Technologies/ Pokémon Go, un jeu entre virtualité et réalité qui fait le buzz
Le jeu qui propose d’attraper des Pokémon dans la vie réelle depuis son téléphone fait fureur dans les cinq pays où l’application a été lancée, mais aussi partout dans le monde officieusement. Si le jeu fait un vrai buzz avec plus de 7 millions de téléchargements, il pose cependant plusieurs problèmes éthiques.
« Allô Nintendo ! Il reste 23 jours avant les Jeux olympiques de Rio. Le monde entier va venir ici. Venez aussi ! », s’est exclamé sur Facebook Eduardo Paes, le maire de Rio de Janeiro. Pokémon Go, qui remet au goût du jour les petits animaux mythiques inventés par Nintendo dans les années 1990, a déjà été téléchargé plus de 7 millions de fois dans cinq pays. Un vrai buzz.
Ce premier jeu sur mobile développé par le géant japonais des jeux vidéo a fait bondir son action de 16 % mercredi 13 juillet à la Bourse de Tokyo et il a déjà généré plusieurs millions de dollars de revenus depuis son lancement le 5 juillet dernier.
Grâce à un système de géolocalisation, le monde virtuel est superposé à l’environnement réel. Sur l’écran des téléphones, les Pokémon traînent dans les rues, les parcs, les rivières ou sur la route. Les joueurs n’ont plus qu’à se déplacer pour les attraper depuis leur écran.
Alors que le jeu n’est disponible de manière officielle qu’en Australie, Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et Allemagne, les plus adeptes des petites bêtes ont réussi à déjouer le système pour l’avoir dans la poche dès maintenant. C’est le cas de milliers de Français, dont une partie d’entre eux s’est retrouvée dans les jardins du Luxembourg à Paris jeudi après-midi, malgré l’interdiction du gouvernement.
« Nous proposons aussi des tutorats pour télécharger l’application depuis l’Australie, il suffit de régler son iPhone ou de passer par un lien sur Internet sur Android », explique Matthieu Castel, qui gère la communauté en ligne Pokémon-France.com dont les audiences ont grimpé jusqu’à 500 000 visites par semaine. Un des organisateurs de ce rassemblement, Matthieu Castel reconnaît tout de même : « On recommande de passer par l’iPhone, bien plus sûr qu’Android où l’on risque d’attraper un virus ou de tomber sur une application pirate ».
David Emm, spécialiste en cybersécurité chez Kaspersky Lab, rappelle que ces applications illégitimes sont communes : « Cette technique n’est pas nouvelle, mais le fait d‘être appliquée à un jeu si populaire et massivement téléchargé, elle risque de se répandre plus largement », explique l’expert.
Problème de respect de la vie privée et des données personnelles
Pokémon Go soulève aussi le problème de la protection des données personnelles. L’application récupère la géolocalisation des joueurs, les lieux et les horaires de déplacements… Et avant les révélations d’Adam Reeve, la start-up Niantic qui a développé l’application pouvait avoir accès à toutes les données Google des joueurs au moment de leur inscription. La société japonaise a vite réagi, en réparant le problème et bloquant ces données. « Le fait que ce soit une erreur est crédible », commente David Emm de Kaspersky.
Pour Matthieu Castel, ce n’est pourtant pas un problème que l’application ait accès à ses données : « Je trouve cela positif à partir du moment où ils utilisent ces données de façon intelligente en plus d’être monétisées ». Il prend pour exemple les « Pokéstops », des zones de trésors cachés, liés à des éléments réels autour de soi. Quand on clique sur le monument, l’objet ou le lieu, une description apparaît sur son écran. Le jeune homme a ainsi pu en savoir plus sur la statue de la reine Marguerite d’Anjou, bien réelle dans le jardin du Luxembourg. « Les informations sont tirées de Google Maps, qui a cartographié l’intégralité de la planète à l’aide des internautes », explique Matthieu Castel.
Quand la vie réelle rattrape le virtuel
« Attrapez-les tous ». Pokémon Go est bien resté fidèle au célèbre slogan, poussant ses utilisateurs à aller dehors et (re)découvrir sa ville, sa région, son pays. Marcher à l’air libre, certes. Mais les yeux rivés sur son téléphone. Certains joueurs se sont alors retrouvés à attraper un Pokémon sur une autoroute, dans le jardin de leur voisin ou dans des zones interdites au public, comme en témoignent plusieurs internautes sur Twitter. Les incidents se sont alors multipliés à pied ou en voiture, à force d’avoir le nez collé à son écran, plongé dans un univers virtuel. « Pourtant le jeu donne des messages d’avertissement pour faire attention à ne pas tomber ou à regarder en traversant la route », précise Matthieu Castel, déjà fervent utilisateur.
D’autres rigolent de ce mélange entre réalité et virtualité : « Il y a un Pokémon en bas de la rue dans la colonie (…) Comment diable vais-je pouvoir l’attraper ? », a écrit sur Twitter un Palestinien originaire de Hébron, en Cisjordanie occupée. D’autres partagent massivement un tweet où l’on voit Pikachu, le plus célèbre des Pokémon, émerger des décombres d’une maison à Gaza. Sur les réseaux sociaux, des soldats américains se sont aussi vantés de combattre Daech à travers le jeu, la marine israélienne s’est, elle, exposée capturant un Pokémon en pleine mer.
Les Pokémon sont déjà en train d’envahir l’espace public et privé, sans se prévaloir de la signification des lieux. Ce à quoi le musée d’Auschwitz, ancien camp nazi, a déjà mis son veto : « Nous avons envoyé une lettre à la société Niantic demandant de supprimer la géolocalisation du camp sur l’application », a affirmé Pawel Sawicki, porte-parole du musée. « Nous jugeons ce genre de pratique déplacée. C’est ici que des milliers de gens ont souffert ». Le jeu a aussi fait polémique au musée de l’Holocauste de Washington qui a demandé aux visiteurs d’arrêter d’y jouer dans son enceinte. La question est donc de savoir où mettre les limites de l’invasion de ces personnages virtuels dans notre monde réel.
Pokémon Go, qu’est ce que c’est :
Source: rfi