Politique

En Côte d’Ivoire, il règne un climat vermoulu et indigne de la démocratie ! (Par Pascal Roy)


Il y a quelque chose de déréglé en Côte d’Ivoire : une mentalité et un fonctionnement administratif, religieux, coutumier et socio-politique ahurissants. Pire, il y a du pourri dans ce royaume de Côte d’Ivoire, pour parler comme William Shakespeare, à propos du royaume de Danemark (Hamlet, I, 4, Marcellus).

En Côte d’Ivoire, il règne en ce moment un climat vermoulu et indigne de la démocratie. Les gens ont le goût du sordide, de la méchanceté gratuite et de l’égoïsme cru. J’accuse l’ensemble du système socio-politique ivoirien. L’histoire naturelle et sociale d’un Etat est comme celle d’une famille. On a besoin de garant moral et c’est ce dont manque terriblement la Côte d’Ivoire. De la chefferie traditionnelle aux intellectuels, en passant par les religieux et les politiques, la faillite morale a un parfum qui rivalise avec Terre d’Hermès, Guerlain ou Dior.

Comme le disait De Gaulle, nous nous installons dans la chienlit, si nous  n’y  nous sommes pas déjà embourbés. Tout coule et s’écroule, lentement mais sûrement, pendant qu’on s’active diaboliquement pour le partage des postes et privilèges du pouvoir d’état, sans manquer de se disputer bruyamment les arrangements testamentaires pour 2020 et aux yeux même de nos Chefs traditionnels ; ces gardiens de nos coutumes et traditions qui prennent beaucoup de buts. Quand apprendront-ils  à bien garder le Temple Ivoire ? Et que dire de ces Prêtres, Pasteurs et Imams qui se contentent de transmettre la parole de Dieu sans la vivre et l’appliquer, un peu comme des fonctionnaires véreux de Dieu et non pas ses ministres ? Notre pays souffre d’un manque criant de garant moral !

L’engagement politique a besoin de sang neuf, d’esprits jeunes et compétents, de gens qui ne se sont pas résolus à baisser les bras pour se réfugier dans le petit confort qui mène à tous ces excès. En politique, il ne s’agit pas d’avoir pour idéal d’aller plus loin quand on est assis sur et dans le pouvoir, car le glissement peut être inattendu. Il s’agit essentiellement de tenter d’arriver une fois là même où déjà nous avons séjour : incarner le temps de son pouvoir et non le pouvoir de son temps et aller se faire cuire un œuf !

Ailleurs, sachez aussi que les plats couchés et réchauffés ne sont pas toujours digestes en politique ! Le nouveau peuple craint la gastro ! Apprenez à envoyer de nouvelles personnes sur le marché pour de nouveaux mets à concocter dans de l’acier et non des casseroles : des personnes d’hygiène politique ! La politique, ce n’est pas de la prophétie ; c’est du pragmatisme sensé. Il faut savoir lire la météo politique, très souvent imprévisible. Savoir promener le regard de la pensée sur ce qui est, peut être salvateur ! Le droit doit rester la grammaire de la société. Il faut nous éviter une analyse psychologique des textes juridiques et leur lecture avec une attention flottante. Evitons le conflit politicien des lois et préservons la sécurité juridique qui reste l’un des principes les plus importants d’un Etat de droit. Comme des géants aux yeux futés, fort d’une détermination à tout crin, nous devons afficher toujours, un enthousiasme et un verbe fleuri qui forgent et inventent de meilleurs engagements intellectuels et socio- politiques pour nos concitoyens.

En vérité, comme l’indique Friedrich Nietzsche (Œuvres complètes, vol. 9, pp. 99-103), il nous faut éviter de ressembler aux cordiers : ils tirent leur fils en longueur et vont eux-mêmes toujours en arrière. Il y en a aussi qui deviennent trop vieux pour leurs vérités et leurs victoires ; une bouche édentée n’a plus droit à toutes les vérités. Et tous ceux qui cherchent la gloire doivent au bon moment prendre congé de l’honneur, et exercer l’art difficile de s’en aller à temps. Il faut cesser de se faire manger, au moment où l’on vous trouve le plus de goût : ceux-là le savent qui veulent être aimés longtemps. Il y a bien aussi des pommes aigres dont la destinée est d’attendre jusqu’au dernier jour de l’automne. Et elles deviennent en même temps mûres, jaunes et ridées.

Il y a, incontestablement, quelque chose de cassé à réparer ! Mais comment y arriver ? Comment rassembler la paix, la justice, l’Amour, le pardon, la culture de l’intérêt général et les vertus dans un ensemble démocratique digne ?

« Tout coule et s’écroule, lentement mais sûrement, pendant qu’on s’active diaboliquement pour le partage des postes et privilèges du pouvoir d’état… »

La vraie paix est le fruit de la justice, vertu morale et garantie légale qui veille sur le plein respect des droits et des devoirs, et sur la répartition équitable des profits et des charges. Mais parce que la justice humaine est toujours fragile et imparfaite, exposée qu’elle est aux limites et aux égoïsmes des personnes et des groupes, elle doit s’exercer et, en un sens, être complétée par le pardon qui guérit les blessures et qui rétablit en profondeur les rapports humains perturbés. Cela vaut aussi bien pour les tensions qui concernent les individus que pour celles qui ont une portée plus générale et même internationale. Le pardon ne s’oppose d’aucune manière à la justice, car il ne consiste pas à surseoir aux exigences légitimes de réparation de l’ordre lésé. Le pardon vise plutôt cette plénitude de justice qui mène à la tranquillité de l’ordre, celle-ci étant bien plus qu’une cessation fragile et temporaire des hostilités: c’est la guérison en profondeur des blessures qui ensanglantent les esprits. Pour cette guérison, la justice et le pardon sont tous les deux essentiels.

Que les valeurs imbriquées dans ce concept d’ « UBUNTU », cette notion africaine et magique qui a guidé la vie entière de Nelson MANDELA visitent et aident les ivoiriens à « purger » une fois pour de bon toutes les haines individuelles et collectives pour construire ou réaménager une société-nation, multi-ethnique, multi-religieuse et démocratique…! Travaillons pour hisser la Côte d’Ivoire en une belle nation à capacité d’agilité et donc de mutabilité d’une société fondée sur la recherche de l’épanouissement individuel et collectif, en donnant du temps à l’action transformative des comportements et des perceptions. Aujourd’hui, la politique a besoin du neuf. Neuf en termes de changement de comportement, renouvellement et rajeunissement des acteurs. La politique a besoin de nouvelles compétences pour faire sa mue et reconquérir son essence originelle sacerdotale. Les vautours et les incompétents opportunistes mesquins, les gens sans coffre ni étoffe doivent s’en priver.
Sachons rechercher pour notre patrie et pour notre  monde, le « Kalos Kagathos » grec, ce qui est « Beau et Bon », la perfection humaine au sens brissonien, le « To Kalon » platonicien, l’idéal sociétal. Ne manquons pas ce rendez-vous de notre histoire. Œuvrons pour traverser ce défi avec le sentiment que nous savons où nous allons. Ne soyons pas les éternels absents du bien commun et des intérêts du peuple ! Soyons féconds en intelligence pour le bonheur de nos concitoyens !

Docteur Pascal ROY      

Juriste, Philosophe et Diplômé de Sciences politiques

Enseignant-Chercheur des Universités

Chercheur-Associé à l’Institut Catholique de Paris

Membre-Associé à la Société Française de Philosophie

Écrivain et Chroniqueur

www.docteurpascalroy.com

 

Commentaires

commentaires