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Billet d’humeur n°007 d’André Silver Konan /« Le sérum anti-Ebola et nos pleurnichements d’Africains »


Ebola liberiaIl y a 38 ans, quand Ebola apparaît sur les bords de la rivière qui lui a donné son désormais funeste nom, au Nord Zaïre, qu’avons-nous fait en tant qu’Africains de l’Ouest, de l’Est, du Nord ou du Sud ? Nous avons dit : « C’est une maladie qui ne nous touche pas ». Conséquence : 280 morts.

Puis le virus atteint le Soudan : 53 morts. Entre 1976 et 1993, le virus avait comme disparu. Qu’avons-nous fait en tant qu’Africains ? Nous avons dit : « Cette maudite maladie s’en est allée, plus besoin de chercher à savoir ce que c’était donc ».

Et voilà, en 1994, le Gabon est touché : 31 morts. La même année, la Côte d’Ivoire enregistre son premier cas dans la forêt de Taï (eh oui, on oublie vite !). C’était un scientifique européen qui a survécu à la maladie.  Un an plus tard, le Zaïre devenu RDC est encore frappé : 250 morts. Puis l’Ouganda en 2000 : 224 morts. Bon an, mal an, Ebola sévit dans quatre pays africains : le Gabon, l’Ouganda, la RDC et le Soudan. Mais que faisions-nous, pendant ce temps-là, nous Africains ? Nous avions d’autres priorités, et nous nous sentions éloignés de ce mal, qui tout compte fait, ne tue pas plus que le sida.

Et rebelote, le virus se signale, début 2014 en Guinée. Plus de 1000 morts, en moins de 8 mois, dans quatre pays d’Afrique de l’ouest. Et pendant ce temps, que pensez-vous que les Africains du Centre font ? Ils se disent : « Bon débarras ! ». Quid des Africains de l’Est, du Nord, du Sud ? Ils disent : « Ce n’est pas une maladie qui nous concerne ». Et toujours pendant ce temps, que font nos pays touchés ou menacés directement par le mal, en guise de riposte ? Nous pleurnichons pour que les Américains (pourtant non menacés par le virus mais qui font des recherches sur celui-ci depuis quelques années) nous donne un sérum qui n’est qu’expérimental et dont l’efficacité reste problématique. Et après qu’ils vont nous donner ce traitement qui, je le répète, n’est qu’expérimental (le missionnaire espagnol rapatrié dans son pays, est décédé), qu’allons-nous faire encore ? Nous allons pleurnicher une fois de plus, pour qu’il nous soit administré gratuitement. Dans le cas contraire, les éternels théoriciens du complot vont s’en saisir pour faire croire que les firmes occidentales fabriquent des virus pour s’enrichir sur le dos des victimes africaines. Et après tout cela, qu’allons-nous faire enfin ? Nous allons encore pleurnicher, pour qu’Américains, Canadiens et Français qui « travaillent » sur le virus depuis plusieurs années, nous trouvent, un vaccin préventif, parce que le sérum plus ou moins curatif, ne nous suffirait plus.

Bon sang, Africains, quand allons-nous arrêter de pleurnicher, pour enfin prendre nos responsabilités devant notre propre Histoire ? Ebola tout comme le paludisme, est un mal africain. C’est nous qui devons prendre le leadership de la recherche du sérum et du vaccin. Pour le faire, point besoin d’aide extérieure, ni financière, ni en ressources humaines. Nous devons simplement créer un Centre africain de recherches sur les maladies tropicales. Ce Centre pourrait être financé au prorata des budgets de nos Etats, pour un montant par Etat qui ne serait pas en dessous de 500 millions FCFA, une somme dérisoire devant les prodigalités liées aux missions et aux budgets de souveraineté de nos dirigeants. Pas moins de 30 milliards FCFA pourraient être ainsi mobilisés par an, pour soutenir la recherche sur les maladies qui nous tuent en tant qu’Africains : Ebola, ulcère de Buruli, paludisme…sida.

Africains, arrêtons d’accuser les autres de nos maux, de pleurnicher dans une attitude fataliste et de crier au complot occidental quand ce n’est pas le cas ! La route qui mène au développement de notre continent est encore long. Mais il passe nécessairement par le petit chemin de l’honnête reconnaissance de notre propre responsabilité. L’Afrique digne d’aujourd’hui et de demain sera l’Afrique qui ne pleurniche plus devant les autres continents, mais qui fait face avec responsabilité à ses démons qu’elle a créés ou qui lui ont été imposés.

André Silver Konan, Journaliste-écrivain

 

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