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[Côte d’Ivoire ‘’Affaire cargaison de 18 000 T de riz’’] Le silence inquiétant du ministre de l’Agriculture, de la Direction du PAA et de la DGAMP


Enfin, la cargaison de 18 000 tonnes de riz d’origine birman ne se retrouvera plus dans les assiettes parce qu’‘’il est procédé à la saisie réelle et à la mise sous scellé de ces 18 000 tonnes de riz birmane et au déclenchement de la procédure de destruction’’, selon le communiqué du ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME), Souleymane Diarrasouba, du samedi 30 mars 2019.

Ce communiqué suscite des interrogations sur le silence du ministre de l’Agriculture, de la direction générale du Port autonome d’Abidjan (PAA), ainsi que celui de la direction générale des Affaires maritimes et portuaires (Dgamp), quant à ‘’l’inspection’’ de la cargaison des 18 000 T de riz d’origine birmane déchargée au Port autonome d’Abidjan (PAA) du 11 au 18 mars 2019 par le navire Océan Princess en provenance d’Asie, via les ports de Conakry (Guinée) et de Lomé (Togo). Comment peut-on taire cette inspection qui a révélé ‘’des anomalies sur la qualité’’ ? Tous les cerveaux sont-ils amnésiques sur le cas des déchets toxiques de 2006 ?

Et pour cause. C’est, d’abord, l’ex-directeur général de la direction générale des affaires maritimes et portuaire (Dgamp), le général Jean Christophe Tibé Bi Balou qui, sur sa page Facebook, lance l’alerte le dimanche 31 mars 2019. « 18000 tonnes de riz avarié au PAA. J’avoue que le communiqué du ministre du Commerce me laisse perplexe. Non seulement, le document n’est pas signé par l’initiateur, mais nulle part, il n’est fait mention d’une quelconque procédure pénale à l’encontre des responsables de ce crime », indique-t-il. Avant de marteler ce qui suit : « Tout comme dans le cas du scandale des déchets toxiques en 2006, on assistera, certainement, à une vaste comédie à l’issue de laquelle, ce sont des innocentes personnes (comme nous) qui paieront de leur carrière, et plus grave de leur vie, tandis que les vrais criminels, tristes affairistes, sont connus, mais protégés par les systèmes.»

Le cas des déchets toxiques. Celui qui fait cette intervention publique est un expert des Affaires maritimes et portuaires pour y avoir occupé le poste de directeur général jusqu’au 4 août 2006 avant d’être limogé.

En août 2006, les sociétés criminelles, Trafigura et Puma Energy avaient déversé intentionnellement, 528m3 de déchets toxiques mortels à Abidjan. Le 24 juillet 2006, pour permettre au navire d’accoster, il est accusé de ‘’détournement de fonds’’.  Le 4 août 2006, Jean Christophe Tibé Bi Balou est relevé abusivement et injustement des ses fonctions, sans aucune enquête sérieuse.

Le 11 septembre 2006, bien que n’étant plus en fonction au moment des faits, l’ex-directeur général de la Dgamp est arrêté ‘’pour délit d’importation de déchets toxiques ayant occasionné mort d’hommes.’’

Le 14 février 2009, il a été acquitté par la Cour d’assise du Tribunal d’Abidjan-Plateau, pour la principale raison qu’il n’était mêlé ni près, ni de loin à toute cette manigance ayant entraîné le déversement des déchets toxiques.

« Un port qui refoule un bateau informe automatiquement tous les ports. Mieux, le Togo, la Guinée et la Côte d’Ivoire sont dans la même communauté maritime de l’Afrique de l’Ouest, donc l’Autorité maritime et portuaire devait être informée à travers ‘’l’avis aux Navigateurs’’. Où sont passés ces échanges d’informations qu’on veut cacher à l’ensemble des consommateurs ? »

Le 1er juin 2018, il est blanchi pour la seconde fois par la Chambre présidentielle de la Cour d’Appel d’Abidjan-Plateau.

En revanche, en 2014 après avoir été blanchi, il intente un procès contre les sociétés Trafigura et Puma Energy. La justice tranche en sa faveur. Il attend d’être dédommagé.  

Cet expert maritime de renommée internationale continue à payer pour le crime qu’il n’a pas commis. Pis, après avoir eu raison de ses détracteurs devant la justice, son dédommagement est pendant devant la Cour suprême.

Pour cet expert maritime, le fait que le navire passe d’abord par le port d’Abidjan pour se retrouver au port de Guinée pour enfin retourner au port de Lomé avant de revenir au port d’Abidjan pour déverser sa marchandise avec la même cargaison, ‘’c’est qu’il y a un problème à élucider’’. « Un port qui refoule un bateau informe automatiquement tous les ports. Mieux, le Togo, la Guinée et la Côte d’Ivoire sont dans la même Communauté maritime de l’Afrique de l’ouest, donc l’autorité maritime et portuaire devait être informée à travers ‘’L’avis aux Navigateurs’’. Où sont passées ces échanges d’informations qu’on veut cacher à l’ensemble des consommateurs ? » s’interroge-t-il.

Va-t-on ouvrir une enquête judiciaire sur cette affaire dans laquelle, n’eût été la vigilance des associations et des fédérations de consommateurs, la cargaison des 18 000 T de riz d’origine birmane allait passer comme une lettre à la poste ? En cause, les premiers communiqués du ministère du Commerce avaient démenti le fait que le riz soit avarié et qu’il fallait attendre le résultat des analyses.

Selon un autre expert de la direction du PAA (qui a requis l’anonymat), les autorités portuaires devraient dire au commandant de ce navire de le détourner des côtes ivoiriennes et de ne pas le laisser ‘’entrer dans notre espace portuaire, à moins d’un problème technique signalé sur ton bateau. Et l’administration maritime devait déclencher le code ISP afin de laisser le navire loin, en rade.’’

Autant affirmer que toutes les conditions administratives étaient réunies. Les associations de consommateurs et fédérations ne devaient même pas intervenir auprès du ministère du Commerce.

Malgré l’existence de la loi d’accès à l’information d’intérêt public, les responsables de la communication s’empressent de rendre publics les communiqués, mais gardent les différentes analyses effectuées sur ce riz.

Le mutisme inquiétant du ministère de l’Agriculture. Selon le site http://pwic.guce.ci du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, la régulation des échanges à l’importation des produits agricoles est faite par ledit ministère. Ainsi, les importations et les exportations des produits agricoles en Côte d’Ivoire sont réglementées par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural. L’organisation de ce ministère est régie par le décret  N°2011-397 du 16 novembre 2011 portant organisation dudit ministère.

Par ailleurs, la direction de la protection des végétaux, du contrôle et de la qualité (Dpvcq) dudit ministère, est en charge du contrôle des pesticides (http://isysphyt.org/), de l’inspection et contrôle sanitaire, phytosanitaire et de la qualité des végétaux, des produits d’origine végétale, des produits agricoles et de toutes autres matières susceptibles de véhiculer des organismes nuisibles pour les cultures, la santé de l’homme et des animaux aux postes d’entrée et de sortie du territoire national.

« Pourquoi n’avoir pas fait un communiqué conjoint dans la mesure où c’est le ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui vérifie la qualité des produits alimentaires tel que le riz ? »

Quant à l’autorisation d’enlèvement, cette autorisation permet aux importateurs de sortir leurs produits du port / aéroport en vue de l’inspection à domicile. Elle est délivrée par les services de l’inspection phytosanitaire au port et à l’aéroport d’Abidjan qui dépendent de la direction de la protection des végétaux, du contrôle et de la qualité du ministère en charge de l’agriculture. « Elle concerne tous les produits végétaux et d’origine végétale: riz, blé, pomme de terre, oignons, ails, fruits légumes frais ou secs, tabacs, boîte de conserve, produits de base des usines, huiles végétales, pesticides (herbicide, insecticide, nematicide, fongicide etc.) », précise le site.

Ce ministère qui est pratiquement au cœur de cette affaire tout comme la direction générale des Douanes et celle des Affaires maritimes et portuaires, ainsi que le Port autonome d’Abidjan (PAA) observent un silence radio.

Cependant, sur la rumeur de présence de riz avarié dans le port d’Abidjan, le ministère en charge du Commerce est monté au créneau, à travers le directeur général du Commerce extérieur (Dgce), Kaladji, le mardi 19 mars 2019. Ce, en compagnie directeur général du Commerce intérieur, Aimé Koizan, après la visite de l’entrepôt où la cargaison du riz a été mise sous surveillance au port. « Nous avons été alertés au niveau du ministère en charge du Commerce, le 11 mars 2019, de l’arrivée d’un bateau en provenance de la Guinée, via Lomé et qui contenait une cargaison de 18.000 tonnes de riz en provenance de la Birmanie et de l’Inde », a-t-il indiqué.

Les différentes déclarations du ministère du Commerce dans cette affaire s’expliquent, selon la responsable de la communication, Edwige Hardmong Rosemonde, par le fait que leur ministère a été alerté par les consommateurs.

En revanche, certaines personnes continuent à s’interroger sur le communiqué non sans pousser plus loin leur inquiétude : « Pourquoi n’avoir pas fait un communiqué conjoint dans la mesure où, c’est le ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui vérifie la qualité des produits alimentaires tel que le riz ? »

Ce que l’on peut qualifier de l‘’Affaire cargaison de 18 000 T de riz avarié’’, continue d’alimenter les conservations. Quant à la polémique elle continue à enfler bien que le ministère du Commerce ait décidé de sa destruction.

Sériba Koné

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