Actualite, Grands Genres, Point Sur

Interview/Mankoua Mobio Yvon (2e adjoint au maire de Songon) : ‘’Nous sommes inquiets de la pression démographique qui guette Songon’’


Mankoua Mobio Yvon, 2e adjoint au Maire de la commune de Songon.

Mankoua Mobio Yvon, 2e adjoint au Maire de la commune de Songon.

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 2-8-2016) Monsieur Mankoua Mobio Yvon, vous êtes le deuxième adjoint au maire de la commune de Songon. Il y a peu, au cours d’un entretien, Madame le principal du Collège moderne de Songon souhaitait maintenir les élèves qu’elle a eu à former depuis la classe de 6ème jusqu’en 3ème. Malheureusement,  par manque de bâtiments, les élèves sont obligés de partir étant donné que le collège n’est pas un lycée. En tant qu’autorité municipale, quelles sont les dispositions que vous prenez pour que ce genre de situations ne perdure pas ?

J’aurais souhaité que cette question soit posée au maire M’Koumo Mobio Eric, étant donné qu’il est le premier responsable. Toutefois, en la matière, je voudrais préciser que dans la communalisation, il y a plusieurs aspects à prendre en contact. Le problème que vous posez, s’inscrit dans le cadre de l’éducation. A ce niveau, je vous informe que tout ce  qui concerne les collèges et les lycées ne concerne pas la mairie, mais plutôt le District d’Abidjan. Le maire ne peut  agir que sur les questions relatives aux écoles primaire, maternelle et préscolaire. Ce que nous faisons déjà au niveau du conseil municipal, à Songon est d’aider le collège dans la mesure de nos possibilités. Et tenez-vous bien ces dépenses ne sont pas inscrites au budget. Nous pouvons à la limite l’aider à rencontrer les services techniques du District d’Abidjan. Nous ferons en quelque sorte une médiation. Nous l’avons fait en son temps  pour le lycée. Nous avons été une courroie  de transmission pour qu’un certain nombre de problèmes soient réglés.

La commune de Songon connait un véritable intérêt en termes d’urbanisation. N’êtes-vous pas  inquiet de cette fièvre qui s’empare de votre localité ?

La question se situe à deux niveaux. Nous avons certainement des inquiétudes. La première inquiétude est que l’Etat de Côte d’Ivoire à bien  voulu faire de Songon un point de repère. Vous allez me dire en quoi, c’est une inquiétude ? Parce que là, du côté de Kassamblé, l’on est en train de construire une ville qui ressemble plutôt aux communes d’Abidjan avec des espaces réduits. On se croirait en plein Abidjan. Alors  que notre souhait aurait été de faire de Songon une vraie banlieue, un  havre de paix pour toutes les personnes à la recherche de repos et de tranquillité. Cela aurait été possible si nous les services municipaux avaient été consultés. Cela n’a  pas été le cas. Nous sommes heureux de voire une ville qui est en train d’être construite, mais en même temps, nous sommes malheureux parce que les problèmes récurrents que nous connaissons à Abidjan surgiront certainement dans dix, voire quinze ans avec l’urbanisation définitive de Songon. La seconde chose, est que nos parents qui sont propriétaires de parcelles vendent aux acquéreurs les terres, sans nous demander un avis quelconque. Naturellement, ils se disent que c’est leur terre. La difficulté est lorsqu’ils viendront les construire, il appartiendra à l’autorité municipale de tout mettre en œuvre pour que les terrains bâtis soient dans une dimension convenable. Malheureusement, beaucoup d’opérateurs se rendent auprès de nos parents, acquièrent  des espaces et entament les projets immobiliers sans s’en référer à l’autorité municipale. L’inquiétude  véritablement est que la pression démographique et l’intérêt pour Songon font que nous sommes là sans repère, parce que n’ayant pas les instruments qu’il faut  pour le contrôle. Cependant, au niveau de la municipalité, nous sommes en train de  mettre en place un plan d’urbanisme détaillé, pour essayer de contrôler un tout petit peu  les constructions qui vont se faire d’ici quelques années.

Pourra-t-on avoir une idée de votre plan d’urbanisation ?

Nous sommes actuellement à l’état d’étude. Nous avons confié cela à un cabinet qui y travaille, mais ce plan devra s’intégrer et prendre en compte le plan d’urbanisme du grand Abidjan, qui a été présenté à la face du monde, il y a quelques semaines. Il s’agit de faire en sorte que dans l’aménagement que nous faisons, nous tenions compte des voiries  et tout ce qu’il y a comme aménagement. Les sites qui sont réservés devront l’être de sorte qu’on n’ait pas une anarchie comme on le constate dans l’ancien Abidjan. La stratégie est d’abord de chercher à informer les parents en les mobilisant autour de ce projet. D’ailleurs, dans quelques jours, le maire et le Conseil municipal ont décidé d’organiser un séminaire, à l’effet de sensibiliser les populations sur les enjeux de Songon dans les quinze et vingt prochaines années.

En termes d’insécurité, est-ce que vous n’avez pas de soucis par rapport à l’urbanisation de Songon?

Il n’y a pas de sécurité zéro, elle n’existe nulle part. Le développement vient avec ces questions de sécurisation dont vous parlez. On ne dira pas, comme il y aura l’insécurité, donc on ne veut pas du développement. Ce serait vraiment ramer à contre courant. Nous disons qu’il faut construire une ville dont nous maîtrisons les différents aspects. Si vous voulez réduire l’insécurité, c’est à vous de voir faire en sorte que ceux qui sont porteurs d’insécurité, le soit le moins possible. Notamment, les jeunes parce que ce sont eux qui posent le plus de problèmes. Il faut pouvoir créer des emplois pour les jeunes. Une ville qui se construit, c’est beaucoup d’emplois, mais en même temps, il faut pouvoir encadrer ces jeunes gens pour que ce qu’ils veulent faire plus tard, se fasse dans un cadre limpide, qui leur assure un mieux-être. Oui ! Nous voulons le développement, mais  nous savons que nous seront en face d’un certain nombre de problèmes d’insécurité. On ne devrait pas avoir peur pour ces questions, c’est pour cela que nous avions été élus pour présider aux destinées de Songon.

Songon était malheureusement une ville pourvoyeuse de manioc, qu’est-ce qu’il en est aujourd’hui ?

Voyez !  On ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. Songon, qui est à deux pas de Yopougon était une grande zone agricole. Aujourd’hui, vous n’y trouverez plus de plantations de manioc et nos mamans en souffrent. Elles sont obligées d’aller au-delà même de Bonoua, voire quelquefois Yamoussoukro pour faire venir du manioc. Je voudrais ici, saluer l’action du Gouverneur Beugré Mambé qui a pu signer une convention avec son collègue du District de Yamoussoukro, à l’effet de permettre à des femmes de créer des plantations de manioc là-bas, pour approvisionner Abidjan en cette denrée première qui est l’attiéké. Oui ! Nous ne sommes plus une zone de production de manioc.

En la matière, ne craignez-vous pas une sorte de famine comme c’est le cas à Dabou où les gens sont obligés d’aller s’approvisionner en vivres à Abidjan, alors que c’est une zone rurale ?

Le thème de famine est trop excessif. Nous avons connu en Côte d’Ivoire, une année de sécheresse terrible en 1970 quand j’étais encore jeune. Nous avons pu juguler ce phénomène-là. Il n’y aura pas de famine. Nous n’allons pas bâtir toute la ville de Songon. La commune de Songon fait trois fois la commune de Yopougon en termes de superficie. On n’en fera pas une ville plus grande que nos potentialités ne le permettent. Pour nous,  Songon devra être une ville à la fois urbaine et rurale. Une partie sera réservée à tout ce qui est culture et une autre  aux bâtisses. De sorte qu’il y ait un couvert végétal qui permette à nos parents paysans d’exercer leurs activités et surtout de permettre aux femmes auxquelles le Gouverneur Mambé a notamment offert, à Kassamblé, une usine de transformation de manioc, afin d’avoir un peu de richesses. Dans la zone de Songon, le même Gouverneur entrevoit de construire une usine de transformation de tomates. S’il le dit, c’est parce que nous avons encore des parcelles où on pourra encore  faire du vivrier. Si nous sommes conscients que la nourriture est importante pour nos populations, nous ferons en sorte que ces airs soient protégés pour  servir à autre chose que bâtir des maisons.

Nous constatons des conflits fonciers dans les banlieues d’Abidjan, est-ce que Songon est aussi concerné ?

Non ! Et c’est la chance que nous avons pour le moment. C’est aussi l’un des objectifs pour lequel, le maire a décidé d’organiser un séminaire sur le foncier. La question du foncier, il faut toujours la rattacher aux intérêts individuels. En terre Atchan, le patrimoine appartient à une famille et on désigne toujours un membre de la famille pour gérer ce patrimoine. En général, c’est l’oncle qui gère le patrimoine. S’il  vend un mètre carré, il devrait permettre à tous les membres de la famille de profiter des retombés. Malheureusement, il se trouve qu’il y a certains gestionnaires de biens familiaux  qui sont égoïstes. Ce qui naturellement fait que les neveux et tout le reste se révoltent et viennent dire : “ Cette parcelle qui vous a été vendue, n’est pas la parcelle de celui qui vous l’a vendue“. Et ils font une nouvelle vente. En fait, ce sont ces petits problèmes qu’il faut rapidement régler et que d’autres ont pu régler. Les conflits existent ailleurs, parce qu’il n’y a plus de terres alors que les jeunes ont besoin de moyens pour pouvoir se prendre en charge. C’est cela qui pose problème. En plus, il y a quelques agents dans d’autres services techniques de mairie qui se rendent coupables ou complices de ce genre de pratiques. Chez nous, ce qui se fait, lorsqu’il y a une parcelle morcelée et approuvée par le ministère de la Construction, il  y a un guide qui est établi par le même ministère. Avant c’était dans les villages, mais maintenant  le ministère lui-même demande à élaborer ce guide. Une copie se trouve chez le chef du village et la seconde copie au ministère. Les nouvelles mesures empêchent plusieurs personnes d’acquérir une parcelle. C’est pour mieux sécuriser les vendeurs et les acquéreurs. Nous sommes en train de faire en sorte que les conflits que vous avez observés ailleurs ne puissent pas arriver à Songon.

N’y a-t-il pas souvent des conflits entre la municipalité et la chefferie concernant le domaine foncier ?

Certainement qu’ailleurs, il y a les conflits de ce genre. Comme je le dis, la chance que nous avons, est que Songon est une ville qui est en train de se construire et les chefs de villages sont de hauts cadres  qui se sont  mis à la disposition des villages. Ils  comprennent très bien que  les terres appartiennent à des particuliers ou des familles. Nous avons un rôle de médiation, s’il y a un problème, les chefs nous saisissent ou madame le Sous-préfet, à l’effet  de régler ce problème. Il n’y a jamais eu de conflit frontal entre les villages et l’autorité municipale.

Certains promoteurs  se plaignent du comportement des jeunes de Songon. Ils sentiraient un peu de chantages de leur part. Qu’en est-il exactement ?

Si vous voulez, je me mettrai à la place des jeunes gens pour parler. Je prends un exemple, mais non trivial. Vous avez une voiture que vous voulez vendre à un acquéreur. Vous dites, ma voiture coûte 10 millions, parce que vous avez besoin de 10 million pour faire quelque chose d’autre. Celui qui veut l’acquérir, vous dit “j’ai compris, mais je n’ai pas dix millions cash, mais  je vous le verse en trois mensualités“ vous convenez donc  de cela. Que trois mois je vous paye vos 10 millions. Vous payez une première tranche et la seconde tranche que vous devez payer, vous ne les faîtes pas et c’est vous qui faîtes  des difficultés. Pendant  ce temps, les parents n’ont plus rien. Ils sont obligés de  se rebeller pour avoir ce à quoi ils ont droit. Cela fait combien d’années qu’ils ont été expropriés ? Tous les champs d’hévéas ont été détruits en leur remettant deux où trois millions par-ci et par-là. A la fin, ces parents, je les plaints, parce qu’ils vont se retrouver dans la situation d’Adjamé que vous connaissez sans ressources et sans toits. Ne vous dîtes pas que parce qu’ils ont mis à disposition  leur terre que le ciment, l’acier et le gravier vont leur revenir moins chers. Ils vont payer aux mêmes prix.  Ils comptent  sur les souscripteurs pour avancer. Je ne sais pas comment le montage a été fait, mais je vous assure que, nous qui sommes les élus locaux avons très mal. Comme je vous le dit, nous ne pouvons pas agir, parce qu’on en sait pas trop.

Pourquoi vous n’avez pas été associés étant donné que tous les opérateurs économiques  ne sont pas dignes de foi et surtout que ce sont vos parents qui sont grugés ?

Je ne sais pas pourquoi. Mais on n’a pas été associé. Je crois qu’il faut poser la question à l’autorité et je pense que cela doit être ainsi partout en Côte d’Ivoire. A Yamoussoukro, Daloa et San Pedro, j’imagine que la même démarche a été  adoptée, c’est-à-dire que les élus locaux n’ont pas été associés ni aux négociations encore moins aux plans d’aménagement et à la vision. C’est de cela qu’il est question. Quelle est la vision que vous avez de votre localité ? Comment vous voulez construire Songon ? Est-ce que vous voulez construire Songon comme un Bromacoté bis ? Ou bien, voulez-vous faire de Songon un Beverly Heals ? C’est nous qui pouvons leur dire voilà comment nous souhaitons que ce soit fait. Malheureusement, nous n’avons pas été associés. Nous ne pouvons pas aller dire aux gens d’arrêter le projet, parce qu’on n’a pas été associés. Vous comprenez ? Il y a les parents qui ont cédé leurs terres parce qu’ils sont dans le besoin, mais si vous leur dîtes ne cédez pas les terres, quelle alternative vous leur proposée ? Notre budget à Songon est moins de 300 million Fcfa. Etes-vous sûrs qu’avec moins de 300 millions Fcfa beaucoup de chose puissent se faire? Cependant, ce que nous sommes en train de faire consiste à maîtriser l’autre territoire de Songon ; du côté de la baie des milliardaires. Nous sommes en train de chercher à maîtriser, parce que pour l’heure,  personne ne regarde de côté-là.

Un message particulier à l’endroit des populations de Songon ?

Celui que j’ai au nom du maire M’Koumo Mobio Eric et son Conseil municipal, c’est d’abord demander à nos administrés d’être assez patients, pour tout ce que nous avons entrepris de réaliser pour eux.  Construire une ville nécessite à la foi du rêve et de la réalité. Le rêve est de faire en sorte que dans les prochaines décennies, Songon ressemble vraiment à une ville. Que tous les villages qui s’étalent le long de la lagune demeurent à l’intérieur de cette nouvelle ville comme  une trace historique et culturelle. Il s’agit de dire à nos parents qui encore des parcelles de ne pas se précipiter pour les brader.  Le cas de Kassamblé doit faire école. Beaucoup de personnes s’intéressent à Songon, mais beaucoup de personnes s’intéresseront davantage à Songon, lorsque l’autoroute partira de la Gesco jusqu’à San Pedro. Il  y a une première section qui va s’arrêter en plein Songon au niveau du carrefour qui mène à Jacqueville ; nous avons du potentiel, nous leur demandons simplement de nous faire confiance, de  nous approcher pour expliquer un tout petit peu les difficultés qu’ils ont et nous pourrons ensemble trouver des solutions. Je voudrais les inviter à prendre une part active au prochain séminaire qui aura lieu à son Songon et autour duquel, nous allons faire une grande communication pour que chacun puisse trouver sa part dans l’émergence souhaitée par le Président Alassane Ouattara et son gouvernement.

Réalisée par Idrissa Konaté

 

Commentaires

commentaires