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Côte d’Ivoire : ces orphelins de guerre de l’Ouest, blessés à vie


Des élèves assidus, disciplinés et travailleurs

Ils sont 150 pensionnaires dont 27 permanents de l’Orphelinat ‘’Abri d’Espoir de Côte d’Ivoire’’ (Oaeci) dans la sous-préfecture de Mahapleu dans le département de Danané. Une localité ivoirienne située à 681 km au nord-ouest d’Abidjan et 73 km à l’est de la capitale de la région du Tonkpi (Man). La particularité de ce centre d’accueil est que les pensionnaires sont tous issus des zones touchées par la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2002.

Fondé le 25 septembre 2008, par le pasteur Tomé Mamin Joseph de la mission baptiste ‘’Source du Rocher’’, ce centre reçoit tous les enfants vulnérables et les scolarisent. Six d’entre eux sont à ce jour inscrits au collège.  Pour que ces enfants se retrouvent dans ce centre d’hébergement, le fondateur a dû procéder par un recensement dans certaines églises des villages et contrées de la région du Grand Ouest.

La vie n’est pas facile pour ces gamins dont l’âge  est compris entre 6 et 15 ans. Ils vivent dans la disette, car le Centre n’as pas toujours les moyens à l’effet de faire face aux besoins nutritionnels de ses pensionnaires. Chr. J. est âgée de 9 ans et inscrite en classe de CE1 à l’EPP 4 de ladite ville. En ce jour du 9 avril 2017, dédié à la célébration des Rameaux, cette pensionnaire à peine revenue de l’église, se dirige sous les palmiers qui ombragent un peu partout la devanture de l’orphelinat pour se nourrir d’amende de graines de palme.

Jusqu’à 13 heures passées ce jour, les bols de tous les pensionnaires étaient encore vides. La gamine n’a pas trouvé mieux que de s’offrir quelques amendes pour assouvir son besoin nutritionnel. Assise dos aux visiteurs, la petite est tellement concentrée à casser les noix qu’elle ne s’aperçoit pas de la présence humaine à ses côtés. À la première interrogation, elle se lève en sursaut, la main à la bouche pleine et donne une réponse mitigée. « Je n’ai pas faim, c’est parce que j’ai envie de manger des noix de palme », indique-t-elle. En revanche, elle répond par la négative avec un sourire en coin quand il s’agit de savoir si elle a mangé à midi.

Les autres pensionnaires qui reviennent du culte n’affichent pas, eux aussi, un air serein. Les regards désespérés, hagards et interrogateurs, des pas lourds, ils rentrent par petits groupe, rendent les civilités aux visiteurs et prennent place sur la terrasse de l’orphelinat.

La plus petite, R. O. Z., âgée de 6 ans en classe de CP2, à l’EPP Soleil 1 ne quitte pas Mme Tomin, leur ‘’mère’’ des yeux. Revenu de l’église quelques longues minutes plus tard, le responsable de l’orphelinat, pasteur Tomin Manin Joseph tend un billet à son épouse pour faire le marché.

« Quand Papa a les moyens, maman nous confectionne des repas de fête. »

K. A., 14 ans, l’aîné des pensionnaires est préoccupé par sa lessive. Inscrit en classe de 5e au Collège moderne de Mahapleu, il rejoint son ‘’père’’ et ne cache pas son amour pour la médecine: « Je souhaite devenir médecin pour donner la vie à ceux qui en ont besoin.»

En revanche, pour le repas du dimanche des Rameaux, il n’en fait pas une fixation : « Quand papa a les moyens, maman nous confectionne des repas de fête. »

Dans cet orphelinat, que le fondateur qualifie de ‘’provisoire’’,  l’intérieur s’ouvre sur un grand salon de 5 m de large et 6 m de long environ avec deux chambres. Une chambre est réservée aux filles avec un grand lit et quelques lits superposés. Ces mêmes dispositions sont prises dans la chambre des garçons. Le centre dispose de deux toilettes dont l’une à l’intérieur. « Les enfants sont suivis par un infirmier diplômé d’Etat pour leurs soins médicaux», indique Tomé Manin Joseph pour couper court à la curiosité, sans toutefois donner le nom et l’établissement de santé qui accueille les pensionnaires en cas de maladie.

Il se focalise sur la quantité du repas servi quotidiennement. « Ici, le sac de 30 kg n’a qu’une durée de trois jours. Mon épouse, prépare 10 kg par jour », insiste Tomé Manin Joseph. Souvent, ces gamins passent de longs jours dans la faim et dans la prière. « Les 1er, 2 et 3, puis les 10, 11 et 12 mars 2017, les enfants n’ont pas mangé parce que je n’avais rien», raconte-t-il la tête entre les mains.

Néanmoins, face à toutes ces difficultés, il garde espoir d’un rêve né en 2008. A cette période, il a eu un site à Mondoukou, non loin de Grand-Bassam au sud d’Abidjan, avant de se retirer définitivement dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. « J’ai décidé de m’installer ici, parce que la majorité des orphelins que nous recensons proviennent de l’Ouest », renchérit-il.

Il a foi en son projet et son propos tiré de Jacques 1; 27, achève de convaincre: « La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde. »

Par ailleurs, il ne cache pas sa fierté d’avoir parcouru quelques hameaux des régions de Bangolo, Kouibly, Logoualé, Duékoué, Man, etc., des localités où il a recensé ces enfants dont certains pour la plupart d’entre eux ont perdu les deux parents. « Certains parents de ces enfants nous approchent sur indication de ceux qui ont des progénitures au centre, d’autres nous appellent », indique-t-il.

Pour scolariser les enfants, il fait établir des extraits d’acte de naissance. « Nous établissons les extraits de naissance de ces enfants en collaboration avec les parents qui nous les confient. C’est ce que nous avons fait pour les 150 enfants recensés.»

Humiliations et frustrations du premier responsable de l’orphelinat

Ils sont reconnus comme des orphelins issus de familles très pauvres. Leur seul ‘’père’’ et leur seule ‘’mère’’ demeurent le couple Tomé. Même les 123 enfants restés en famille sont au petit soin du fondateur de l’orphelinat : « L’orphelinat s’occupe de leur scolarisation, en attendant qu’il voie le jour sur le terrain que nous avons obtenu grâce à la magnanimité d’un donateur. »

En effet, depuis 2004, l’orphelinat est bénéficiaire d’un terrain d’une superficie de 3600 m2, dans le même quartier. Un site sur lequel, les murs de la seule construction, faisant office de bureau sont noircis par la moisissure et la maison perdue dans la broussaille.

Autant dire que ce sont des plants de maïs qui occupent pour l’heure le reste de la parcelle. « Nous avons arrêté la construction, parce que les moyens manquent. Mais, la reprise des travaux sera pour bientôt », indique Tomin avec beaucoup d’espoir.

Malheureusement, au fur et à mesure que les années passent, les aides et les dons parviennent à l’orphelinat au compte-gouttes. La seule et  unique chance pour ces enfants reste le droit d’être inscrits à l’école. « J’ai déposé des demandes d’aides un peu partout, même au cabinet de la Première dame. Celui qui s’occupe du dossier, un fils de  de la région (dont je préfère taire le nom), m’a rabroué dans son secrétariat avec des mots durs et déplacés. Cela ne m’a plus encouragé d’aller vers un quelconque ministère », s’indigne notre interlocuteur, la décharge du courrier entre les mains. « C’est de son droit, seulement à défaut de m’encourager, il aurait pu proposer une solution », ajoute le pasteur.

Entre l’espoir d’effacer les ‘’meurtrissures’’ dont les enfants souffrent et la bonne volonté et la bonne foi du fondateur de l’orphelinat ‘’Abri d’Espoir de Côte d’Ivoire’’,  des défis à relever se présentent chaque jour au pasteur Tomé Mamin Joseph. Et ce sont les gamins qui paient les frais.

Sériba Koné envoyé spécial à Mahapleu

Encadré

Des élèves assidus, disciplinés et travailleurs

La direction du groupe scolaire EPP Soleil 1 et 2 ne cache pas sa fierté à l’endroit des seize écoliers de l’orphelinat ‘’Abri d’Espoir de Côte d’Ivoire’’. Le directeur de l’EPP Soleil 1, Tahé Narcisse, et celui de l’EPP Soleil 2,  Toueu Kanoueu Marcel accueillent respectivement sept et neuf écoliers qui sont pour eux, des exemples de réussite. Car des élèves « assidus, disciplinés » et « travailleurs », qui « participent activement au cours. » « Ce sont des enfants qui avaient déjà une bonne base depuis Grand-Bassam d’où ils sont venus », indiquent-ils.

Cette bonne conduite se traduit dans leur travail en classe. A l’EPP soleil 1, sur un effectif de 44 élèves, B.K.A. âgée de 13 ans, en classe de CE2 A, est classée 1ère avec une moyenne de 9,58/10 avec la mention : « Bonne conduite. » La moyenne la plus basse des sept pensionnaires de l’orphelinat dans cet établissement est détenue par G.G.A. âgé est de 9 ans. Il est classé 12ème , avec une moyenne de 6,05/10, avec la mention : « Bonne conduite. »

A l’EPP Soleil 2, ces orphelins se font également distinguer par leur rendement scolaire. La fillette de 9 ans, O.J.E en classe de CM1B, est classée 1ère sur un effectif de 55 élèves, avec une moyenne 9,70/10 et  comme mention : « Bonne conduite. » Seule, la petite, O.Z.C, âgée de 10 ans en classe de CM1 B, doit se remettre au travail. Elle a obtenu la moyenne la plus basse qui est de 3,94/10.

Au niveau du secondaire, six élèves sont inscrits au collège moderne de Mahapleu.

Mlle O. Zr. R., âgée de 14 ans, inscrite en classe de 6è9 a la meilleure moyenne des orphelins du collège avec 12,02 et se classe 10è/73 élèves et une conduite de 16/20.

Ces élèves, hormis Zl.M.M., âgée 13 ans de la classe de 6è7 qui a une moyenne de 02,11/20 et classée 75è/76 élèves, mais une bonne conduite de 16/20 ; travaillent assez-bien.

Le principal, Sanogo Souleymane en est très satisfait et ne tarit pas d’éloges à l’égard de ces orphelins. “Ils ont une bonne conduite, participent au cours. C’est bien, ils sont à encourager”, indique-t-il.

Ces gamines et gamins ont eu le droit d’être inscrits à l’école. Ils sont disciplinés et ont de bonnes notes en conduite. Ces attitudes leur ouvrent certainement le chemin d’une insertion sociale meilleure.

Sériba K.

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