[𝐏𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫𝐧𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞/𝐃𝐞 𝐌𝐚𝐜𝐫𝐨𝐧 𝐚̀ 𝐑𝐞𝐭𝐚𝐢𝐥𝐥𝐞𝐚𝐮 𝐞𝐧 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐚𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐫 𝐎𝐮𝐚𝐭𝐭𝐚𝐫𝐚] 𝐋𝐚 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐟𝐚𝐜𝐞 𝐚̀ 𝐬𝐞𝐬 𝐩𝐚𝐫𝐚𝐝𝐨𝐱𝐞𝐬 𝐞𝐧 𝐀𝐟𝐫𝐢𝐪𝐮𝐞
Abidjan, 06-01-2025 (lepointsur.com) La France est-elle prise dans un engrenage infernal, en particulier dans ses anciennes colonies africaines, ce « pré-carré » où elle imposait jadis ses volontés sans contestation ? Ce qui pouvait sembler une impression est désormais une réalité palpable. L’ère où Paris dictait la politique de tout un peuple par des relais dociles semble révolue, remplacée par des crises dont les racines plongent dans des décennies de mépris perçu et de double standard.
𝐂𝐨𝐥𝐨𝐧𝐢𝐬𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 : 𝐮𝐧 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞́ 𝐪𝐮𝐢 𝐧𝐞 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐩𝐚𝐬
La colonisation reste un sujet sensible dans les relations entre l’Afrique et la France. Emmanuel Macron, en 2017, avait reconnu en Algérie que la colonisation constituait « un crime contre l’humanité ». Cependant, face à une levée de boucliers en France, il a rapidement tempéré ses propos, illustrant le dilemme persistant sur ce chapitre de l’histoire.
Récemment, Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, a déclaré que la colonisation comportait « des heures noires, mais aussi des mains tendues ». Ce commentaire a suscité une vague d’indignation. Nombreux sont ceux qui rappellent que ces « mains tendues » ont souvent été coupées, littéralement et métaphoriquement, par des politiques de domination brutale : expropriations, privation de libertés, acculturation et violences extrêmes.
Selon des rapports historiques, environ 𝟐 𝐦𝐢𝐥𝐥𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝𝐞 𝐦𝐨𝐫𝐭𝐬 sont directement attribuables à l’exploitation coloniale française en Afrique subsaharienne. Les atrocités, notamment au Congo ou en Algérie, continuent d’alimenter une mémoire collective de méfiance et de rancœur.
𝐂𝐨𝐮𝐩𝐬 𝐝’𝐄́𝐭𝐚𝐭 : 𝐥𝐞 𝐝𝐨𝐮𝐛𝐥𝐞 𝐬𝐭𝐚𝐧𝐝𝐚𝐫𝐝 𝐞𝐧 𝐩𝐥𝐞𝐢𝐧𝐞 𝐥𝐮𝐦𝐢𝐞̀𝐫𝐞
L’Afrique de l’Ouest connaît une vague de coups d’État, qualifiés par certains d’“harmattan ouest-africain”. Depuis 2020, pas moins de neuf pays africains ont vu leur gouvernement renversé.
La France, fidèle à une politique ambivalente, semble condamner certains putschs tout en tolérant ou accueillant favorablement d’autres. Quand les juntes d’Assimi Goïta (Mali), Ibrahim Traoré (Burkina Faso) ou Abdourahamane Tiani (Niger) sont dénoncées et ostracisées, celles de Brice Oligui Nguéma (Gabon) ou Mamadi Doumbouya (Guinée) bénéficient d’un accueil diplomatique chaleureux, avec tapis rouge et garde républicaine à l’Élysée. Cette incohérence nourrit le ressentiment, accentuant l’image d’une France guidée par des intérêts stratégiques plutôt que par des principes démocratiques.
𝐋𝐚 𝐝𝐢𝐩𝐥𝐨𝐦𝐚𝐭𝐢𝐞 𝐞𝐧 𝐝𝐞́𝐜𝐥𝐢𝐧 ?
L’audition récente de Jean-Marie Bockel devant la commission de défense du Parlement français a révélé qu’une opération militaire française était prête à intervenir au Niger en 2023. Plus de 2 000 soldats avaient été stationnés à Abidjan en quelques heures, preuve des intérêts stratégiques persistants de Paris en Afrique.
Cependant, cette opération a soulevé des questions sur le rôle des autorités ivoiriennes et l’implication d’Alassane Ouattara, qui aurait promis un bataillon ivoirien sans consultation parlementaire. Cet épisode illustre la perception d’une diplomatie française de plus en plus intrusive et déconnectée des réalités locales.
𝐔𝐧𝐞 𝐜𝐨𝐨𝐩𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚̀ 𝐫𝐞́𝐢𝐧𝐯𝐞𝐧𝐭𝐞𝐫
Face aux critiques croissantes, la France doit adopter un triptyque de réformes : aggiornamento, glasnost et pérestroïka – une mise à jour, une transparence accrue et une reconstruction des relations franco-africaines. Cela implique :
- 𝐋’𝐚𝐛𝐚𝐧𝐝𝐨𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐝𝐨𝐮𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐢𝐬𝐜𝐨𝐮𝐫𝐬 : Condamner avec la même rigueur les dérives autoritaires, qu’elles soient le fait de régimes amis ou non.
- 𝐋𝐚 𝐟𝐢𝐧 𝐝𝐞 𝐥’𝐢𝐧𝐠𝐞́𝐫𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞 𝐮𝐧𝐢𝐥𝐚𝐭𝐞́𝐫𝐚𝐥𝐞 : En 2023, 64 % des Africains interrogés dans une enquête Afrobarometer ont exprimé un rejet de l’intervention militaire étrangère, quelle qu’en soit la justification.
- 𝐋𝐚 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚𝐢𝐬𝐬𝐚𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐬𝐩𝐢𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐝𝐞𝐬 𝐣𝐞𝐮𝐧𝐞𝐬𝐬𝐞𝐬 𝐚𝐟𝐫𝐢𝐜𝐚𝐢𝐧𝐞𝐬 : Avec plus de 70 % des Africains âgés de moins de 30 ans, le continent demande des partenariats équitables et transparents.
En Côte d’Ivoire, où la situation politique reste tendue, Emmanuel Macron avait été interpellé dès 2020 dans une lettre ouverte sur les dangers d’un soutien implicite aux dérives autoritaires. Le silence de la France sur des violations flagrantes des droits de l’homme alimente la défiance et fragilise davantage son image.
La jeunesse africaine, de plus en plus connectée et informée, refuse le statu quo. Elle exige un partenariat respectueux, où les intérêts réciproques priment sur la domination unilatérale. La France doit saisir cette opportunité pour renouer des liens sincères, sous peine de voir son influence s’effondrer.
Comme le dit un proverbe ivoirien : “Quand on refuse, on dit non.” À Paris de choisir entre la réinvention ou la marginalisation.
Par 𝐊𝐚𝐝𝐞𝐫 𝐃𝐢𝐚𝐫𝐫𝐚𝐬𝐬𝐨𝐮𝐛𝐚