Emmanuel Petit à Hollande : « … quand on est le premier représentant d’un pays, on se doit d’être conciliant, compréhensif»,
Abidjan-12-10-16 (lepointsur.com) Agacé par les propos de François Hollande quant à l’intelligence des footballeurs, l’Union nationale des footballeurs professionnels n’est pas allé du dos de la cuillère pour asséner ses vérités. L’ancien international français Emmanuel Petit a également répondu avec fermeté, regrettant le mépris d’une partie de la classe politique. Morceaux choisis
Dans un livre Un président ne devrait pas dire ça dont les extraits ont été publiés par Le Parisien, Fabrice Lhomme et Gérard Davet (ed Stock) rapportent des propos de François Hollande jugeant certains aspects des footballeurs. Le chef de l’Etat conseille notamment à la fédération française de football d’exercer « une musculation de leur cerveau » sur les joueurs.
« Je donnerais bien des cours de musculation du cerveau, et même de probité, à la classe politique.»
Une pique à laquelle Emmanuel Petit, ancien international aujourd’hui consultant sur RMC, a apporté une réponse cinglante. Même s’il reconnait que «beaucoup trop de footballeurs qui donnent un mauvais exemple», l’ancien milieu de terrain n’accepte pas cette généralisation. «Depuis trop longtemps, nous les sportifs, les footballeurs, sommes regardés avec beaucoup de condescendance par nos chers politiciens. C’est vrai que nous, on n’a pas la chance de faire l’ENA. Mais je donnerais bien des cours de musculation du cerveau, et même de probité, à la classe politique. Notamment dans l’honnêteté intellectuelle, l’honnêteté tout court», a lâché le consultant.
Pointant du doigt le mépris de François Hollande pour les footballeurs qui «paient leurs impôts» et «créent des richesses», Petit plaide pour un certain droit à la différence, convaincu qu’il existe plusieurs formes d’intelligence. Et pas seulement celle qui mène vers les grandes écoles en France. «Mais je trouve que l’intelligence n’est pas simplement celle que nous apprenons à l’ENA. Il y a différentes formes d’intelligence et quand on est le premier représentant d’un pays, on se doit d’être conciliant, compréhensif», a conclu l’ancien joueur.
EKB
Ci devant, l’intégralité de la lettre ouverte de l’UNFP
Lettre ouverte d’un ballon à François Hollande
Très cher François Hollande,
J’ai d’abord cru à une bonne blague, comme il m’arrive parfois d’en entendre quand je m’égare dans le vestiaire, l’hiver surtout, pour me mettre au chaud, près des miens.
D’ordinaire, même à regretter l’élégance d’un Johan, d’un Marco ou la précision d’un Dennis, ceux de Hollande m’aiment bien, me cajolent, me caressent sur le terrain, et ce n’est pas parce que, malgré vos efforts répétés, vous n’avez jamais rien réussi d’autre qu’à me maltraiter qu’il faut régulièrement vous en prendre ainsi à ceux qui savent me montrer du respect, qu’ils soient joueurs, d’ailleurs, entraîneurs, formateurs, dirigeants ou même supporters.
Je n’aimerais pas être à votre place – je ne parle pas de la tribune présidentielle du stade de France ou de celle du Parc des Princes, où je vous vois régulièrement, écharpe et sourires complaisants de rigueur -, à gouverner un peuple de sans-dents et à aimer – oui, aimer, et pas seulement à des fins électoralistes, rassurez-moi – un sport pratiqué par des êtres mous du cerveau, si tant est qu’ils en aient un, si j’ai bien compris le fond de votre pensée. Mais j’ai appris à me méfier des politiques, qui viennent sur la pelouse, certains soirs, serrent des mains, saluent la foule, et n’ont même pas un regard pour moi, voire une petite tape amicale du bout de leurs chaussures cirées, elles aussi, mais sans crampon. Je n’ai pas dit sans attache…
Vous faites, m’a-t-on dit, partie d’une élite intellectuelle, réunie plus jeune au sein d’un club, l’ENA, où vous apprenez tous les mêmes choses, mais que vous ne comprenez visiblement pas de la même façon, puisque vous êtes recrutés, à votre sortie, par des équipes différentes et pour des championnats qui durent parfois toute une vie, quand la carrière d’un footballeur, en France, ne dépasse pas sept ans en moyenne. Il m’étonne alors que vous ne compreniez pas, toutes proportions gardées évidemment, que mes amis footballeurs professionnels font, eux-aussi, partie d’une élite. Le rêve de l’enfant, ce rêve que vous avez partagé m’a-t-on dit, est le plus souvent inaccessible.
S’il était si simple de pratiquer ce métier, et compte tenu du nombre toujours croissant de ceux qui y aspirent – notamment, à ce que j’entends ici ou là, grâce à votre travail depuis bientôt cinq ans, puisqu’il faut être « mal éduqués, n’avoir ni référence ni valeur » et, bien sûr, « venir des cités » -, il y aurait aujourd’hui beaucoup plus de footballeurs professionnels dans notre pays que de Français qui soutiennent votre action, si j’en crois les derniers sondages. Ballon, certes, mais pas si… Enfin, je me comprends !
Qu’ont donc bien pu vous faire mes amis footballeurs pour que vous soyez ainsi, tout marri ? Trompé. Est-ce les 94% du taux d’adhésion à leur syndicat, l’UNFP, leur solidarité, que vous avez du mal à avaler ? Ils vous ont aidé, pourtant, à remonter la pente l’été dernier, mais il ne faut pas croire qu’un succès à l’Euro de la bande à Deschamps vous aurait, forcément, ouvert toutes grandes les portes d’un second mandat. Vous ne leur en voulez pas pour cela, j’espère, puisque vous les avez remerciés pour ce moment en les invitant à l’Elysée ?
Les Français ne sont plus des veaux, et les footballeurs, avec lesquels vous aimez poser pour la postérité sur le perron de Clairefontaine ou sur celui de votre Palais, des imbéciles, ne vous en déplaise. Leurs ballons ne sont pas comme autant de baudruches, qui ornent les salles de vos meetings et qui, comme vos promesses, s’envolent au premier vent.
Mes amis footballeurs ne sont certes pas les seuls que vous aimez à stigmatiser ainsi, que vous offrez, sans raison aucune, à la vindicte populaire, puisque certains d’entre eux – une minorité, une toute petite minorité, si vous voyez ce que je veux dire… -, seraient richissimes, selon vos dires, et si célèbres qu’ils ne peuvent même plus prendre le métro ou le bus, comme le commun des mortels, à moins de porter un casque comme… les Daft Punk.
S’il m’était et m’est toujours difficile, parfois, de savoir où Pelé, Maradona, Platini, Ronaldo, Zidane, Messi ou d’autres voulaient ou veulent encore me conduire, avec vous, cher François Hollande, les choses sont simples, claires, faciles à comprendre. Avec l’art et la manière d’un Pierre Poujade, que je ne me rappelle pourtant pas d’avoir connu, vous sprintez jusqu’à l’aile gauche du terrain que vous fouliez autrefois et, dans le plus bel élan populiste que vous dénoncez pourtant chez vos adversaires, vous voilà débordant, mais lentement, de critiques contre les nantis, les privilégiés, rejoignant ainsi ceux qui pensent que les footballeurs, qui n’ont pas fait d’études, gagnent trop d’argent. Et de l’argent facile puisqu’il suffit de taper dans un ballon…
Aie !
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