Un trafic d’influence difficile à établir
L’affaire pour laquelle l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, le haut magistrat Gilbert Azibert et l’avocat Thierry Herzog sont mis en examen souffre de plusieurs fragilités juridiques.
Des écoutes à «filet dérivant»
«C’est interdit, vous ne pouvez utiliser les écoutes d’un dossier pour un autre, les juges sont sortis de leur saisine», martèle le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, qui dénonce depuis des semaines ces «écoutes à filet dérivant». Les enregistrements réalisés dans le cadre de l’enquête sur un éventuel financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ne peuvent pas, explique l’avocat, être «recyclés» pour un autre dossier. L’utilité de procéder à des écoutes en 2013 pour éclairer des faits ayant eu lieu en 2006 suscite par ailleurs des doutes quant au but réel de ces écoutes… Elles seront contestées devant la chambre de l’instruction puis éventuellement devant la chambre criminelle de la Cour de cassation – un processus qui peut durer de longs mois.
Une possible violation du secret professionnel des avocats
La profession s’insurge également contre le fait que des échanges entre un avocat, Thierry Herzog, et son client, l’ancien chef de l’État, aient pu être retranscrits lors des écoutes. Ces questions ont été prises au sérieux par François Hollande lui-même qui a déjà reçu le bâtonnier de Paris et promis un texte de loi spécifique pour septembre prochain. Mardi, de plus, les gardés à vue ont découvert qu’une conversation très personnelle entre l’avocat de Nicolas Sarkozy et son bâtonnier avait été enregistrée. Quelques jours après que son domicile eut été perquisitionné en mars dernier, Thierry Herzog, sous le choc (il avait notamment dû prendre sa douche la porte ouverte), à bout de nerfs après cinq nuits d’insomnies, a composé au petit matin le numéro de Pierre-Olivier Sur comme on appelle au secours, «à l’heure où Napoléon disait que l’on perd tous les combats», selon l’expression du bâtonnier. «Les juges ont franchi la ligne jaune, s’insurge-t-il. Cette conversation est couverte par le
Les policiers cherchent à prouver que Nicolas Sarkozy aurait tenté d’obtenir des informations sur la décision que s’apprêtait à prendre la Cour de cassation sur le sort de ses agendas saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt. Dans ce but, un poste «de prestige» à Monaco aurait été promis à Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation. Les écoutes semblent toutefois elliptiques et n’établissent pas formellement un tel «marché». Selon Nicolas Sarkozy, elles prouveraient même qu’il s’est refusé à toute intervention. La principauté de Monaco a confirmé que Gilbert Azibert avait été candidat à un poste de magistrat à la Cour de révision (équivalent à Monaco de la Cour de cassation) mais a immédiatement précisé «qu’aucune intervention extérieure n’est venue interférer dans cette procédure de recrutement». La direction des services judiciaires monégasque a aussi refusé de recevoir sur place les deux juges d’instruction Patricia Simon et Claire Thépaut, mais a réalisé l’enquête qu’elles avaient demandée sur commission rogatoire. Le poste en question, déjà pourvu, ne permet pas de s’installer sur le Rocher. Et ne donne lieu qu’à quelques missions annuelles.
La violation du secret de l’instruction à définir
secret professionnel.»
Un trafic d’influence difficile à établir
Si jamais l’ancien chef de l’État a bénéficié d’information venant du milieu judiciaire, il peut être coupable de recel de violation du secret professionnel. La violation du secret elle-même vise actuellement le haut magistrat Gilbert Azibert et l’avocat Thierry Herzog. «Qu’un ancien président bénéficie d’informations privilégiées ne m’étonne guerre, souligne un fin connaisseur du monde judiciaire, mais identifier ses nombreux informateurs ne sera pas aisé.»
De notre correspondante Maty Gauthier Fanny avec le Figaro