Transition au Burkina/ Isaac Zida désigné par l’état-major
Au matin du 1er novembre, alors que Blaise Compaoré est réfugié en Côte d’Ivoire selon le communiqué de la présidence, le lieutenant-colonel Zida, commandant adjoint du Régiment de sécurité présidentielle, s’affirme à la tête des armées, tandis que le chef d’état-major reste silencieux. Après la démission du président, tout deux se sont proclamés chef de l’Etat. D’abord le général Traoré, puis le lieutenant-colonel Zida. Ce dernier a déclaré tôt ce samedi matin qu’il assumait « les responsabilités de l’Etat de transition et de chef de l’Etat ».
Les heures sont données en temps universel (TU)
15h00 : Deux organisations de la société civile, le Cadre de réflexion et d’action démocratique et la Ligue des électeurs et électrices du Burkina, ont tenu un point de presse ce samedi 1er novembre 2014. Ils appellent à la vigilance, pour que l’armée ne vole pas la victoire au peuple. « Nous sommes pour la démocratie et donc contre les coups d’Etat. Il faut que la société civile ouvre l’œil, et le bon, pour que le pouvoir ne soit pas accaparé et gardé par les militaires », explique Hyppolite Domboué, secrétaire exécutif du Cadre. Quant aux partis politiques, les deux organisations les invitent à « stopper immédiatement leurs hésitations pour faire des propositions concrètes au peuple ».
14h38 : Alassane Ouattara confirme : « Le président de la République informe le peuple ivoirien, les populations vivant en Côte d’Ivoire ainsi que la communauté internationale que le président Blaise Compaoré, sa famille et ses proches ont été accueillis en Côte d’Ivoire », peut-on lire dans un communiqué de la présidence ivoirienne.
13h30 : L’armée désigne le lieutenant-colonel Isaac Zida pour conduire la transition. Le communiqué, signé par le chef d’état-major Nabéré Honoré Traoré, a été publié à l’issue d’une réunion des hauts gradés militaires à l’état-major de Ouagadougou. « Le lieutenant-colonel Issac Zida a été retenu à l’unanimité pour conduire la période de transition ouverte après le départ du président Compaoré », peut-on lire. Le général Traoré, qui briguait aussi le pouvoir, reconnaît ainsi la victoire de son concurrent.
13h03 : Les associations et organisations de la société civile se sont également parlé. Il y a deux tendances : une aile refuse catégoriquement que la transition soit gérée par un militaire, l’autre préfère que l’on accorde un crédit de confiance à l’armée, compte tenu de la situation sécuritaire dans le pays. Les organisations se sont entendues, réaffirmant quelques principes : ce qui est arrivé n’est pas un coup d’Etat, juste une insurrection populaire ; les organisations de la société civile souhaitent donc le rétablissement de la Constitution, de la légalité constitutionnelle ; la transition démocratique doit aboutir à une élection ; une structure consensuelle doit être mise en place pour gérer la transition.
13h00 : L’objectif numéro 1 des militaires ? Accorder leurs violons pour éviter tout bicéphalisme à la tête de l’Etat. « En venant au siège du chef d’état-major des armées, nous avons vu que le lieutenant-colonel Zida était accompagné d’une sirène et d’un cortège officiel », confie notre correspondant Yaya Boudani.
12h55 : Deux militaires pour un fauteuil. Deux hauts gradés se disputent la direction de la transition. Le général Honoré Traoré, chef d’état-major des armées, et le lieutenant-colonel Zida, numéro 2 du Régiment de sécurité présidentielle, sont en pleine concertation, depuis plus de deux heures, au siège de l’état-major général des armées à Ouagadougou. Les autres chefs d’état-major des armées du Burkina Faso sont également présents, relate notre correspondant Yaya Boudani, qui est sur place.
12h45 : Le couple Compaoré est donc en Côte d’Ivoire, selon le femme de l’ex-président. Rien d’étonnant dans ce choix ; il y a une dizaine de jours à peine, à l’occasion des cérémonies de commémoration du 20e anniversaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, le président ivoirien Alassane Ouattara avait salué à Ouagadougou « l’ami » et « frère » Blaise Compaoré. Il s’agissait déjà de son principal allié avant qu’il ne prenne le pouvoir à Abidjan.
12h25 : Chantal Compaoré est arrivée en Côte d’Ivoire bien avant son mari. Elle avait été mise à l’abri, en prévision de possibles troubles. Depuis plus de 24 heures, elle attendait Blaise Compaoré à Korhogo, la ville ivoirienne du nord. Selon les informations recueillies par RFI, le président déchu était censé trouver refuge à Pô, son fief, vendredi. Mais il a décidé de changer d’itinéraire, se sachant attendu sur place.
Avec son frère François et son chef d’état-major particulier Gilbert Diendéré, ils ont attendu dans un endroit discret l’arrivée de son hélicoptère et d’hélicoptères « amis », selon une source proche de l’ancien couple présidentielle. L’hebdomadaire Jeune Afrique écrit : « En contact permanent avec le président ivoirien, Blaise Compaoré et ses accompagnateurs ont attendu dans une zone non habitée l’hélicoptère envoyé par Alassane Ouattara jusque dans le milieu de l’après-midi. »
11h50 : L’ex-première dame burkinabè semblait surprise que les médias soient informés du possible lieu de refuge de son couple. Blaise Compaoré et elle-même ne souhaitaient pas faire de commentaire « pour le moment », explique-t-elle. Que pense-t-elle du fait que le lieutenant-colonel Zida, un militaire, ait pris la tête du pays ? « Je suis moi-même une femme de militaire, répond avec une voix presque enjouée Mme Compaoré. Je n’ai pas à m’exprimer là-dessus. »
11h00 : L’ancien président burkinabè et son épouse seraient bien en Côte d’Ivoire. C’est ce qu’a déclaré Chantal Compaoré à RFI par téléphone, confirmant ainsi des témoignages ivoiriens. « Le président et moi sommes bien à Yamoussoukro. Tout va bien », déclare Mme Compaoré à Sonia Rolley, après un conciliabule tenu à distance du combiné téléphonique suite à la question de notre consœur.
10h47 : Selon des témoins, le président burkinabè déchu Blaise Compaoré a été vu ce samedi à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, nous indique l’AFP.
« L’étape d’aujourd’hui n’est pas celle de l’intervention de la France. La prise de conscience que des choses peuvent changer dépend des peuples africains. »(Jean-Marie Bockel, député et ex-ministre)
9h05 : Sur RFI : Jean-Marie Bockel, député du Haut-Rhin, ancien ministre de la Coopération sous Nicolas Sarkozy qui avait annoncé la fin de la Françafrique : « Ce qui se passe au Burkina Faso et qu’on voyait venir depuis un certain temps, c’est ce qui va sûrement se développer dans les prochaines années. Quelles que soient les qualités d’un certain nombre de chefs d’Etat, à un moment donné, il y a l’usure du pouvoir. On est au coeur du paradoxe africain, entre d’un côté le continent d’avenir, l’Afrique de la croissance, l’Afrique continent convoité, et cette jeunesse africaine qui est en colère, ces peuples qui sont excédés. »
« L’étape d’aujourd’hui n’est pas celle de l’intervention de la France. La prise de conscience que des choses peuvent changer dépend des peuples africains. Ça n’a pas forcément nature à être violent, des transitions doivent pouvoir exister. Chaque fois qu’il y aura une intervention intempestive, ça sera contreproductif. L’attitude de la France, d’autres pays, et de l’Union européenne, lorsqu’elle saura se coordonner sur le terrain avec l’Union africaine et la communauté internationale, c’est d’avoir une attention, d’être à même de répondre à des sollicitations. Cela doit être une attitude subtile, attentive, non interventionniste, pas non plus indifférente. Nous sommes des observateurs concernés. Des voisins et amis […] A un moment donné, il faut renverser la table, porter un autre regard sur la question de la gouvernance. Et ça ne viendra pas des donneurs de leçon, ça viendra des Africains eux-mêmes. »
« Je pense qu’un certain nombre de présidents qui se préparent à réviser leur Constitution dans les deux Congo ou au Rwanda, ont dû mal dormir. »(Antoine Glaser, journaliste)
7h15 : Sur RFI : Antoine Glaser, journaliste et écrivain, ancien directeur de La Lettre du continent : « Bien sûr que ce qui s’est passé peut se reproduire ailleurs. Il y a un effet de mimétisme. Rappelez-vous, il ya quelques années, on parlait beaucoup de dynasties en Afrique.
Après finalement que Karim Wade n’a finalement pas succédé à son père au Sénégal et également, au sein de la société civile africaine, avec les mouvements «Y’en a marre ! » au Sénégal ou «Balais citoyen» au Burkina Faso, c’est certain que vous avez un effet de mimétisme.
Et je pense qu’un certain nombre de présidents qui se préparent à réviser leur Constitution dans les deux Congo ou au Rwanda, ont dû mal dormir. D’ailleurs, vous avez vu le silence assourdissant des clubs de chefs d’Etat.Ils sont tous aux abris. Ils savent que quelque chose de très important vient de se produire.»
6h44 : Sur RFI : Dragos Ouedraogo, anthropologue burkinabè, spécialiste des luttes sociales : « Je souligne que l’armée n’est pas un corps monolithique. Aujourd’hui, du fait de la gestion patrimoniale de l’armée par Blaise Compaoré, cela a a contribué à en faire un foyer de clans putschistes qui se disputent à tour de rôle le pouvoir. Mais en même temps, il y a au sein de cette armée, des hommes de troupes, des officiers de classe moyenne, qui sont eux aussi victimes de cette situation de crise. »
« Le peuple burkinabè n’a pas réalisé sa révolution pour basculer dans un bain de sang entre militaires » (Maître Bénéwendé Sankara, Unir-PS)
6h42 : Sur RFI : Maître Bénéwendé Sankara, Union pour la renaissance, Parti sankariste : « Nous condamnons toute idée de coup d’Etat militaire […] Nous sommes en train d’assister à une confusion au niveau du sommet de l’armée. J’estime que l’armée est une institution républicaine qui doit être unie dans sa cohésion. C’est ce que nous a laissé entendre le général Traoré quand il a reçu l’opposition. »
« Nous demandons purement et simplement à l’armée de s’entendre et qu’en tant que composante, qu’élément à part entière du peuple, elle puisse prendre part à cette insurrection populaire […] Aujourd’hui la société civile est devenue très forte, très puissante, mais il faut qu’elle évite de s’acoquiner avec l’armée.Ce que nous souhaitons c’est qu’il y ait une véritable concertation et qu’on mette en place un organe consensuel pour gérer la transition. »
« Pourquoi des militaires ? Je crois que nous avons des civils capables de gérer la transition. Le peuple burkinabè n’a pas réalisé sa révolution pour basculer dans un bain de sang entre militaires. »
6h35 : Sur RFI : Sosso Adama, secrétaire général de l’UPC : « Nous avons lancé depuis vendredi un appel à toute la population à sortiret notamment à la jeunesse, pour aider les forces de l’ordre à pouvoir faire respecter les dispositions sécuritaires, à balayer toutes les rues […] et surtout, pour que les pillage cessent. Le mouvement d’insurrection n’est pas un mouvement pour détruire les biens, mais pour construire […] ».
« Aujourd’hui, nous n’entendons pas qu’il y ait une transition qui ne soit pas négociée, et avec l’accord de l’opposition [Cette transition] ne peut pas être confisquée, nous n’avons aucune inquiétude pour ça. Nous pensons que le lieutenant-colonel est de bonne foi, nous avons la conviction que le lieutenant-colonel et le général […] pourront s’entendre, afin de proposer une feuille de route acceptée par tous, que nous allons ensemble mettre en oeuvre. »
Le lieutenant-colonel Zida a rejoint le palais présidentiel après son allocution et prévoit de rencontrer le général Traoré
6h25 : Sur RFI : La nuit a été calme, a Ouagadougou, nous informe notre correspondant à Ouagadougou Yaya Boudani. Des patrouilles militaires ont fait respecter le couvre-feu en vigueur entre 19h et 6h du matin. Les frontières du pays sont fermées jusqu’à nouvel ordre. Yaya Boudani a assisté à l’allocution du lieutenant-colonel Zida, et nous indique que ce dernier a immédiatement rejoint le palais présidentiel après la fin de celle-ci.
« C’est sous l’escorte de ses hommes que le lieutenant-colonel Zida Yacouba a rejoint le palais présidentiel. C’était très tard dans la nuit. Tout le régiment, de nombreux soldats du régiment de la sécurité présidentielle étaient là. Ils l’ont accueilli et ils l’ont conduit directement dans le palais présidentiel. Il a été clair là-dessus : il ne laissera pas continuer l’anarchie et il va concerter les autres couches de la société, pour voir comment il faut mettre en place ce programme de transition. »
« Il a même promis un entretien avec le général Traoré au cours de cette journée. A l’issue de cette concertation, je crois qu’une autre déclaration doit être faite aux Burkinabè. »
6h22 : Sur RFI : Sosso Adama, secrétaire général de l’UPC, principal parti de l’opposition : « Notre position a toujours été claire. Nous avions demandé à l’armée de se joindre au peuple pour que le mouvement d’insurrection populaire soit une réussite. Maintenant que le mouvement a réussi, nous attendons toujours que l’armée et notamment le lieutenant-colonel Zida entre en contact avec nous, pour que nous comprenions très bien dans quel sens nous allons partir […]Nous ne devons pas oublier ce qui est arrivé en 1966, où le peuple est également sorti, et l’armée a pris le pouvoir, et l’a gardé jusqu’à aujoud’hui […] Si les nouvelles autorités militaires ne veullent pas aller dans le sens du peuple, ça veut dire que la lutte n’est pas terminée […] Mais les militaires sont des patriotes, et nous avons confiance en cette nouvelle génération de militaires.»
6h16 : Sur l’antenne de RFI (édition spéciale) Marcel Tankoano, président du mouvement du 21 avril (M21) opposé à la modification de la Constitution : « Le lieutenant-colonel Zida a affirmé que c’était une insurrection populaire. Or je crois qu’une insurrection populaire est différente d’un coup d’Etat. Nous attendons toujours que la situation se stabilise au niveau de l’armée, afinde pouvoir aviser […] Après la déclaration du Lieutenant colonel Zida Yacouba Isaac, la population était en panique, mais finalement, on retient que c’est lui qui est président. […]Nous n’avons pas le choix […] jusqu’à hier matin on ne savait pas si Blaise Compaore allait rester au pouvoir. […] Maintenant que les militaires ont compris le cri du coeur du peuple burkinabè, ils ont pris leurs responsabilités. Les militaires n’ont pas appelé ça un coup d’Etat, mais une insurrection populaire. »
Allocution du lieutenant-colonel Zida
03h53 : Dans une interview effectuée après son allocution, le lieutenant-colonel Zida a déclaré « caducs » les propos du général Traoré de la veille, qui déclarait lui aussi vouloir assumer la responsabilité de chef de l’Etat,« conformément à la Constitution. »
2h51 : Blaise Compaoré est « dans un lieu sûr », annonce le lieutenant-colonel Zida. Son « intégrité physique et morale est assurée »
2h22 : Annonce officielle du lieutenant-colonel Zida, sur une chaîne de télévision privée : le numéro 2 de la garde présidentielle « assume les responsabilités de chef de la transition et de chef de l’Etat » Il entend définir « de manière consensuelle […] et avec l’ensemble des partis politiques et des organisations de la société civile, les « contours » et « contenus » d’une « transition démocratique apaisée ». Isaac Zida a également appelé la communauté internationale, notamment l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao), « à soutenir» le peuple burkinabè « dans ces dures épreuves ».
Quelques heures après avoir annoncé la suspension de la Constitution le lieutenant-colonel Zida a de nouveau pris la parole, en début de soirée, devant la foule à son quartier général. Il a notamment annoncé le maintien du couvre-feu de 19 h à 6 h (locales) du matin. Précisant que les forces de sécurité et de défense seraient fermes. Il a également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes au nom de la « sécurisation du territoire national. » Il a fait une annonce officielle dans la nuit du 1er novembre.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.