[Technologie] L’intelligence artificielle débarque dans les téléphones mobiles
En moins d’un mois, Google comme Apple ont annoncé promouvoir l’intelligence artificielle dans les smartphones. Des annonces et des intentions dans un domaine devenu ultra concurrentiel où les usages restent encore à définir. L’IA effectue-t-elle une entrée en force dans les téléphones mobiles ou son arrivée est-elle légitime ? Explications.
Si le PDG d’Apple, Tim Cook, a prononcé près de soixante fois les mots « intelligence artificielle » lors de la WWDC, il n’a pas évoqué son concurrent direct Google et encore moins l’assistant vocal Gemini qui ne sera pas intégré sur la plateforme Apple. Tim Cook n’a pas non plus prononcé le mot Windows (« Fenêtres », en anglais) lui préférant celui de tiles (« tuiles », en anglais).
Ce n’est pas anecdotique et relève des choix stratégiques de ces mastodontes du numérique (on parle de Gafam pour Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui tous avancent prudemment, se sachant rigoureusement observés, mais désirant ardemment être le premier dans le domaine privilégié de l’IA.
Juste avant le WWDC d’Apple avait eu lieu le Google I/O et c’était la même déferlante de futurs services artificiellement intelligents intégrés aux smartphones. Cette course effrénée des Gafam où chacun s’observe et se copie a démarré le 30 novembre 2022, quand OpenAI a sorti en fanfare ChatGPT.
Depuis, les leaders se sont positionnés sur le marché et plus récemment dans les téléphones mobiles. Google, avec Android, a pris une longueur d’avance sur Apple, ainsi que Samsung qui a lancé en janvier 2024 la gamme Galaxy S24 incluant Galaxy AI. « Nous sommes dans les leaders et à la meilleure place pour ce virage. On travaille sur l’IA depuis des années », explique François Hernandez, vice-président et directeur de la division mobilité de Samsung. Galaxy AI a été conçu aux centres de recherche Samsung (6 centres R&D et 3000 brevets) et en collaboration avec Google ou avec Microsoft sur certaines fonctionnalités. « Chez Samsung, le système est ouvert, on travaille main dans la main avec Google et Microsoft. On est au tout début de l’histoire, ça va ouvrir les perspectives », ajoute-t-il.
« Cela fonctionne de manière quasi immédiate pour l’utilisateur »
Un nouveau champ de promesses liées à l’IA qui s’annoncent chez Apple comme Android, certes, mais qu’en est-il concrètement ? Selon Yann Masoch, entrepreneur dans la Silicon Valley : « En IA, il y a plusieurs, voire une infinité de modèles qui dépendent de l’utilisation finale comme : répondre à des questions, aider à écrire un email, créer une image, effacer un élément sur une photo, écouter l’utilisateur parler, conduire une voiture… Bref, il n’y a pas de limite et plus les modèles donnent de bons et précis résultats (la précision se définit en FP “floating point” nombre à virgule flottante), plus ils sont gros. Tous ces modèles tournent dans le cloud sur des serveurs extrêmement rapides et avec énormément de mémoire. »
Ces capacités de calculs ou de réponses sont-elles intégrables dans un smartphone ? « Embarquer cela sur des téléphones portables est impossible. C’est pour cette raison qu’on commence à voir des modèles légers pour mobile. Bien entendu, léger impose des restrictions : moins de précision, des limites dans les réponses/connaissances, mais ça fonctionne de manière quasi immédiate pour l’utilisateur », commente Yann Masoch qui ajoute : « On commence à parler de plus en plus de « multi-modality ». Ce n’est pas un terme nouveau, c’est courant en interface homme/machine. Les modèles actuels, comme ChatGPT par exemple, comprennent plusieurs types d’entrées (texte, voix, vidéo, son, image, …) et peuvent aussi fournir plusieurs types de sorties. » L’IA multimodale traite et interprète plusieurs types de données simultanément : texte, images, sons et données sensorielles à la manière des humains qui interagissent avec le monde, en utilisant une combinaison d’entrées sensorielles.
« Nous adoptons des outils, pas des technologies »
« Maintenant, on parle aux machines comme on parle aux humains », explique François Hernandez. « L’IA réduit les frictions technologiques. Tout devient complètement intégré et fluide pour l’usager. Ça change l’expérience de façon radicale. Chez Samsung, on a une approche hybride avec l’IA, soit « on device » (c’est-à-dire la puce qui tourne dans le téléphone) et aussi avec le cloud. »
Selon Yann Masoch : « On va avoir de plus en plus d’ IA dans les mobiles mais de manière transparente. De la même façon que la détection faciale pour déverrouiller son téléphone, pour obtenir une traduction automatique instantanée ou même retoucher ses photos, beaucoup de services IA existent déjà. On les utilise juste sans s’en rendre compte. » Car on parle d’IA mais nous utilisons surtout des outils, explique le formateur Fred Cavazza : « nous adoptons des outils, pas des technologies […] ChatGPT n’est pas un produit, c’est un démonstrateur technique. »
La question ainsi demeure, à quoi va servir l’IA dans la boite à outils que représente un smartphone ? « Apple ne fera quelque chose dans l’IA que si c’est utile à son client », martèle le journaliste Emmanuel Torregano qui ajoute : « Apple veut que ça soit utile et ils ne le feront qu’à partir du moment où ils ont trouvé à quoi l’IA pouvait bien servir. » La réponse n’est pas encore complètement évidente, mais tous les fabricants sont dans les starting-blocks pour se positionner sur le marché. La course est lancée.
Source : Rfi