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[RDC] L’ancien président de la République Joseph Kabila condamné à la peine de mort


L’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila (2001-2019), a été condamné en son absence à la peine de mort notamment pour « crimes de guerre » et « trahison », ce mardi 30 septembre 2025, à la Haute Cour militaire de Kinshasa.

Reconnu coupable – sans circonstances atténuantes – de tous les chefs d’inculpation retenus à son encontre, celui qui a dirigé la République démocratique du Congo (RDC) de 2001 à 2019 a été condamné à la peine de mort. La Haute Cour militaire a rendu son arrêt, ce mardi 30 septembre, estimant que l’ancien chef de l’État avait violé le devoir de réserve, de dignité et de loyauté qu’il devait à l’État congolais. Joseph Kabila, qui vit en exil depuis plus de deux ans, était absent de son procès qui avait commencé le 25 juillet.

Celui-ci était notamment poursuivi pour « crimes de guerre », « trahison » et « organisation d’un mouvement insurrectionnel » pour ses liens présumés avec le mouvement politico-militaire AFC/M23. Pour l’accusation, Joseph Kabila, 54 ans, était l’un des initiateurs de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), branche politique du M23. La peine de mort avait été requise.

L’ancien président a été reconnu coupable de complicité avec le groupe armé antigouvernemental soutenu par le Rwanda. Ce verdict est historique pour la RDC car Joseph Kabila est le premier président congolais à être condamné par une juridiction militaire.

L’ancien président « est le chef de la coalition AFC/M23 » selon la Haute Cour militaire de Kinshasa

Pendant près de quatre heures, les juges de la Haute Cour militaire ont motivé leur décision, évoquant l’extrême gravité des faits qui, selon eux, « scandalisent des millions des Congolais dont Joseph Kabila a été le président pendant 18 ans ». Ils sont longuement revenus aussi sur toutes les étapes de l’instruction, la levée des immunités devant le Sénat pour Joseph Kabila, mais aussi les réquisitoires du ministère public et les plaidoiries des parties civiles, explique notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi.

La juridiction a ensuite abordé l’ensemble des accusations retenues contre Joseph Kabila et détaillé la chronologie de cette crise avec le M23. La Cour affirme notamment que « Joseph Kabila est le chef de la coalition AFC/M23 » et retient contre lui sa participation à l’insurrection – en association avec Corneille Nangaa et le Rwanda – pour renverser les institutions congolaises et le régime en place à Kinshasa.

La Haute Cour militaire condamne aussi l’ancien président à verser d’importants dommages et intérêts : plus de 33 milliards de dollars pour l’État congolais, les provinces du Nord et du Sud-Kivu et des associations d’aide aux victimes. Une procédure dénoncée par le camp de l’ancien président. Pour Emmanuel Ramazani Shadary, le secrétaire permanent de son parti, le PPRD, c’est une « vaste blague. Nous avons toujours dit qu’il s’agit d’un procès politique », a-t-il affirmé après le verdict.

Alors qu’elles n’avaient pas demandé la condamnation de l’ancien chef de l’État à la peine capitale mais à la réclusion à perpétuité, les parties civiles, de leur côté, prennent acte de cette décision. Elle relève de « la souveraineté du juge […]. En tant que professionnels, nous devons donc nous incliner tout en saluant la décision de la Cour », a ainsi réagi Me Richard Bondo, le représentant de l’État congolais.

Avocat de plusieurs ONG présentes dans l’est de la RDC, Me Kasongo Mayombo a, pour sa part, salué la tenue d’un procès historique : « Les victimes [des violences au Nord et au Sud-Kivu, NDLR] apparaissent enfin et les souffrances qu’elles vivent dans l’anonymat ont désormais un auteur. Peut-être même qu’on ira encore plus loin et que l’on trouvera d’autres auteurs ou complices des crimes qu’elles ont endurés. C’est le début de la fin de l’impunité », a-t-il déclaré.

Alors que la condamnation à mort de Joseph Kabila suscite également de nombreuses réactions dans la classe politique congolaise, le parti Ecidé de Martin Fayulu, l’une des principales formation d’opposition, estime, elle, n’avoir « pas de jugement à émettre aux décisions de la justice ». Son secrétaire général, Devos Kitoko, préfère renvoyer dos-à-dos l’ancien président et son successeur, l’actuel chef de l’État Félix Tshisekedi, jugeant qu’ils sont l’un et l’autre « les deux principaux acteurs du braquage électoral du 31 décembre 2018 ».

L’est de la RDC dévasté par 30 années de conflits

Le verdict était initialement prévu le 12 septembre mais avait été reporté, les parties civiles ayant demandé la reprise de l’instruction. Elles promettaient de nouveaux éléments, notamment des témoins qui devaient démontrer les liens financiers présumés entre l’ancien président et l’AFC/M23. Mais, à la dernière audience, les témoins ne se sont finalement pas présentés. Et le dossier reposait donc sur les éléments déjà présentés par l’accusation. À savoir des prises de parole de Joseph Kabila et de ses proches, ainsi que le présumé témoignage d’un homme présenté comme proche du chef de l’AFC/M23.

L’est de la RDC, région située à la frontière du Rwanda et riche en ressources naturelles, notamment en minerais, est déchirée par les conflits depuis 30 ans. Les violences se sont intensifiées début 2025. Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et les troupes rwandaises se sont emparés des grandes villes de Goma en janvier, puis de Bukavu en février.

Joseph Kabila, un exil actif

Il reste, « un acteur politique majeur et incontournable pour l’avenir de la RDC ». Des mots signés Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent du PPRD, le parti de l’ancien président. Selon son entourage, la ligne n’a pas changé. Les proches de Joseph Kabila renvoient à cette phrase de l’ancien chef de l’État : « Militaire, j’ai juré de défendre le pays jusqu’au sacrifice suprême. »

« Hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir, je demeure plus que jamais fidèle à ce serment », déclarait-il il y a quatre mois. Dans cette communication, Joseph Kabila disait qu’il était appelé « par le destin ». Il estimait avoir le devoir d’œuvrer pour la paix et de reconstruire un pays en crise. Aujourd’hui, il renforce son réseau à l’international. Il multiplie les déplacements en Afrique, surtout en Afrique de l’Est et en Afrique australe, pour s’assurer du soutien de certains chefs d’État.

Conscient des difficultés de son parti au pays, suspendu, avec des dirigeants restés sous surveillance, Joseph Kabila mise aussi sur l’étranger. Il développe des représentations, s’appuie sur des collaborateurs en exil et sur de jeunes militants, dont certains ont quitté le pays. Enfin, Joseph Kabila se voit toujours comme un rassembleur. Celui qui pourrait unir l’opposition, politique ou armée, et poursuivre ses contacts pour bâtir un front plus large contre le président Tshisekedi.

Source : Rfi

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