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[Côte d’Ivoire/Présidentielle 2020] A 10 jours du scrutin, les Ivoiriens plongés dans l’horreur et l’incertitude


Abidjan, 21-10-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo : #Electiontour Encore une journée bien triste ce mardi 20 octobre 2020. La haine au bout des machettes a Dabou. Des blessés graves. Des populations sur pied de guerre. Au campus universitaire de Cocody, scènes incompréhensibles aussi. Des personnes qui n’ont absolument rien à y faire, ont violé le temple du savoir.

Pendant ce temps, le gouvernement tend la main à l’opposition. Il faut que les Ivoiriens se parlent. Il n’est jamais trop tard…

Le dialogue dans l’ADN des Ivoiriens

En février 1998, je couvrais la coupe d’Afrique des nations de football, Burkina 98. Et grâce à l’entregent de Bamba Alex Souleymane, alors Patron du journal L’Agora, je suis logé à l’hôtel Indépendance. Dans le même hôtel que Simplice Zinsou et un certain Laurent Gbagbo, alors secrétaire général du Front populaire ivoirien. Une occasion en or pour écouter deux hommes qui font l’actualité au pays et que je prends plaisir à écouter, raconter leurs souvenirs, leurs vécus, leurs rapports à Félix Houphouët-Boigny.

“ Si nous voulons construire la Démocratie, il faut se donner une ligne rouge à ne pas franchir : Ne jamais rabaisser les institutions de la République. Ne jamais les piétiner.’’

Un jour, à l’heure du déjeuner, je suis invité à la table de Laurent Gbagbo. En compagnie de Gadji ST JO, présent à Ouaga et à l’hôtel en sa qualité de consultant sur la Radio Nostalgie avec celui que j’appelle mon jumeau, le frère que ma mère ne m’a pas donné, Nasser El Fadel.

Je ne sais pas si j’ai vraiment mangé ce jour-là tant l’envie de poser mille et une questions trottinait dans mon esprit. Entre autres questions, je voulais savoir le rapport de celui qui était alors le principal opposant politique en Côte d’Ivoire, au pouvoir, à la fonction présidentielle, aux institutions de la République. « Moi, je me bats pour être président de la République, pour gouverner la Côte d’Ivoire. Je respecte les institutions de la République et les hommes qui les incarnent. Je les respecte parce que demain, quand je serai président, je voudrais être respecté ainsi que les institutions que je vais incarner ».

Respect des institutions et des personnes qui les incarnent

Si nous voulons construire la Démocratie, il faut se donner une ligne rouge à ne pas franchir : Ne jamais rabaisser les institutions de la République. Ne jamais les piétiner. Évidemment, les hommes qui portent le costume et les insignes de la République doivent se montrer à la hauteur de la fonction et de l’ambition du pays et donner à chaque instant, le meilleur exemple.

“ Le costume de la République impose au militant politique, un dépassement de soi, une précaution dans le choix des mots et dans l’attitude. La République est un tout. Le militant politique est une partie.’’

Propos incitateurs à la violence

J’ai reproché au premier ministre Hamed Bakayoko, son discours militant à Bouaflé lors de la visite du chef de l’Etat dans la Marahoué. Quelques semaines plus tard, lors de la rencontre avec les jeunes à Yopougon Ficgayo, dans le cadre de la campagne électorale, il a tenu les mêmes propos ou presque. J’ai trouvé ses discours, incitateurs à la violence et dangereux pour la cohésion sociale. Le costume de la République impose au militant politique, un dépassement de soi, une précaution dans le choix des mots et dans l’attitude. La République est un tout. Le militant politique est une partie.

Dialogue inter-Ivoirien

N’empêche, quand Hamed Bakayoko en sa qualité de premier ministre, invite les partis politiques et les candidats retenus pour l’élection présidentielle, malgré les contradictions du moment, il est dans l’intérêt de ceux-ci, dans l’intérêt de la république et du pays, d’y répondre favorablement. Deux invitations déjà sans suite. C’est vrai que l’adage dit, « jamais deux sans trois ». Mais les Ivoiriens ont le dialogue dans leur ADN. Toutes les occasions de dialogue doivent être saisies, mises à profit pour aplanir les différends. Hamed Bakayoko invite de nouveau l’opposition à la table de discussion ce mercredi 21 octobre 2020. J’encourage celle-ci à se présenter et à dire de vive voix, ses attentes et ses préoccupations au gouvernement.

J’en vois qui disent, « les conditions du dialogue ne sont pas réunies ». D’autres qui tiennent dans leurs poches, les préalables qui doivent être levés avant tout dialogue entre le pouvoir et l’opposition.

Justement, le dialogue trace lui-même son cadre de discussion. Tout le monde est d’accord qu’il y a nécessité de s’asseoir et discuter autour d’une table. Mettre dans le panier, les problèmes qui divisent et surtout savoir aller à l’essentiel, dans le respect mutuel. Tant que les Ivoiriens se parlent, je suis preneur…

“ Le gouvernement a fini par prendre conscience de la capacité de nuisance de l’opposition. Il appelle aujourd’hui à la levée du mot d’ordre de désobéissance civile. Le pays entre lentement mais sûrement en décomposition, les conflits communautaires ne sont pas à écarter.’’

Points de divergence connus

Les points de divergence entre le pouvoir et l’opposition sont connus. La CEDEAO propose de les régler par la discussion. Le porte-parole de l’opposition, Pascal Affi N’guessan a invité le gouvernement au dialogue. Pour aborder les points qui fâchent. Le gouvernement a fini par prendre conscience de la capacité de nuisance de l’opposition. Il appelle aujourd’hui à la levée du mot d’ordre de désobéissance civile. Le pays entre lentement mais sûrement en décomposition, les conflits communautaires ne sont pas à écarter. Les images incroyables, insupportables, absolument effroyables qui circulent sur les réseaux sociaux et sur le terrain ne peuvent laisser personne indifférent. Le virus s’installe lentement dans le corps social.

Le gouvernement veut capitaliser les conseils de la CEDEAO pour sauver les meubles et ramener le calme dans le pays. Henri Konan Bédié et Affi N’guessan ne sont pas fermés au dialogue. Cependant dans une note attribuée aux deux candidats à la présidence et que nous avons consultée, il est clairement écrit : « Profondément désireux de l’ouverture de négociations qu’ils réclament depuis plusieurs mois, les deux candidats soulignent leur acceptation de toute rencontre avec la partie adverse dans tout lieu neutre sous l’égide de la CEDEAO ». En clair, dialogue avec le pouvoir, oui. Mais dans un lieu autre que la Primature et sous le parrainage de la CEDEAO.

J’ai personnellement couvert les négociations inter-ivoiriennes de Lomé (2002), Marcoussis (2003) et suivi le dialogue direct de Ouaga (2007). Que d’énergie, que de temps et d’argent dépensés. Je garde encore, le souvenir traumatisant de ces réunions interminables. Qui faisaient de la Côte d’Ivoire, la risée du monde. Je comprends le manque de confiance entre les parties ivoiriennes. Cependant, Messieurs et Dames, un petit effort, asseyez-vous entre-vous, frères et sœurs ivoiriens et discutez… Calmez tous le jeu.

Encadré/Violences pré-électorales, SVP, messieurs, arrêtez !

Deux jours de sang, de larmes et d’incendie ! L’horreur sous nos yeux ! La terreur dans nos vies. Incroyable, impensable, inimaginable ! La boucherie Dabou, les personnes décédées, les nombreux blessés pendant les affrontements, les accidents sur la voie publique provoqués par les troncs d’arbres, l’intrusion des personnes étrangères armées sur le campus de Cocody, trop, c’est déjà trop ! La Côte d’Ivoire ne peut pas projeter une telle image au monde !

Toute la journée, ce mardi 20 octobre 2020, que d’appels de détresse en provenance de Dabou. Quelques jours plus tôt, c’était Bongouanou, au Centre-Est. Le feu couve toujours dans la zone. Le lundi 19 octobre 2020, c’était Bonoua.

À Dabou, les villageois ne dorment plus que d’un œil. Les comités d’auto-défense refont surface. « Les hommes surveillent les villages. Les femmes sont priées de rester dans les maisons », selon une source sur le terrain.

Pour l’instant, personne n’explique vraiment la montée des violences. Des personnes qui ont longtemps vécu en harmonie dans la ville ne peuvent pas, du jour au lendemain, devenir des ennemis au point de se découper ou détruire les biens appartenant aux uns ou aux autres.

Qui, cela honore-t-il, le spectacle de ces étudiants et étudiantes, qui fuient les cités universitaires, baluchons sur la tête ?

Si c’est cela la politique, arrêtons tout, repartons à zéro. Les hommes politiques et la société civile ne peuvent pas se taire devant ces atrocités d’un autre âge. Il est temps de recadrer les partisans et surtout le discours politique.

Cinquième jour de la campagne. Le candidat du RHDP, Alassane Ouattara, frappé par un deuil, était absent au rendez-vous avec le patronat ivoirien ce mardi 20 octobre 2020. Il s’est fait représenter par le ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence de la République, Patrice Achi. Discours centré sur le volet économique du projet. L’essentiel de la cérémonie se trouve peut-être dans le ton humour du président du Patronat, Jean- Marié Ackah, qui sonne comme une attente forte du secteur privé : « 30 % de moins sur la fiscalité. 30%, plus de financement pour les 5 ans à venir » au cas où le président Alassane Ouattara est réélu. Patrick Achi avait en effet accordé 30% de temps supplémentaire aux échanges avec le Patronat ivoirien.

Le Candidat « violet », Kouadio Konan Bertin a quant à lui, inauguré ce mardi 20 octobre 2020, sa Web télé pour se reprocher davantage de ses électeurs et relayer ses activités. Il sera ce mercredi 21 octobre 2020, dans les villages de Yamoussoukro. Tiens, il assistera en milieu de soirée à un tournoi de Maracana, au quartier Thérèse. Les candidats ne parlent pas beaucoup de Sport. C’est sûrement l’occasion pour KKB de dérouler son « Projet-Sport ».

Par Fernand Dédeh

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