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[Entretien/Crise à l’Anaproci, travail des enfants… fixation du prix du Cacao, SARA 2019] Sery Gervais, président statutaire de l’Anaproci sort de sa réserve


– Lutte contre le travail des enfants dans les plantations cacaoyères : «Voici ce que l’Anaproci avait négocié avec la Maison Blanche»

Abidjan, 22-11-2019 (lepointsur.com) Rentré en Côte d’Ivoire depuis quelques semaines, après un long séjour en France pour cause de maladie, le président statutaire de l’Association nationale des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire (Anaproci), Sery Gervais, rompt enfin le silence. Dans l’entretien qui suit, il se prononce sans faux-fuyant sur la forfaiture de l’actuel président de son association, la lutte contre le travail des enfants dans les plantations cacaoyères et sur la fixation du prix bord champ du kilogramme de Cacao et l’organisation du Salon internationale de l’agriculture et des ressources animales d’Abidjan (SARA) 2019.

Depuis avril 2018, malgré des contestations l’Anaproci a un nouveau président. Quelle analyse faites-vous plus d’un an après ?

Moi, je suis surpris quand on me dit que depuis 2018, la Naproci a un nouveau président parce que, selon moi, l’Anaproci n’a pas de nouveau président. Le président statutaire de l’Anaproci c’est bel et bien moi.

J’étais en déplacement pour des raisons de maladie. Aussi, durant 6 années, nous étions face aux tribunaux pour un problème de leadership avec Boti Bi Zoua, qui a accaparé l’Anaproci. A cette époque, j’étais allé en France et c’est là-bas que j’ai été appelé par mes collaborateurs qui me demandaient des consignes sur cette crise. Et je leur ai dit que dans un premier temps, il faudrait faire en sorte que les membres de l’Anaproci se réconcilient à travers une tournée d’évaluation qui va permettre également de savoir le nombre de délégués encore en fonction.

Alors, grande fut ma surprise quand j’ai appris qu’une assemblée générale aurait été organisée sous le haut patronage du président Bédié et sous le parrainage du ministre Gnamien N’goran. A ce niveau, je pense que le président Henri Konan Bédié est le papa de tout le monde et quand des gens se lèvent car se sentant proches de lui pour aller le voir, je crois que le mieux, c’est de s’informer d’abord sur leur motivation avant de faire quoi que ce soit.

Au regard de vos textes, ces personnes avaient-elles le droit de faire ce qu’elles ont fait ?

Non, car ces personnes sont allées faire croire au président Bédié que la l’Anaproci n’avait pas de président ce qui n’était pas vrai parce que l’Anaproci avait bel et bien un président du nom de Sery Gervais.

Aussi, quand on me parle de l’élection de monsieur Kanga Koffi à la tête de l’Anaproci, il faut savoir qu’il n’est pas statutaire du moment où il n’a jamais été délégué, ni élu comme on a l’habitude de le voir. C’est son père qui fut délégué régional et dans son département, il y avait 5 délégués. Après son décès, sur les 5 délégués, il ne restait plus que 4. Ces derniers devaient s’organiser pour la supervision de l’Anaproci, en vue d’élire ou désigner leur délégué régional.

Donc, c’était vraiment très mal placé que cet enfant soit porté à la tête de l’Anaproci de la sorte.

A côté de cela, faut dire que ce n’est pas nous qui avons organisé ces élections, c’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui l’a fait à notre place avec les producteurs.

En outre, ce qu’il faut retenir c’est que nos textes n’ont pas été respectés.

Et c’est à quel niveau précisément ?

D’abord quand on est délégué et qu’on n’est pas statutaire, et là je vous parle en tant qu’ancien secrétaire général de l’Anaproci, on ne peut pas prétendre occuper le poste de président à l’Anaproci. Ce sont les délégués élus qui peuvent faire acte de candidature à la présidence de notre organisation.

Les membres statutaires ce sont ceux qui étaient à l’Assemblée générale constitutive de l’Anaproci.

Combien sont ces membres statutaires ?

Nous avons 250 délégués. Ce sont eux qui étaient l’Assemblée générale constitutive de l’Anaproci. Parmi ces 250 personnes, il y a 32 délégués régionaux et sur ces 32 délégués régionaux, il y avait 10 délégués nationaux.

Bien sûr, il peut avoir des membres de l’Anaproci, mais nos textes n’autorisent pas ces derniers à se présenter en tant que candidats à la présidence de l’association ou encore à être électeurs.

C’est bien évidemment le cas de monsieur Kanga Koffi, qui n’est pas électeur, ni candidat parce qu’il n’est pas délégué.

Maintenant que vous êtes de retour au pays, pouvez-vous nous faire le point des identifications des producteurs même si vous n’êtes plus aux commandes depuis 2018 ?

Moi, je pense que ce n’est pas une affaire de commandes. De plus, moi je ne considère pas celui qui se dit actuel président du l’Anaproci comme notre président, car il n’est pas statutaire.

Pour revenir à votre question, j’aurais appris que monsieur Kanga serait opposé à l’identification des productions, ce qui n’est pas normal. Car, il faut soutenir le recensement des producteurs, toute chose qui permettra de savoir qui est producteur ou pas. Cela va permettre également à l’Etat, de savoir le tonnage exact de chaque localité, dans le cadre de la maitrise des stocks.

Aussi, nous voulons demander à l’Etat d’introduire des producteurs au niveau du comité chargé du recensement et de l’identification des producteurs, pour accompagner l’opération.

A vous entendre parler, l’on croirait que le processus d’identification des planteurs est bloqué ?

Non, je ne dirais pas que le processus est bloqué, puisque c’est maintenant que je viens d’arriver. Je crois fortement que d’ici là les choses vont bouger.

Monsieur Séry, quel est le réel mal qui ronge l’Anaproci?

Vous savez, quand nous avons créé la l’Anaproci et lorsque les délégués ont été élus et que nous avons également mis en place l’association, tout fonctionnait très bien. Mais les choses ont commencé à basculer avec les premières réformes quand il y a la crise de la BCC, du FDPCC, du FRC, du FGCC… qui constituaient tous l’Anaproci.

Et puis, par la suite, les premiers dirigeants de l’Anaproci ont eu des problèmes de gestions qui les ont conduits devant la justice ivoirienne. Donc, c’est à partir de cet instant que véritablement l’Anaproci a pris un coup. Et quand j’ai été élu, mon équipe et moi avons décidé de repositionner l’Anaproci en la redynamisant et en l’assainissant.

C’est ce travail que nous étions en train de faire lorsque subitement nous avons pris un coup. Il fallait encore faire face à la justice ivoirienne et tout ça, jusqu’à ce que nous gagnions les différents procès.

A votre avis, l’Anaproci n’est pas liée à un pouvoir mais, contribue au bien être des producteurs ?

Oui, c’est exact. La preuve quand nous avons créé le FDPCC, notre rôle était de faire la promotion des activités des producteurs. Nous, on parle des produits phytosanitaires, de la redevance, du Swollen shoot, des cabosses, etc. Il faut qu’à même noter que l’Anaproci a abattu un excellent travail dans le monde depuis sa création jusqu’à aujourd’hui et ce, malgré les difficultés que nous avons rencontrées.

Aujourd’hui, quelle analyse faites-vous de la fixation des prix bord champ que propose le gouvernement ?

Ce que je peux dire, c’est que les prix sont bons. Ce que les gens doivent savoir, c’est que ces prix sont des prix stabilisés. Il faut donc chercher à avoir cela d’abord avant de chercher mieux. Quand ils disent que les prix ne sont pas bons, moi, je pose la question de savoir en quoi est-ce que les prix ne sont pas bons ?

Moi, je trouve que ce système est bon, dans la mesure où nous avons connu des systèmes où les prix stabilisés ne sont jamais allés au-delà de 800 Fcfa.

Qu’est-ce qu’un prix stabilisé ?

Un prix stabilisé, c’est un prix qui reste inchangé durant toute la campagne. Si ladite campagne doit durer 3 mois, 1 an ou plus, le prix bord champs proposés par l’Etat reste tel. C’est ça un prix stabilisé.

Est-ce que l’Anaproci prend part aux réunions de fixations des prix ?

Non, pas du tout. Et ce n’est pas seulement que l’Anaproci, même les producteurs qui devaient normalement participer aux différentes étapes de fixation des prix, puis que ces eux les acteurs, malheureusement, ils ne le font pas. Mais, je crois que lorsqu’on aura l’occasion, nous discuterons de cela avec l’Etat.

Mais, est-ce que c’était le cas par le passé ?

Oui. Avant, nous étions associés aux différentes étapes de la fixation des prix, voire à tout le processus de la campagne et les prix étaient même annoncés pas les producteurs. Je pense que nous allons revenir à cette méthode, après les quelques incompréhensions que nous avons actuellement. C’est cela notre souhait.

La lutte contre le travail des enfants dans les plantations cacaoyères fait feu de tout bois ces derniers temps, pourtant l’Anaproci avait débattu ce problème à la Maison Blanche. Mieux aujourd’hui, la première dame Dominique Ouattara en fait son cheval de bataille. Quelles sont les propositions concrètes que l’Anaproci avait faites et comment ces négociations ont été menées ?

Si j’ai bonne mémoire, je crois que c’était en 2005 et ce n’était pas que la l’Anaproci qui y est allée. Notre délégation était composée de producteurs ainsi que des techniciens. Nous sommes allés rencontrer le gouvernement américain et ce jour nous avons été reçus par le directeur des Affaires africaines de la Maison Blanche.

Et là-bas, ils nous ont dit que le cacao ivoirien était produit par des enfants, mais aussi que ce problème revenait de façon récurrente et que cela n’était pas intéressant. Nous, à notre niveau, nous leur avons dit que cela n’était pas possible, même si souvent en allant au champ, nous partons avec nos enfants. Et cela se justifie par le fait que nous n’avons pas un endroit où les laisser. Donc, nous partons avec eux dans nos plantations afin de les garder en sécurité auprès de nous et non pour les forcer à travailler.

Sinon c’est le même reproche qu’on fait à la Côte d’ Ivoire tous les jours à ce sujet, c’est ce même reproche qui est revenu. Et, en son temps, on nous a fait comprendre que lorsqu’on parle de traite des enfants, ce n’était bon pour l’image des pays africains, car constituant une insulte pour eux.

En ce qui concerne la première dame, je pense que c’est un excellent travail qu’elle fait, parce qu’il faut encadrer ces enfants et il faut scolariser ceux qui ne vont pas à l’école. Et c’est dans cette dynamique qu’elle s’est inscrite et c’est à féliciter.

La chose que je pourrais lui dire pour qu’elle puisse mener à bien ce combat, c’est qu’elle associe les producteurs. Certes, avec ses collaborateurs, elle fait beaucoup, mais je crois qu’avec l’aide des producteurs, se serait encore mieux, car ce sont eux les premiers concernés qui vivent la chose.

En outre, il faut que ces observateurs internationaux sur le phénomène de la traite des enfants dans les plantations cacaoyères ne peut pas être possible dans la mesure où un parent, aussi cruel qu’il soit, ne peut accepter qu’un enfant parte nettoyer un champ à la machette ou avec un autre outil.

On ne saurait terminer sans vous demander de vous prononcer sur le SARA qui reprend bientôt.

Vous savez, la Côte d’Ivoire est un grand pays agricole et le SARA nous offre beaucoup d’opportunités. C’est très bonne chose qu’on ait ce salon qui nous est dédié. Car à cette occasion, le monde agricole et industriel se déplacent pour s’unir autour d’un même idéal.

C’est le lieu pour nous de féliciter le ministère de l’Agriculture et tous ses partenaires au développement du secteur agricole ivoirien. Nous voudrons donc féliciter tout ce qui participe à la réussite du SARA.

Selon vous que gagne la Côte d’Ivoire en organisant ce salon ?

Comme je l’ai dit tantôt, la Côte d’Ivoire gagne beaucoup avec les opportunités que ce salon lui offre. Cela permet au pays de vendre, si on peut le dire ainsi, son agriculture à travers, notamment, les présentations de nos différents produits agricoles.

Interview réalisée par Sériba Koné

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