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Netanyahou vainqueur : « La vision d’avant-hier a gagné »


Pour l’ancien député travailliste Daniel Bensimon, la victoire de Netanyahou est celle d’un homme contre tous et le reflet d’une société très divisée. Elle marque le retour d’une vision d’avant-hier.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le 1er février 2015. (GALI TIBBON / POOL / AFP)
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le 1er février 2015. (GALI TIBBON / POOL / AFP)

Daniel Bensimon est ancien député travailliste israélien. Quelques heures après l’annonce des résultats des élections législatives en Israël, qui ont vu la victoire inattendue et nette du parti de Benyamin Netanyahou : avec plus de 23% des suffrages, le Likoud devance de presque 5 points son principal concurrent, la liste de centre gauche Union sioniste d’Isaac Herzog, pourtant favorite des sondages. Un choc pour Daniel Bensimon, qui livre les premiers éléments d’analyse de ce scrutin. Interview.

Avec 30 sièges à la Knesset, Benyamin Netanyahou a soufflé la victoire tant espérée par la gauche israélienne. Les travaillistes sont sous le choc ?

– Je ne m’attendais pas à cette victoire. Il va falloir maintenant réfléchir et comprendre. Ce n’est pas une victoire de justesse. C’est une victoire impressionnante. Netanyahou a cassé à lui seul toute la gauche. Le Meretz [extrême gauche, NDLR] est presque au seuil de la disparition. Ce qui est aussi choquant, c’est que les partis de centre et de gauche ont été soutenus par les grandes villes riches d’Israël alors que l’Israël pauvre, et les classes moyennes, ont voté pour la droite. Il y a un message à écouter : malgré la pauvreté les gens croient en Netanyahou, en sa façon capitaliste de gouverner. Il appauvrit Israël et les pauvres mais les victimes ont voté pour lui.

Comment comprenez-vous cette distorsion ?

– Quelques heures à peine après ces résultats nous avons besoin de temps pour lire ces résultats. Mais une division très claire s’est dessinée entre les élites israéliennes libérales et l’électorat conservateur. On pensait que cet électorat était très mal avec Netanyahou, surtout sur les questions sociales et économiques, mais il a malgré tout écrasé tous les autres partis… et même les membres de son parti.

C’est une victoire de Benyamin Netanyahou plus que du Likoud et de la droite en général ?

– Oui c’est surtout une victoire de Netanyahou. La droite a perdu. Le parti de Benett [Bayit Hayehudi, droite nationaliste pro-colonies, NDLR] a reçu un coup très grave. Le score de Likoud est un score personnel de Netanyahou.

C’est Netanyahou contre tout le monde. C’est lui qui a gagné, ce n’est pas le Likoud. D’ailleurs, la campagne s’est faite sur son nom, sur son image – on n’a vu aucun autre visage – et contre la gauche : c’était « moi ou eux, les traîtres, ceux qui vont tout donner, y compris Jérusalem ». Et les gens, apparemment, aiment l’homme et son message.

Sa victoire est d’autant plus spectaculaire que Netanyahou était au plus grand moment de sa faiblesse. Il était isolé au sein de son parti. Des électeurs exprimaient une quasi haine personnelle contre lui. Sans compter les relations avec les Américains, qui n’ont jamais été aussi mauvaises. On avait l’impression qu’il était seul contre le monde entier. Et, malgré tout, il a tiré sa plus grande victoire.

Contre toute attente…

– Aucun sondage durant des mois ne l’a donné gagnant et aucun ne lui a donné plus que 21 mandats. Il ressort avec 30 ! Tout le monde s’est trompé. Les fêtes étaient prêtes, la gauche, une autre vision d’Israël, allait gagner… Et malheureusement, c’est la vision d’avant-hierqui a gagné, pessimiste, triste, qui ne met pas la paix au centre, qui s’enfonce dans un enfermement idéologique.

La députée du parti Stav Shaffir a indiqué que les travaillistes ne rentreront pas au gouvernement. Les partis arabes non plus bien sûr… Sa majorité sera courte. Comment gouverner ?

– Il représentera Israël avec sa droite et les ultra-orthodoxes, et c’est tout. Il est trop tôt pour analyser une situation où rien n’est encore décidé. S’il choisit d’inviter les travaillistes, je crois qu’ils viendront. Et Yesh Atid [centre-droit, NDLR] sans doute aussi. Mais c’est à lui de décider ce qu’il veut, il a toutes les cartes sur la table.

Il peut choisir un Israël ouvert et capable de faire un processus de paix, ou un Israël qui va aux Etats-Unis et ridiculise le président américain devant le Congrès… Il peut rester ce Netanyahou constamment en bataille avec le monde entier. Il y a aujourd’hui clairement deux Israël dessinés dans ce résultat électoral mais c’est à lui qu’on a donné la possibilité de décider avec lequel il veut gouverner. Quelle option va-t-il choisir ? Faire la paix avec l’autre Israël ou rester avec son Israël.

Peut-il ouvrir un chemin vers la paix alors qu’il a affirmé à la veille du scrutin qu’il ne permettrait pas la création d’un Etat palestinien ?

– Malgré ses propos les plus extrémistes de droite, il a gagné oui… Est-ce que cela signifie que les Israéliens veulent défendre cette vision ? Peut-être que oui. Est-ce que c’est la gauche qui est en minorité ? Netanyahou a choisi d’en finir avec une vision de la paix avec les Palestiniens dans le cadre de deux Etats, il met l’Iran au-dessus de tout et c’est peut-être cette vision qui va décider de l’avenir d’Israël…

Personne ne sait ce qui se passera dans les prochaines semaines. L’opposition n’avait jamais été en meilleure position pour gagner et, un fois encore, elle a été battue d’une façon brutale. Comment encore prédire quelque chose ?

L’Obs

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