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[Un an après la création de l’AES] Quelles avancées pour les États du Sahel ?


Abidjan, le 17-09-2024 (lepointsur.com) Un an après la signature de la Charte du Liptako-Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel (AES) entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, le bilan de cette coopération régionale laisse entrevoir des progrès, mais aussi de nombreux défis non résolus. L’organisation, créée le 16 septembre 2023, avait pour ambition de renforcer la défense collective et l’assistance mutuelle des trois pays pour lutter contre le terrorisme et la criminalité transnationale qui gangrènent cette région.

Des avancées notables sur le front sécuritaire

Sur le plan sécuritaire, des progrès sont incontestablement visibles. Selon le Docteur Fodié Tandjigora, chercheur à l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako, la coopération militaire entre les trois États a connu une nette amélioration. « Les mesures de sécurité sont désormais mieux coordonnées, et les États membres se consultent régulièrement sur les questions liées à la sécurité », explique-t-il. Cette collaboration accrue a permis de renforcer la lutte contre les groupes armés terroristes qui sévissent dans le Sahel, en dépit d’une situation encore critique.

En effet, selon un rapport de l’Institut pour l’économie et la paix (IEP), le Burkina Faso est tristement arrivé en tête des pays comptant le plus grand nombre de victimes du terrorisme en 2023, avec le Mali occupant la troisième position. Ces données témoignent de la gravité de la menace terroriste dans la région, malgré les efforts conjoints des trois pays pour contenir cette violence.

L’économie en berne, un obstacle à l’AES

Si la coopération militaire semble porter ses fruits, le volet économique, lui, reste largement sous-développé. Fodié Tandjigora pointe du doigt les difficultés des trois États à relancer leurs économies après une année marquée par l’instabilité et le manque de coordination. « Le développement économique reste l’aspect le plus sombre de cette organisation », souligne-t-il. Malgré des intentions clairement affichées, les projets d’harmonisation économique sont au point mort, freinés par la persistance de l’insécurité et un contexte économique mondial défavorable.

L’un des projets les plus ambitieux de l’AES – la création d’une monnaie commune pour rétablir la souveraineté monétaire des trois États – n’a pas avancé. Ce projet avait pourtant été au cœur des discussions en février dernier, suscitant de vifs débats. Toutefois, Ulf Laessing, directeur de la Fondation Konrad Adenauer au Sahel, se montre sceptique quant à la faisabilité de cette initiative. « Il sera difficile pour ces trois États de réaliser d’autres projets que la coopération militaire, étant donné que les 12 derniers mois ont été caractérisés par un déficit économique », affirme-t-il.

Un impact dévastateur sur l’éducation

La crise sécuritaire a aussi eu un effet dévastateur sur les systèmes éducatifs des pays de l’AES. D’après les données de l’UNICEF, des milliers d’écoles ont dû fermer durant l’année scolaire écoulée, laissant des millions d’enfants sans accès à l’éducation. Cette situation accentue les inégalités et menace de compromettre l’avenir de la région à long terme.

De nouvelles perspectives avec le passeport biométrique de l’AES

En dépit de ces défis, des projets visant à renforcer l’intégration régionale continuent d’émerger. Lors d’une allocution télévisée, le colonel Assimi Goïta, chef militaire malien, a annoncé la mise en circulation prochaine d’un nouveau passeport biométrique commun à l’AES. Ce document vise à harmoniser les titres de voyage et à faciliter la mobilité des citoyens au sein de l’espace commun de l’Alliance. Cette initiative marque un pas important vers une coopération plus étroite entre les trois États membres.

Un chemin semé d’embûches mais porteur d’espoir

Un an après sa création, l’Alliance des États du Sahel a démontré sa capacité à renforcer la coopération militaire dans une région en proie à l’insécurité. Cependant, les défis économiques et sociaux restent majeurs. Les projets d’intégration économique, comme la monnaie commune ou la compagnie aérienne régionale, peinent à voir le jour dans un contexte de crise. Néanmoins, l’AES continue de poser les jalons d’une coopération régionale qui pourrait, à terme, renforcer la stabilité et le développement dans le Sahel.

Médard KOFFI avec Zanem Nety Zaidi

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