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Billet d’humeur n°25/ André Silver Konan dénonce en 5 raisons la « suspension illégale » d’Affi N’Guessan


André Silver Konan, Journaliste-écrivain (Ph:Dr)

André Silver Konan, Journaliste-écrivain (Ph:Dr)

Pour cinq raisons, l’éviction d’Affi N’Guessan de la présidence du FPI, par les « frondeurs », est illégale. Il est clair que le parti de Laurent Gbagbo est parti pour un long bicéphalisme qui ne finira qu’après une scission. L’enjeu ici c’est : qui aura définitivement le logo actuel du parti ?

Première raison

La convocation du Comité central extraordinaire. D’une part, selon les textes du FPI, c’est le secrétaire général qui convoque le Comité central, ce qui n’a pas été le cas, puisque l’actuelle secrétaire générale, Agnès Monnet, a convoqué un Comité central dit ordinaire, pour demain samedi. Acte illégal donc. D’autre part, la tendance Affi N’Guessan clame à qui veut l’entendre que le quorum des 2/3 brandi par les « frondeurs » n’a pas été atteint, étant donné que « des morts ont signé cette pétition ». Difficile à vérifier.

Deuxième raison

Celle-ci réside dans la présidence de séance du Comité central. Les textes au FPI disent noir sur blanc, que le Comité central est présidé par le président du parti. Or, le Comité central extraordinaire version Abou Drahamane Sangaré a été présidé par le doyen d’âge des membres dudit Comité. La seule condition qui autorise le doyen d’âge à présider le Comité central est celle où il y a « vacance du pouvoir par démission collective ou empêchement absolu du Secrétariat général ». Or, il n’y a eu ni démission collective, ni empêchement absolu du Secrétariat général (bien lire Secrétariat général et non Secrétaire général, car le Secrétariat général ne se résume pas qu’au Secrétaire général). Acte manifestement illégal.

Troisième raison

Cette raison réside dans l’évocation du seul article cité par les putschistes (il faut bien appeler un chat, un chat Lol) pour justifier leur coup d’Etat pas forcément consommé, contre Affi : l’article 90. Cet article règle tout contentieux lié à la « démission ou empêchement absolu du président ». Or, chacun le sait, Pascal Affi N’Guessan n’a jamais démissionné de la présidence du FPI. Les membres du Comité central extraordinaire déclarent, sans rire, et après une gymnastique statutaire dont seuls les labos politiques ont le secret, qu’en réalité, « la paralysie du Secrétariat Général s’analyse comme une démission » et impute toujours par la même contorsion statutaire, cette « démission » au président. Si tant est que le Secrétariat général est paralysé, c’est du moins la secrétaire générale du FPI, sinon tous les membres du Secrétariat général, qui auraient dû être sanctionnés, pas le président. Décision illégale.

Quatrième raison

Supposons même que les agissements d’Affi soient considérés comme une démission de fait. Dans ce cas, cette démission, selon les textes ; doit être obligatoirement constaté par le Comité de contrôle (article 87). Cela n’a pas été fait, ce qui signifie que les membres du Comité central réunis hier, ont opéré un passage en force et choisi de mépriser partiellement les textes qu’ils évoquent, en se substituant tantôt au Secrétariat général, tantôt au Comité de contrôle. Décision illégale.

Cinquième raison

Les textes du FPI sont clairs et je mets au défi quiconque me prouverait le contraire, en brandissant un seul article. Personne ne peut démettre le président du FPI. Je dis bien personne. C’est autocratique, voire dictatorial mais c’est comme ça. C’est un texte de régime présidentiel fort, rédigé à l’époque, sur mesure, pour protéger une et une seule personne (Laurent Gbagbo), après la fronde des Don Mello et compagnie. Ce texte qui fait du président du FPI une sorte de monarque absolu bénéficie aujourd’hui à Affi et ceux qui l’ont écrit hier n’ont que leurs yeux pour pleurer aujourd’hui. Petite digression au passage : c’est pour cette raison que j’ai toujours noté qu’il faut éviter de prendre des textes pour ou contre une seule personne, une loi doit être impersonnelle et générale. Je répète donc : nul ne peut sanctionner (même pas blâmer, à plus forte raison suspendre) le président du FPI, en dehors d’un congrès. Un Comité central, dont la convocation est du reste frappée par l’illégalité, fût-il extraordinaire, ne peut pas suspendre le président du FPI. La décision de suspension d’Affi est manifestement et incontestablement illégale.

Et après ?

En définitive, qu’est-ce qui va se passer au FPI ? C’est simple. Affi N’Guessan va saisir la justice, une nouvelle fois, en vue d’arbitrage. Et naturellement, celle-ci va lui donner raison, en se basant sur les cinq raisons de l’illégalité, citées plus haut. Qu’est-ce qui va alors se passer après la décision de justice ? La tendance Sangaré ne va pas reconnaître cette décision qui la déboute et Affi va pouvoir aller à son congrès, pour se faire réélire président du FPI. Pendant ce temps, la tendance Sangaré continuera de se réclamer du FPI originel, celui de Laurent Gbagbo. Il y aura donc nécessairement bicéphalisme et ce bicéphalisme ne prendra fin que (l’UDPCI a connu cela après l’assassinat de Robert Guéi) le jour où les « frondeurs » iront créer leur propre parti.

Conclusion

A première vue, cette « suspension » semble sceller le sort d’Affi N’Guessan, mais en fait, non. C’est du pain béni pour lui, au moment où il a du mal à reprendre la main, après l’humiliation à lui infligée, aux obsèques de maman Gbagbo. Affi a avec lui les textes, des textes forts. Il pourra donc aller désormais à son congrès, sans courir le risque de s’y faire démettre par les « frondeurs », puisque ceux-ci n’y seront pas, étant donné qu’ils ne le reconnaissent plus comme président. Affi se fera donc réélire comme président du FPI et sera même le candidat de ce parti, à la présidentielle d’octobre. Seulement voilà : il aura une coquille du FPI certes, mais une coquille vidée de son jus militant.

En effet, le gros du bataillon des militants de base ne le suivra pas dans sa volonté de « tourner la page Gbagbo ». Celle-ci suivra-t-elle Sangaré s’il est contraint d’abandonner le nom devenu désormais fétiche chez les frontistes, à savoir le Front populaire ivoirien ? Rien n’est moins sûr. La seule chose qui est sûre, c’est que l’unique bénéficiaire de cette scission programmée du FPI, se nomme Alassane Ouattara, qui est bien parti pour battre dès le premier tour, des adversaires aux grands noms, mais au petit poids électoral. Qui vivra verra !

André Silver Konan, Journaliste-écrivain

 

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