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[CAN 2019] Fernand Dedeh, après l’élimination de la Côte d’Ivoire : « Aujourd’hui, je ne donnerai pas de note aux joueurs. J’ai juste un mot pour eux: Merci. »


Abidjan, 12-07- 2019 (lepointsur.com) Je suis rentré de Suez. Heureux et fier. J’ai vu des visages radieux. Ceux des Ivoiriens comme des observateurs sportifs étrangers. Beaucoup tenaient à exprimer leur sympathie à la Côte d’Ivoire.

Avant le match, les journalistes ivoiriens ont déjeuné dans le même restaurant avec des Algériens. Ils prédisaient un score minimum de 4-0. Ça faisait flipper, leurs certitudes. Sous la chaleur diffuse de la ville historique, qui abrite le canal de Suez, celui que Gamal Abdel Nasser nationalisa en 1956, ce qui fit éternuer le monde entier en raison de la position et de l’intérêt à la fois stratégique et géopolitique de la route maritime internationale, au moins 4500 Algériens, chantaient et dansaient.

Les supporters ivoiriens, reconnaissables par les tee-shirts Orange, ne tenaient pas la comparaison. Chapeau cependant aux membres du CNSE, le comité national des supporters des Éléphants. Ils étaient 75. Mais leurs chants et danses, leur chorégraphie, les bruits de leurs castagnettes et tam-tams traversaient le stade. Pendant le match, il fut des moments où ils n’étaient plus que seuls dans les tribunes, à se faire entendre. Réussissant à étouffer les Algériens. Pendant les tirs au but, le CNSE s’est transformé en une chorale chrétienne. Les cantiques religieux ont accompagné la séquence. Chapeau bas, Messieurs et Dames.

Les Ivoiriens n’étaient pas nombreux à faire confiance à l’entraîneur, qualifié « d’orpailleur clandestin. ». Nous savons être méchants en Côte d’Ivoire, franchement!

Un match de coupe

Il faut dire la vérité: dans la salle de presse, dans les couloirs des tribunes, dans la tribune de presse, les visages des Ivoiriens étaient crispés. Les images de la dernière sortie des Éléphants encore dans les esprits. Un journaliste ivoirien me coince dans l’allée qui mène à la tribune de presse. « Frère, je ne suis pas serein. Que penses-tu de ce match? ». Une dame m’interroge. « Je veux valider mon pari. Dis-moi vite ton pronostic. ».

À tous ceux qui m’interrogeaient, je répétais la même chose. « L’Algérie part avec 60% de chance au regard de ses performances. Mais les cinq premières minutes fonderont mes certitudes. »

Les trois premières minutes…

L’entraîneur algérien en a parlé en conférence de presse. L’équipe ivoirienne aurait pu marquer très tôt. Jonathan Kodjia a eu la balle de but au bout des souliers. Quelque chose avait changé dans cette équipe. Les transitions sont plus fluides. Les Algériens sont contrariés d’entrée. Patience et construction de chaque côté. Visiblement, ce début de match est totalement différent du précédent. Les Éléphants sont en place et ne laissent pas l’initiative du jeu à l’adversaire. Ils se créent des nettes occasions. Mais précipitation et manque de concentration au point de chute du ballon. Mac Gradel fait feu, trouve le montant. Le deuxième ballon est encore mal exploité.

Les Ivoiriens jouent bien. Circulent bien le ballon. Dans la tribune de presse, les avis sont unanimes: Les Éléphants sont métamorphosés. Une pièce a changé au milieu: Le jeune Ibrahim Sangaré. Il a un touché de ballon qui rappelle Yaya Touré. Il joue dans les espaces, en première intention, offre dès solutions à ses partenaires.

Malheureusement, une perte de balle de Wilfred Zaha au milieu de terrain, met toute La défense en équilibre instable. Et l’Algérie efficace et réaliste ouvre le score.

Le match est agréable et indécis…

Le but algérien n’affaiblit pas pour autant le dispositif ivoirien. Tout peut arriver à tout moment pour l’une ou l’autre équipe. Wilfred Zaha devient nerveux. Les Fennecs ont pour la première fois, une opposition forte.

Au retour des vestiaires, les Algériens bénéficient d’un penalty pour le moins généreux. Le ballon va rejoindre le canal de Suez plutôt que les buts de Gbohouo Sylvain.

L’égalisation de Kodjia suite à une accélération de Zaha Wilfred relance totalement le match. Les blessures dans le camp Ivoiriens précipitent les changements de Kamara Ibrahim. Mais le squelette du jeu demeure. Les Algériens sont dangereux mais rencontrent une forte résistance. Les Ivoiriens ont des occasions pour intimider leurs adversaires. Mais manquent de concentration. Finalement, et aucun algérien ne s’y attendait, c’est à l’épreuve stressante des tirs au but que les Fennecs devront leur qualification en demi-finale.

Les yeux mouillés de Kamara

J’ai vu Ibrahim Kamara au bord des larmes. Il était si proche du but. Il a patiemment transfiguré une équipe qui avait perdu son âme et son organisation. On l’oublie en Côte d’Ivoire, depuis 2017, l’équipe nationale avait perdu ses repères. Les entraîneurs ont défilé à sa tête. Sans remède. En un an, Ibrahim Kamara l’a reconstruite et stabilisé les vestiaires. La défaite aux tirs au but, les larmes de joie des Algériens montrent à l’évidence qu’ils reviennent de loin.Nous avons perdu mais avons gagné le pari sur l’avenir.

Aujourd’hui, je ne donnerai pas de note aux joueurs. J’ai juste un mot pour eux: Merci.

Fernand Dedeh

 

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