[Procès d’Amandé Ourémi] « Que la vérité éclate ! », soutient la chefferie de Duekoué
Duekoué, 01-04-2021 (lepointsur.com) Les populations du Guémon avec à leurs têtes, des têtes couronnées suivent avec une attention considérée le procès d’Amandé Ourémi. Ce dernier accusé par la justice ivoirienne d’avoir perpétré des tueries sur des populations de Duekoué, lors de la crise post électoral en 2011.
De récentes rencontrent avec les chefs coutumiers de cette ville située à l’ouest de la Côte d’Ivoire, nous a permis de comprendre l’importance de ce procès contre “la terreur du Mont Péko’’ à leurs yeux. Selon eux, la justice ivoirienne doit faire éclater la vérité dans cette affaire qui a fait officiellement plus de 800 victimes.
Zacharie Dégaï Boblahet, chef du village de Fengolo estime que ce qui se produit au tribunal de Première instance d’Abidjan, est un début de justice qu’il encourage. « Je salue l’initiative prise par les autorités judiciaires. Nous voulons savoir, qui a fait quoi ? Pour quoi ? Et pour qui, ils ont fait ça ? Je souhaite que la justice aille jusqu’ au bout, afin que tous les complices de ces crimes répondent de leurs faits. », souhaite le chef de Fengolo. Aussi, Zacharie Dégaï porte-t-il un regard critique sur le dédommagement des victimes et fait des propositions pour une meilleure suite du processus.
« L’État a remis 1000 000 frs Cfa, à chaque famille des victimes en compensation aux pertes de leurs proches. Ces montants sont dérisoires à nos yeux, car ils ne peuvent qu’apporter un début de solution à nos nombreux problèmes nés de ces barbaries. En pareille situation, de dignes funérailles apaisent les cœurs selon la tradition Wê. Et donc ce ne sont pas le million par famille, qui peut offrir ces festivités funèbres et le financement de projets aux membres des familles endeuillées (enfants, veufs, veuves). Il faudrait tout au moins la somme de 20 000 000 de Fcfa, par famille pour faire face aux rituels et autres contraintes », propose le chef Dégaï.
Comme lui, le chef Vincent Vléi Guéi, président de la chambre régional des rois et chefs traditionnels du Guémon, a salué la démarche des autorités judiciaires. Il a souhaité que les responsabilités soient situées dans la mesure où déjà l’accusé (Ourémi) cite des noms. « Si c’est lui-même Ourémi qui reconnaît les faits à lui reprochés, et a affirmé avoir agi sous ordres, il faudrait que tous ceux qui sont impliqués dans ces sales besognes répondent », souhaite le président Vincent Vléi.
Pierre Zaomon Ouomblé, chef central de Duekoué, prenant la parole à son tour, affirme avoir raté de peu d’être parmi les victimes. Il décrit les exactions qui ont conduits à la disparition d’êtres humains, mais il reste disponible au dialogue. « J’ai sauté la clôture de la mission catholique pour me retrouver parmi les autres fuyards, sinon je ne serais pas en vie aujourd’hui. Mais c’est du passé. J’ai déjà pardonné à ceux qui m’en voulaient », témoigne le chef Pierre Zaomon. Cependant, il souhaite la réparation de tous les tords par la justice. Aussi propose-t-il que les enfants des victimes soient recensés et que l’État leur trouve du travail pour compenser les blessures.
Quant à Maurice Zéabahi Kahan B, chef du village de Guitrozon, il a tiré à boulets rouges sur la presse qui selon lui, n’est jamais venu le rencontrer pour savoir de ses nouvelles. Aussi, a-t-il porté des critiques acerbes sur la procédure de justice en cours. « Je ne crois pas en cette justice. Ourémi Amandé est un réparateur de vélo, invité par des gens tapis dans l’ombre pour faire leur travail. Il a fait des tueries énormes à la demande de ses mandants. Je crois à une parodie de justice avec ce qui se passe au tribunal d’Abidjan. S’il y a une réelle justice, il faudrait que les “maîtres’’ de ce Amandé soient connus et répondent de leurs forfaits », a-t-il déclaré d’entrée.
Et d’ajouter : « Mon petit frère Jonas Kahan et six autres chrétiens christianistes célestes ont été décapités, au quartier carrefour sans la moindre compassion ni enquête jusqu’ à ce jour. Je suis déçu et crois en rien. Je considère qu’Abidjan a un autre projet. Il fait du dilatoire pour atteindre cet objectif. La disparition tragique de mon jeune frère Jonas, a entraîné une situation de folie en son fils unique Stéphane Kahan (Judih). Je gère avec beaucoup de difficultés ce dernier, qui me surprend et à chaque fois je suis obligé de me soumettre à ses désidératas au risque de subir son mécontentement ».
En Côte d’Ivoire, dix ans après le massacre de Duekoué, Amadé Ouérémi, principal accusé, a comparu pour la première fois depuis le 24 mars devant le tribunal criminel d’Abidjan. Il est accusé d’avoir activement participé aux exactions qui ont fait plus de 800 morts en mars 2011 dans cette ville de l’ouest ivoirien.
Simplice Tiagbeu, correspondant régional