Si on devait tenir compte de leur ventre… (Simple avis)
Abidjan, 09-08-2019 (lepointsur.com) On a faim et c’est… Lorsque Félix Houphouët Boigny avait bâti la plus grande et la plus belle basilique au monde, il s’était trouvé des Ivoiriens pour dire : « Les gens n’ont pas à manger, ils n’ont pas de travail et c’est une basilique de plus de 40 milliards qu’il construit. » Surtout, quand un des journalistes français qui ne cessent de nous rabâcher les oreilles par leur « plus belle avenue au monde », a écrit que Houphouët a déposé une basilique au milieu de la forêt… Même le clergé ivoirien s’était mêlé. Le cardinal Yago et son auxiliaire avaient demandé au pape Jean Paul ll de ne pas venir consacrer la basilique en septembre 1990 prétextant que l’atmosphère ne se prêtait à une pareille cérémonie.
Une dizaine d’années auparavant, René Dumont, père de « L’Afrique noire est mal partie », s’adressant à son auditoire, composé en majorité d’étudiants, à l’hôtel Ivoire a levé la tête pour regarder le plafond et a demandé si la Côte d’Ivoire avait besoin d’un tel hôtel. Les étudiants ont crié en chœur « non, non non ! » À la fin de sa conférence, ils ont déserté la salle, boycottant celle du ministre de la Marine, Mohamed Lamine Fadika. Le même René Dumont devait se rendre, l’après-midi, à l’université à l’amphi Léon Robert, pour leur dire davantage quand les autorités sont intervenues pour annuler la rencontre.
La veille de la tenue des assises de la BAD en 2009, des bailleurs de fonds ont conseillé de détruire cet hôtel pour construire un autre, estimant que la restauration était trop chère. Le ministre Bohoun Bouabré a dit : « L’hôtel Ivoire d’Houphouët Boigny-là, on ne peut pas le détruire, c’est une des âmes de la Côte d’Ivoire. »
Lorsque Houphouët faisait construire les 5 tours administratives, il s’est trouvé des gens pour dire qu’Abidjan a beaucoup d’espaces et, par conséquent, n’avait pas besoin de tours.
Lorsque Henri Konan Bédié reconstruisait la résidence présidentielle de Cocody, des journaux ont dénoncé cette restauration par des plumes qui disaient qu’il voulait effacer les traces d’Houphouët.
Lorsque Laurent Gbagbo a décidé de construire un grand musée dont une partie conserverait les effets des anciens chefs d’État, on a dit encore « on a faim, c’est trou il creuse. » Un soir de l’an 2008, il s’est hasardé à la Rue Princesse. Tollé ! « On a faim, alors que lui, il s’en va s’amuser à la Rue Princesse ! »
Le président Alassane Ouattara décide, à son tour, de poursuivre l’édification de la Côte d’Ivoire. Il construit des ponts, des routes, des barrages hydroélectriques, des bâtiments dont celui qui est sorti de la fondation de son prédécesseur (on ne sait pas si c’est le même objectif). Il a posé la première pierre d’une 6e tour. L’échangeur de la Solibra vient donner encore plus d’attrait au Bd VGE et à la ville d’Abidjan. On n’ en a cure. On crie notre faim à travers des slogans puérils du genre « on ne mange pas goudron, on ne mange pas béton ».
Donc ô, à cause de votre ventre, on ne va rien bâtir dans ce pays ? Chaque matin, on va distribuer du riz chinois, des ignames, du manioc, de l’huile… à Ficgayo, à Inchallah, au rond-point d’Abobo et partout en Côte d’Ivoire ?
Ce qui est ridicule dans tout cela, c’est que, des personnes à qui des médecins ont recommandé de ramener leurs 100 kilos à 90, demandent à manger elles aussi au détriment des infrastructures.
Si on ne bâtit pas, on ne nous distribuera rien. Donc, laissez-les construire, on va pouvoir circuler aisément sur les routes et bénéficier d’autres commodités. En effet, avoir faim et souffrir sur des routes chaotiques viennent augmenter notre peine.
Par Pascal Kouassi