Article 35 de la Constitution/ Ce « vieux démon » qui rattrape le RDR
L’article 35 de la première Constitution de la IIè république est encore au centre de la polémique; c’est cette disposition qui traite du mandat présidentiel et définit les conditions d’éligibilité à la présidence de la république. Et si, de toutes les lois, en Côte d’Ivoire, qui établissent des règles pour être député, maire ou président de conseil, ce seul article suscite encore et toujours des passions, c’est qu’il met hors course le chef de l’Etat actuel, Alassane Dramane Ouattara, qui traîne comme un boulet l’arrêt de la Cour suprême en date du 6 octobre 2000 invalidant sa candidature pour «filiation douteuse».
En 2005, à l’issue des discussions de Tshwane (Pretoria, avril 2005) pour trouver une issue à la crise politico-armée déclenchée le 19 septembre 2002 par Soro Kigbafori Guillaume et sa rébellion armée, le compromis intervenu, sous les auspices de la communauté internationale, suggérait à Laurent Gbagbo de recourir à l’article 48 de la Constitution pour sauter le verrou de l’article 35. C’est ce gentleman agreement qui, conformément à la lettre de Thabo Mbeki, médiateur sud-africain, a été formalisé par le Président Laurent Gbagbo par une mesure dérogatoire.
Dans sa décision n°2005-01/PR du 05 mai 2005 relative à la désignation à titre exceptionnel des candidats à l’élection présidentielle de sortie de crise d’octobre 2005 (qui a finalement eu lieu en 2010), le président de la république indiquait «à titre exceptionnel et uniquement pour l’élection présidentielle d’octobre 2005, les candidats présentés par les partis politiques signataires de l’accord de Linas-Marcoussis sont éligibles». Alassane Dramane Ouattara, heureux de cette aubaine, n’a pas contesté cette mesure qui signifiait explicitement qu’il ne remplissait pas les conditions pour briguer la magistrature suprême.
Ainsi, en annonçant sa candidature à sa réélection et manœuvrant pour être le candidat unique du groupement de partis politiques, le RHDP, qui a soutenu sa candidature au second tour de la présidentielle de 2010, alors qu’aucun élément nouveau n’a été enregistré à son profit au titre de son état-civil, Alassane D. Ouattara est entré en rébellion contre les termes de ce compromis, alors même que sa candidature n’avait été acceptée que pour une seule élection. Il remet en cause, sans explication, les termes du compromis, obtenus sous l’égide de la communauté internationale.
D’où la réaction de Pascal Affi N’Guessan, président du FPI. Le 7 janvier 2014, il mettait Alassane Dramane Ouattara dos au mur: «J’ai entendu Alassane Ouattara dire dans un de ses discours que les Etats généraux (tribune souhaité par le FPI pour débattre de tous les problèmes clés ivoiriens, ndlr), c’est du bavardage. Mais quand il cherchait à être candidat, là il était d’accord pour les bavardages. Il a été partout. Maintenant, il n’aime pas les bavardages. En 2010, c’est Laurent Gbagbo qui l’a fait candidat. Mais Laurent Gbagbo n’est plus là et c’est la Constitution qui va s’appliquer. Comment va-t-il faire pour être candidat? Il faut déjà qu’il sache qu’il n’est pas éligible ! Il peut le proclamer, mais il n’est pas éligible. Donc, on lui donne une occasion qu’on se mette d’accord et que la question d’éligibilité ne soit plus un point de discorde. C’est ça les Etats généraux.»
Sur Radio France Internationale (RFI), Ahmadou Soumahoro, conseiller politique d’Alassane Dramane Ouattara et secrétaire général par intérim du RDR, rejetait du revers de la main la position du président du FPI. Il affirmait, le 9 janvier, que le projet de toilettage de la Constitution ivoirienne avant la présidentielle de 2015 pour modifier «tous les articles confligènes» de la Constitution dont l’article 35, devrait permettre d’écarter le risque d’inéligibilité de Ouattara.
C’est ici que le RDR révèle son double jeu, dans un discours qui manque de sérieux et de crédibilité. Alassane Dramane Ouattara, acculé alors par les ennuis judiciaires et les doutes sur sa filiation, déclarait, imperturbable : «L’article 34 me vise mais ne me concerne pas.» Son parti et lui prenaient tout le monde de court et enlevaient tout suspense au référendum pour adopter la première Constitution de la IIè république. Car, alors qu’il se disait favorable à la conjonction de coordination «OU» dans la filiation du candidat à la présidentielle, le général Guéi Robert, président du Conseil national de salut public (CNSP, junte militaire), après un tour dans presque toutes régions du pays pour avoir l’avis des populations, faisait volte-face et choisissait le «ET».
Et alors que tous les observateurs s’attendaient à une réaction appropriée du RDR pour dénoncer, avec courage et honnêteté, cette «loi confligène qui, selon ses accusations, catégorise les Ivoiriens» et disqualifie son mentor, le parti donnait officiellement des consignes positives de vote, s’installant dans la fourberie. Il n’y eut pas match, comme le disent les Ivoiriens, et ce fut donc un raz-de-marée : la Loi fondamentale a recueilli 86.53% des suffrages exprimés au référendum des 23 et 24 juillet 2000. C’est pourquoi, victime de ses propres turpitudes et peu regardant sur ses falsifications, le RDR fait feu de tout bois, en affichant, par exemple, que la Constitution de 2000, adoptée à cette immense majorité, n’a pas été «consensuelle».
Et donc, c’est la campagne pour la révision de l’article 35; révision qui doit obligatoirement franchir quatre étapes (le Président de la République ou le Président de l’Assemblée nationale peut décider de proposer la révision de la Constitution (article 124); l’Assemblée nationale doit prendre le texte en considération en l’adoptant à la majorité qualifiée de 2/3 (article 125); la révision de la Constitution doit être approuvée par référendum à la majorité absolue des suffrages exprimés (article 126); le Président de la République intervient à la fin du processus pour promulguer «le texte portant révision constitutionnelle, approuvé par référendum» (article 126). Heureusement que le ridicule ne tue pas; car, loin d’une promenade de santé pour changer les conditions d’éligibilité, les sauts d’obstacle sur la voie d’une (re)éligibilité de Ouattara ne manquent pas.
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