difficilement aux nécessités sociales. Pendant ce temps, le chef, lui, dirige en s’entourant généralement des membres de sa tribu ou de son groupe ethnique. C’est sa garde de confiance, son électorat le plus sûr car il est le fils prodige de la région, venu pour sauver la tribu. Le chef africain ? Un demi-Dieu, « repu et isolé au fond de son tabernacle » (Zola).

Que faire pour changer cette donne qui est loin de favoriser la justice pour tous, l’égalité citoyenne, le Trésor national pour tous, le développement (ou l’émergence) pour tous ? L’ordre kaki s’offre alors aux masses comme une réponse.

Et tant que nos pays seront dirigés de cette manière, que nous savons, tous, il sera difficile d’éradiquer les coups d’État. Car, à l’instar des rébellions qui paralysent les appareils étatiques et républicains, les Coups d’État sont des conséquences de la gestion (silencieusement décriée) de l’État, et non des causes fondamentales de stagnation du pays. Bref, les putschs ont des causes. C’est sur ces causes qu’il faut agir et non sur les conséquences… logiques.

Par Tiburce Koffi

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