[De la coca aux cartels] Qui tient les rênes du trafic mondial de cocaïne ?
La production mondiale de cocaïne atteint un niveau record en 2023. Du PCC brésilien aux mafias européennes, enquête sur les réseaux criminels qui structurent aujourd’hui le commerce mondial de la poudre blanche.
Abidjan, le 15 septembre 2025 (lepointsur.com) – La production mondiale de cocaïne a atteint un niveau inédit en 2023, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Derrière ce record se cache une recomposition profonde des réseaux criminels : moins de barons tout-puissants façon Pablo Escobar, et davantage de plateformes de coordination comme le Primeiro Comando da Capital (PCC) au Brésil, qui devient un acteur central du commerce mondial de la drogue.
Une production sans précédent
En 2023, la production illégale mondiale de cocaïne a grimpé à 3 708 tonnes, soit une hausse de 34 % en un an. Les États-Unis et l’Europe demeurent les principaux marchés, mais de nouveaux débouchés émergent : l’Asie, en pleine croissance, et l’Afrique, de plus en plus utilisée comme zone de transit et de consommation.
En Colombie, deux tiers de la production mondiale proviennent de cinq enclaves contrôlées par des groupes armés : dissidents des FARC, guérilla de l’ELN et clans paramilitaires. Ces organisations imposent leur loi aux cultivateurs, prélèvent des taxes et organisent l’exportation. En Bolivie, en revanche, la production est légale et encadrée par des syndicats, sans violence notoire.
Le PCC, nouveau pivot de l’exportation
Le PCC brésilien, né dans les prisons de São Paulo dans les années 1990, est devenu une plateforme incontournable. D’abord centré sur l’organisation des détenus, il contrôle désormais le trafic dans les favelas, blanchit des milliards et sécurise l’exportation de cocaïne depuis les ports brésiliens, notamment Santos, le plus grand d’Amérique latine.
Son rôle est clair : mettre en relation producteurs colombiens, logisticiens et mafias européennes comme la ’Ndrangheta italienne ou les réseaux albanais et balkaniques. Avec sa structure horizontale et réticulaire, le PCC rend la chaîne difficile à tracer, tout en garantissant une cocaïne plus pure et moins chère.
Une distribution fragmentée et résiliente
En Europe, la distribution est éclatée. Les ports de Rotterdam, Anvers, Hambourg, Le Havre ou Valence sont les principales portes d’entrée, où la drogue est réceptionnée par différents groupes criminels. En 2023, 419 tonnes ont été saisies en Europe, mais Europol estime que plusieurs fois plus échappent aux filets.
La fragmentation de la distribution garantit la résilience du marché. En cas de saisies, le trafic se recompose rapidement. De plus, de nombreux intermédiaires locaux sont payés en cocaïne, ce qui alimente la consommation en Afrique de l’Ouest et dans certaines villes portuaires européennes.
Vers une « pax mafiosa » ?
Les experts estiment que la collaboration croissante entre organisations criminelles transnationales – PCC, cartels mexicains, mafias européennes – témoigne d’une nouvelle logique : éviter la violence pour préserver les profits. « Tout le monde a compris que la violence nuit au trafic et à la rentabilité », explique le chercheur Victor Simoni.
Le marché mondial de la cocaïne, plus fragmenté mais aussi plus efficace, s’impose ainsi comme l’une des économies criminelles les plus florissantes, difficile à enrayer malgré les saisies records.
RFI