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Carnet de voyage / 12 ans après sa mort : Sur les traces du Roi Nanan Anoungblé III


Au cours d’un séjour à Sakassou, chef-lieu de département, le samedi 15 novembre 2014, j’ai retrouvé avec joie, mon village natal que je n’avais pas visité depuis des mois. Mettant de côté ma casquette de fille de la région, j’ai plutôt enfilé celle de journaliste. Une réelle opportunité pour moi de faire un gros plan sur le royaume du Walèbo, avec en prime, tous les mystères qu’il renferme.

 S2Le département de Sakassou pourra-t-il se remettre des affres de la crise militaro-politique qui a secoué le pays dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 ? Rien ne le présage, eu égard aux nombreuses plaies dont les cicatrisations peinent à se fermer. C’est le constat que j’ai fait sur place au cours de ce bref séjour à Sakassou. A peine descendue du véhicule ce jour-là, que j’ai été envahie de tristesse. D’ordinaire en ébullition, avec des vendeurs à la sauvette dans tous les sens, la ville nous semble morte. La première question qui m’est passée à l’esprit était de savoir pourquoi la ville est aussi calme en plein week-end. « Ils sont tous à Yamoussoukro pour une cérémonie », coupe net mon interlocuteur. Animée par une folle envie de découvrir, mais surtout avoir le maximum d’informations sur la ville, je mets le cap sur le célèbre restaurant de Tantie Habiba, du nom de la tenancière, réputée pour la conception de mets africains. Là encore, ma déception est plus grande. Le restaurant est presque vide. Je finis par comprendre que le manque d’affluence est tout simplement lié à la mesure d’interdiction de vente et de consommation de la viande de brousse. Qui, visiblement a plombé toutes les activités commerciales de la ville. Loin de me laisser aller au découragement, je me lance à la recherche de la cour royale, attirée par une forte curiosité de savoir à quoi elle ressemble depuis le décès du Roi Anoungblé III. Chemin faisant, je suis fascinée par la résidence du ministre Paul Akoto Yao, fils de la région. Là je découvre la beauté de la nature à travers des fleurs et de grands arbres qui s’entremêlaient. Envoûtée par ce cadre enchanteur, je n’ai pas senti les regards qui s’étaient fixés sur moi. « Que recherchez-vous, madame » ? J’avoue que cette question m’a fait tressauter. Je ne m’y attendais pas du tout. Il s’agit d’une passante qui ne comprenait pas mon attitude fixe devant cette résidence. « Je suis à la recherche de la cour royale », lui répondis-je. Visiblement embêtée par ma réponse, mon interlocutrice, d’environ 18 ans, fait appel à une vieille dame. Certainement sa génitrice. A situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle. Je me remets dans la peau de fille de la région. Et en langue Baoulé, je lui demande  « Mamie, je veux visiter la Cour royale ». Surprise à son tour, elle me fait entendre que c’est interdit. Dans la foulée, elle me fait entendre que toutes les personnalités administratives et coutumières sont absentes. Sur mon insistance à comprendre les raisons de cette interdiction, la vieille dame a cédé. Selon elle, en effet, le roi est décédé. « La mort du roi n’a pas encore été annoncée officiellement. Des travaux sont en cours de finition pour l’évacuation de sa dépouille mortelle, en vue de son inhumation », m’explique-t-elle. A la question de savoir le nom de son successeur, elle s’est voulue claire : «  Après la mort du Roi Nanan Anoungblé III, sa sœur a assuré un moment l’intérim mais, il y a eu le mécontentement de la population. A l’heure où je vous parle, le trône est vide. Nous attendons l’inhumation du Roi Anoungblé III pour désigner son successeur », m’a-t-elle confié puis de me prodiguer le conseil suivant : « Mais vous ne devez pas en parler sous peine de sanction. Revenez voir les autorités. Elles sont les mieux placées pour vous donner plus d’informations ». Faisant fi de sa mise en garde, dès qu’elle a donné dos, je me suis risquée dans la cour royale, non loin de la résidence qui avait capté mon attention. Mais avant j’ai pris le soin de parcourir la ville.

Sakassou ploie encore sous le hideux visage de la tristesse de cette période qui a duré pratiquement huit longues années, de 2002 àS1 2010. L’on serait même tenté d’écrire que Sakassou d’avant n’est pas la même que j’ai trouvée. Les violences de cette période ont entraîné le déplacement de plusieurs populations. Au point où la ville semble être vidée du tiers de sa population initiale. Au nombre des événements qui ont jeté la psychose et le froid sur le peuple Walèbo, figurent en très bonne place, le massacre des danseuses « d’Adjanou», le pillage du palais royal et la séquestration du Roi Anoungblé III. Le peuple Baoulé de Sakassou a encore en mémoire le triste massacre des danseuses d’Adjanou. Au point où ce crime est comparable à un tabou dans ce département. Pour preuve, bien que plusieurs années aient couvert ce drame, un fils du village que j’ai approché s’explique difficilement ce qui a bien pu motiver les auteurs d’un tel crime. « Même avec du recul, j’ai du mal à expliquer les raisons pour lesquelles nos mamans qui exécutaient les pas de cette danse secrète de notre région pour exorciser le mal et conjurer le mauvais sort dans le pays ont été lâchement assassinées », s’est indigné Yobouët.

En effet, au plus fort de la rébellion ivoirienne, ces pauvres dames ont été prises à partie par les forces rebelles pour les avoir comparées à un mal qu’il fallait exorciser. Quant à Sa Majesté, Nanan Anounglé III, fuyant l’ennemi, il avait trouvé refuge à Konankro son village maternel. Avant de s’exiler à Abidjan, la capitale économique où il a tiré sa révérence en 2003, à la Pisam (Polyclinique internationale Sainte Anne-Marie.

Au cours de ma présence sur les terres du Walèbo, j’ai pu m’imprégner des réalités que vit le peuple Baoulé depuis la disparition de son roi. J’ai aussi voulu en savoir davantage sur le processus de désignation du successeur du Roi Anoungblé III.

Silence! On prépare les obsèques du Roi

Chez le peuple Baoulé, lorsque le roi décède hors des frontières du royaume, avant la désignation du successeur du Roi décedé, sa dépouille doit revenir sur les terres où il a régné, en vue d’accomplir les rites et autres solennités selon les us et coutumes.

Ma soif de découvrir le mystère de la cour royale m’a conduite devant son portail malgré les consignes de la dame de tout à l’heure. Dans la cour, je suis accueillie par un groupe de charpentiers.

Renseignements pris, l’un des responsables m’informe qu’ils ont été recommandés par leur patron, depuis Abidjan pour la réhabilitation du Palais.

De vieilles bâtisses attendaient effectivement d’être réhabilitées. Plus loin, mon regard est attiré par un caveau nouvellement construit. Des feuilles jonchant le sol et des maisons délabrées montrent aisément que la Cour royale n’est pas habitée. Les oiseaux s’invitaient dans ce décor avec leur gazouillement qui rompait le silence aux alentours. Après quelques prises de vue, je prends congé de mes interlocuteurs, la gorge nouée. Une phrase me revient cependant à l’esprit : « Le roi est mort, vive le roi ».

Une lueur d’espoir pour le peuple Walèbo

Depuis la visite d’Etat que le Président de la République a effectué dans cette localité le 26 novembre 2013, une lueur d’espoir pointe à l’horizon dans le Walèbo. Eu égard aux nombreuses promesses faites à ce peuple qui a fortement contribué à son l’ascension d’Alassane Ouattara à la magistrature suprême. Près de 88% de voix, un score soviétique qui a fini par convaincre sur le soutien du peuple Baoulé lors de la présidentielle de 2010.

Fort de cela, le Président Ouattara s’est résolu à réparer tous les préjudices causés à ce peuple. Des engagements ont été pris. Notamment, la construction d’un réservoir de 300 mètres cubes d’eau à Sakassou, le bitumage des axes Sakassou-Béoumi et Sakassou-Tiébissou, l’électrification de 26 villages et la connexion de la ville à Internet haut débit.

D’ailleurs, à ces endroits, l’on peut déjà remarquer le début des travaux de profilage de l’axe Tiébissou-Sakassou et de certaines pistes villageoises, dont celle de Sakassou-Kpato. Cependant, les populations attendent impatiemment le bitumage de l’Axe Tiébissou-Sakassou qui, à coût sûr, contribuera au désenclavement de la ville de Sakassou. Mieux, cette voie permettra d’accélérer le développement du département.

 

Administrations, Structures sanitaires et le Centre culturel réhabilités

 Avec la réhabilitation de nombreuses infrastructures sanitaires, administratives et culturelles, l’on assiste depuis quelques mois à un retour massif des agents de l’Etat. L’hôpital général de Sakassou doté du minimum de commodités et d’équipements sanitaires donne fière allure à la région.

Toutefois, beaucoup reste à faire pour la renaissance du Walèbo. Pour ce faire, tous les yeux restent tournés vers Allah Gnissan (Ndlr : nom que les Baoulé ont donné au Président Alassane Ouattara pour marquer leur attachement à sa personne), le peuple Walèbo attend toujours d’être « dédommagé», pour prétendre à un quelconque développement.

Opportune Bath

(De retour de Sakassou)

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