Alternance en 2020 : Le conseiller de Soro relève les insuffisances de l’Appel de Daoukro
lepointsur.com (Abidjan, le 4-3-2015) L’analyste politique ne peut manquer d’être en partie questionné par les raisons invoquées par le président Bédié pour justifier le soutien du PDCI-RDA au candidat Alassane Ouattara. D’emblée, on se serait attendu à des raisons classiques: la co-gouvernance du RHDP en est la plus évidente. Quand on a gouverné ensemble pendant près de cinq ans, un pays, on ne saurait en faire porter le bilan à une partie des gouvernants, mais à l’ensemble.
Les succès du premier mandat du président Ouattara sont donc à mettre au compte de l’ensemble du RHDP, PDCI-RDA et RDR d’abord, bien entendu. Pourtant, telle ne semble pas être la ligne discursive retenue par le président Bédié. Il attribue volontiers les succès de la période 2011-2015 au Président de la République Ouattara, qu’il encourage à poursuivre par un second mandat son œuvre de bâtisseur exemplaire de la modernité ivoirienne.
Ce faisant, Bédié voit en Ouattara, comme un prolongateur de sa propre théorie des Douze Chantiers de l’Éléphant d’Afrique, calquée par ses conseillers sur le mythe grec des Douze Travaux d’Hercule. Cependant, la démarche de reconnaissance des succès de Ouattara se paie, chez le président Bédié, de la contrepartie d’une revendication du droit du PDCI-RDA de détenir en 2020, à son tour, le poste de Président de la République, pour continuer la construction harmonieuse du pays, avec le soutien supposé de celui qui sera alors l’ex-président Alassane Ouattara.
Ainsi, Ouattara jouerait pour un candidat du PDCI-RDA en 2020, le rôle que l’ex-président Bédié a joué en 2010 et 2015 pour le candidat du RDR, Alassane Ouattara. Cela peut certes, sembler de bon sens, mais il reste encore beaucoup à en dire.
Premièrement, chaque fois que la clause de l’alternance 2020 pour le PDCI-RDA est invoquée, c’est par la bouche du Président Bédié et de lui-seul qu’elle l’est, jamais par une autre personne. Qui accordera sérieusement de la valeur à une clause non-validée par les deux parties qu’elle invoque? Comment comprendre cette constante? Au minimum, on doit reconnaître qu’il s’agit d’une clause de communication interne au PDCI. Et dans cette perspective, le PDCI-RDA a parfaitement le droit de se faire des promesses…
Deuxièmement, le président Bédié, qui n’est plus candidat à rien dans le pays, a lui-même reconnu que tous les Ivoiriens qualifiés pour la présidentielle étaient libres de concourir en 2015 comme après, ce qui constitue un bémol à l’idée que le poste de Président de la République en 2020 serait déjà préempté par une quelconque hypothèque venue de 2015. Bien comprendre le sens de la lutte engagée dès les années 90 par le RDR de Djéni Kobina et d’Alassane Ouattara, n’est-ce pas se saisir définitivement de l’idée que c’est le peuple réel de Côte d’Ivoire, et non les arrangements classiques d’appareil ou les héritages claniques qui choisiront désormais le Chef de l’État de Côte d’Ivoire? Comment comprendre la lutte d’un Guillaume Soro et de ses camarades du MPCI/FN pour la démocratie en Côte d’Ivoire, si ce n’est pour que l’élection démocratique et elle seule, décide des dirigeants de ce pays exemplaire et emblématique?
Troisièmement, les présidents Bédié et Ouattara se sont publiquement engagés à créer un seul parti avant 2020, le PDCI-RDR, qui investira alors le candidat unique de ce nouveau parti en 2020. Comment accéder à la lisibilité et à la cohérence du président Bédié si d’une part, il espère que le président Ouattara soutienne un candidat du PDCI-RDA en 2020, mais de l’autre côté, veut réaliser de son vivant l’union PDCI-RDR qui choisira alors son candidat en 2020 sans considération de son ancienne formation politique PDCI-RDA ou RDR? Tout plaide pour dire qu’après la présidentielle 2015, on passera résolument en Côte d’Ivoire de la politique des Anciens (Arrangements), à la politique des Modernes (Compétition sans présupposés). Dans cette hypothèse, l’alternance 2020 à la tête de ce pays sera générationnelle et non tout simplement partisane. Je l’ai dit à moult reprises et je ne me priverai point de le répéter aux entendements lents.
Franklin Nyamsi
Professeur agrégé de philosophie Paris, France, et plume de Guillaume Kigbafory Soro
NB : Les titres sont de la rédaction
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