Contribution

La ‘’Technique du Judoka’’ au service de ‘’l’Emergence’’ !


Le président Alassane Ouattara s’est dit impressionné par le ‘’modèle de développement coréen’’ à l’issue de sa récente visite officielle en Corée (6-9 octobre 2014). Impressionné non seulement par ‘’l’importance’’ du progrès accompli par Séoul, mais surtout par la ‘’rapidité’’ avec laquelle ce progrès s’est réalisé. D’autant que dans les années 60, le ‘’Pays du matin calme’’ (Corée) était au même niveau de développement que le ‘’Pays des mauvaises gens’’ (Côte d’Ivoire). Et selon certains, le pays d’Houphouët-Boigny avait même un niveau de développement plus élevé que celui du pays de Park Chung Hee (successeur du premier président Syng-man Rhee assassiné en 1960).

Les forces du développement de ces deux pays (Corée et Côte d’Ivoire) reposeraient d’abord sur le système libéral décrié à l’époque par les ‘’intellectuels nationalistes gauchisants’’ (le ‘’capitalisme coréen’’ était qualifié de ‘’sauvage’’ et le ‘’libéralisme ivoirien’’ de ‘’système de croissance sans développement’’ (Samir Amin).

Mais mis sous pression par ces ‘’nationalistes gauchisants’’ en Côte d’Ivoire (la plupart avaient intégré le pouvoir d’Houphouët), le ‘’Vieux’’ avait fini par plier l’échine,  abandonnant l’option initiale pour un système plus ‘’nationaliste et étatique’’ avec ses nombreuses sociétés d’Etat et une politique ‘’d’ivoirisation des cadres’’ parfois au rabais. On connaît la suite : la  faillite qui mit fin au ‘’miracle ivoirien’’. Pendant ce temps, la Corée, elle, avait résisté en maintenant le cap.

Imitation et Innovation

Mais ce qui a vraiment fait la force du Pays du matin calme, c’est sa ‘’politique d’imitation et d’innovation’’, notamment l’imitation du ‘’modèle japonais’’ fondé sur la ‘’technique du judoka’’ qui consiste, pour le Japon, à ‘’aller prendre chez l’autre – précisément chez l’Occident – ce qui manque chez soi’’ (comme disait la Grande Royale de Cheikh Hamidou Kane, Ed. Julliard, Collection 10/18, 1961). Emprunter à l’autre, ce qui manque chez soi, voilà la clé du succès. Comme l’écrit Gérard Simon Cohen dans ‘’Les nouveaux Samouraïs’’, pour le cas japonais : ‘’l’Empire du Soleil Levant comprit très vite que le seul moyen de sauvegarder son indépendance était non pas de se recroqueviller sur soi et de jeter l’anathème de ‘’l’envahisseur’’, mais d’acquérir ce qui constitue le fondement de sa puissance et de sa force, c’est-à-dire, ‘’le savoir et le savoir-faire scientifique, technologique et industriel’’.

Et si dans le cas japonais, ‘’l’autre’’, c’était l’Occident, et que pour la Corée, ‘’l’autre’’, c’est le Japon, dans le cas de la Côte d’Ivoire, il s’agit plutôt du ‘’modèle asiatique’’ (japonais, coréen, chinois, etc) que nous devons imiter dans le cadre de la ‘’politique d’émergence’’ de la Côte d’Ivoire, mais aussi, en général, pour une ‘’nouvelle approche’’ du développement en Afrique.

C’est le message fondamental des théoriciens de ‘’l’Ecole de l’Intérieur’’, un courant de pensée (éphémère) comprenant des auteurs comme Axelle Kabou (‘’Et si l’Afrique refusait le développement ?’’, L’Harmattan, 1991), Daniel Etounga-Manguelle (‘’L’Afrique a-t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?’’, Nouvelles du Sud, 1990), Bolya Baenga (‘’L’Afrique en kimono’’, Nouvelles du Sud, 1990), etc. Tous ces auteurs sont séduits par le modèle nippon fondé sur la ‘’technique du judoka’’.

‘’Espionnages scientifiques’’

Ainsi, le Pays du soleil levant n’hésite pas à envoyer un ‘’espion’’ chez les Allemands  pour  découvrir le ‘’secret de l’art militaire et de la médecine’’ ; tout comme un ‘’agent’’ chez les Américains, pour connaître ‘’les techniques des affaires’’ ; de même, un ‘’limier’’ en Angleterre pour épier les Anglais sur ‘’les techniques du textile et de la navigation’’ ; enfin, une ‘’taupe’’ à Paris pour ‘’tricher les Français sur leur savoir et savoir-faire en matière du droit et de l’administration’’ (Bolya Baenga, L’Afrique en kimono, p. 52-53). Et tous ces ‘’espionnages’’ (tous ces choix, ou ‘’emprunts’’) correspondent  aux ‘’besoins du Pays du soleil levant’’.

A propos ‘’d’espionnage scientifique’’, mon ami Mouramane Fofana souligne dans son ouvrage ‘’Rêver le progrès’’ (CEDA/NETER, 1977) que ‘’les Américains, les Russes, Chinois, Japonais, etc, font souvent l’objet d’accusions d’espionnage, mais les Africains jamais !’’. Non pas parce qu’ils sont les plus honnêtes, mais parce qu’il leur manque la ‘’curiosité scientifique’’. C’est là une ‘’vérité’’ qui n’est pas loin de donner raison à Senghor pour qui ‘’les Noirs n’étaient pas dotés de raison’’ ! (Oh, c’est pour fouetter l’orgueil des Noirs et particulièrement des Africains !).

Les Africains doivent donc s’inscrire à ‘’l’école du judo’’ pour en apprendre les techniques, au risque de tomber aux moindres crocs-en-jambes (NB : apprendre la ‘’technique du judoka’’, ici, ce n’est pas s’inscrire dans une école de judo, mais c’est apprendre la philosophie de ‘’vaincre sans raison’’ (selon la Grande Royale). En somme, le principe de ‘’transfert de technologies’’ consiste surtout à ‘’s’approprier toutes les idées, inventions et innovations sans se poser des questions sur leurs origines’’. Autrement dit, le transfert de technologies commence d’abord par la ‘’formation des hommes’’. D’où la ‘’culture de l’intelligence’’ qui se présente comme un ‘’intelligent projet pédagogique’’ fondé sur le principe de l’adéquation ‘’formation-emploi’’, principe  prôné chez nous de façon virtuelle.

Omahe Kenechi, le ‘’tombeur’’…

En d’autres termes, nous devons, et nous le pouvons, faire comme les Asiatiques qui n’hésitent pas à emprunter à l’autre ce qu’il a de meilleur. Comme l’écrit Gérard Simon Cohen dans ‘’Les nouveaux Samouraïs’’, pour le cas japonais : ‘’l’Empire du Soleil Levant comprit très vite que le seul moyen de sauvegarder son indépendance était non pas de se recroqueviller sur soi et de jeter l’anathème de ‘’l’envahisseur’’, mais d’acquérir ce qui constitue le fondement de sa puissance et de sa force, c’est-à-dire, ‘’le savoir et le savoir-faire scientifique, technologique et industriel’’.

Nous invitons donc les Africains à imiter, sans honte, les Asiatiques, précisément, ici, les Coréens qui, selon Bolya Baenga, s’ils ont choisi ‘’l’alliance stratégique’’ avec les Etats-Unis, ils ont adopté le modèle nippon pour briser la pauvreté absolue. Et prenant l’exemple de la Malaisie, il révèle que pour terrasser la Côte d’Ivoire dans la ‘’guerre du cacao’’, les Malaisiens ont fait appel au célèbre et très influent consultant japonais Omahe Kenechi, l’auteur de ‘’la  nouvelle théorie des richesses des nations’’. Que serait-il passé si c’était la Côte d’Ivoire qui avait fait appel à ‘’l’expert es marché’’ japonais ? Il est vrai qu’on ne fait pas l’histoire avec des ‘’si’’. Mais…

Enfin, ‘’imiter les Japonais, les Coréens, les Chinois’’, c’est, en outre, pour les Africains, apprendre chez ces ‘’pays émergents’’ avec  lesquels nous avons plus de choses en commun en matière de ‘’valeurs culturelles’’. Parmi ces ‘’valeurs’’, Bolya Baenga souligne la ‘’famille’’, qui crée ‘’l’esprit communautaire’’ ; le ‘’patriotisme’’, qui engendre ‘’l’amour de la patrie’’ ; ‘’l’obéissance à l’empereur’’ (on parlerait chez nous du ‘’respect de l’autorité’’).

Par K. K. MAN JUSU

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