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[Présidentielle ivoirienne de 2020/Bédié sur France 24] « Si Ouattara est candidat, c’est le peuple qui se prononcera »


Abidjan, 29-07-2020 (lepointsur.com) L’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié est désormais candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020. Il a été investi par son parti, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avec 99.7% des voix.

Dans une interview exclusive accordée au confrère Marc Perelman de France 24, ce mercredi 29 juillet 2020, N’Zuéba a passé en revue l’actualité politique en Côte d’Ivoire. A cette occasion, il s’est montré hostile à une quelconque candidature pour un 3e mandat de son ancien allié, Alassane Ouattara. Entretien…

Monsieur le président, vous avez affirmé que cette candidature est une candidature qui vise à permettre aux jeunes d’accéder aux responsabilités. Vous avez 86 ans. Comment est-ce que vous comptez amener les jeunes au pouvoir à travers votre élection ?

Je le redis, ma candidature est recommandée par plusieurs enjeux. D’abord, la réconciliation nationale, ensuite c’est une mission de salut public, car l’état de la nation ivoirienne est plutôt en régression et ensuite je dois si je suis élu faire en sorte que la Cote d’Ivoire revienne à la démocratie véritable avec le retour également à l’état de droit. Alors, tous les secteurs étant en régression et en dégradation, c’est avec la nouvelle génération que j’entends restaurer cet état de fait.

Mais, Monsieur le président, en ayant votre âge, comment est-ce que vous pouvez dire que c’est la nouvelle génération qui va arriver au pouvoir ? Est-ce que vous allez faire des gestes concrets ? Est-ce que vous allez par exemple nommer avec vous un vice-président justement de la jeune génération. Concrètement, quel est le message pour la jeunesse à travers votre candidature ?

Les jeunes savent que c’est pour eux que je me présente. C’est pour qu’ils aient accès à tous les postes de gestion de la nation ivoirienne.  Donc, ma mandature sera consacrée à mieux les préparer, les former à assumer ses responsabilités dans tous les secteurs

Monsieur le président, face à vous, il va sans doute se dresser Alassane Ouattara. Il avait promis, il s’est engagé à ne pas se représenter. Mais, hélas, le décès du candidat du parti au pouvoir a rebattu les cartes. Est-ce qu’il a le droit de se représenter ?

Il faut pour cela interroger la constitution, la loi fondamentale qui régit la Cote d’Ivoire. A son article 55, c’est la limitation de mandat. Il n’y a pas de troisième en Côte d’Ivoire. Or, Alassane Ouattara a depuis qu’il a accédé le pouvoir a fait ses deux mandats. Par conséquent, il n’a pas droit à un troisième mandat. Et ensuite, il prétexte de que ce que la constitution ayant été amendée ou refaite, cela remet les pendules à zéro. Mais, tous ces experts qu’il a choisis lui-même, lui ont dit que l’article 185 de cette constitution  ne prévoit pas que les compteurs soient remis à zéro par cette constitution. Par conséquent, sa candidature serait illégale. Je crois que l’occasion  peut s’offrir compte tenu de la situation que vit le parti d’Alassane Ouattara, l’occasion s’offre à lui de respecter sa parole et de respecter la constitution plutôt que de violer la constitution. Je crois aussi pour lui que l’occasion s’offre à lui de renforcer notre démocratie par la pratique de l’alternance.

Mais, s’il se présente malgré vos réserves, que comptez-vous faire ? Vous allez appeler à une mobilisation de vos partisans ? Quelle est votre stratégie, parce que visiblement, il va y aller.

C’est le peuple qui apprécierait que l’on renie sa parole, que l’on viole la constitution. C’est le peuple qui se prononcera. En ce qui me concerne en tant que candidat, quelques soient les circonstances, je me battrai pour restaurer cette situation qui serait illégale.

Est-ce que vous avez toujours des doutes sur la transparence du scrutin en dehors de la candidature d’Alassane Ouattara ? On sait que votre parti et l’opposition ont exprimé des réserves sur la commission électorale indépendante. Est-ce que vous êtes prêt à appeler à un boycott si la commission électorale n’est pas reformée selon vos désidératas ? Ou est-ce que vous allez aller à l’élection quoiqu’il advienne ?

Mais, j’espère bien que le régime respectera la décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui s’impose à eux, qui s’impose à la Cote d’Ivoire  en tant qu’Etat.

Et s’ils ne font pas, est ce que vous êtes prêt à boycotter les élections ?

La question n’est pas de boycotter ou quoi que ce soit. Il s’agit de se battre pour que les conditions de la transparence soient réunies.

Alors, il y aussi la question des candidatures notamment celle de l’ancien président Laurent Gbagbo. On a appris hier à travers ses avocats qu’il a demandé un passeport et un laissez-passer pour revenir de Belgique en Côte d’Ivoire, est-ce que vous souhaitez son retour d’une part et est-ce que vous souhaitez sa candidature d’autre part ?

Eh bien, Laurent Gbagbo a été acquitté et ensuite assigné en résidence, je dirais presque surveillé dans le sens que ses mouvements ne pouvaient excéder un certain périmètre autour de Bruxelles. Tout ceci ayant été levé, il doit rentrer chez lui, il doit rentrer dans son pays. Et tout le monde, tous les partisans de son parti ainsi que la population ivoirienne souhaitent son retour. Et s’il est de retour, quitte à lui d’être candidat ou non.

Est-ce que vous lui avez parlé très récemment ?

Hier même.

Et quelle a été votre conversation ?

Non, ça c’est entre nous…rires !!

Alors, ce qu’il y a entre votre parti et le sien, il y a une plateforme mais, la question est de savoir si cela va se transformer en véritable alliance électorale à la présidentielle notamment dans le cas de figure où il y a un second tour et le mieux placé accepte en faveur de l’autre. Ça n’a pas été formalisé, mais, est-ce qu’il va avoir une alliance entre le PDCI et le FPI de l’autre Gbagbo ?

Cela va de soi. Dans l’alliance, nous sommes plusieurs, mais cela va de soi que le mieux placé, s’il y a un deuxième tour aura le soutien de tous les autres.

Vous vous êtes mis d’accord clairement, formellement avec Laurent Gbagbo  sur ce point ?

Cela va de soi comme je dis. Quand on est dans une alliance si les conditions sont réunies, l’un soutient l’autre et vis-versa selon la circonstance.

Guillaume Soro, il a aussi dit qu’il serait candidat. Il est en France, il y a des poursuites judiciaires contre lui. Est-ce que vous avez des contacts avec lui ? Ou est-ce qu’il pourrait rejoindre votre alliance ?

Il est déjà avec nous dans l’alliance. Nous travaillons avec les militants de Guillaume Soro qui sont nombreux au pays.

Et lui accepterait que le mieux placé soit soutenu par ceux qui arrivent derrière lui comme Laurent Gbagbo ?

Encore une fois, je vous le répète, cela va de soi.

Monsieur le président, est-ce que vous serez prêt à accepter un report de l’élection présidentielle en raison peut-être de la réforme que vous souhaitez de la commission, de la crise du covid-19 ? Certains dans votre parti l’ont laissé entendre, c’est pour ça que j’aimerais que vous clarifiez votre position à ce sujet.

Il n’y a aucune raison pour un report. Il n’y a aucune raison pour envisager un report actuellement. Il nous reste encore un peu plus de trois mois. Il nous faut quelques journées de discussions pour mettre la CEI au net conformément à l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme à savoir la représentation, faire représenter les partis politiques  de l’opposition à la CEI centrale et à renouveler les CEI locales. Cela nous demande que quelques jours pour être prêts. Donc, je pense que le régime en place prendra toutes les dispositions pour que cela se passe et qu’il n’y ait pas de report.

En conclusion, Monsieur le président, vous êtes convaincu de gagner cette élection ?

Naturellement, je ne me présente pas pour figurer ni simplement témoigner. Je me présente pour gagner avec toutes les forces vives de la Nation éprise de paix, de justice, de réconciliation et de développement.

Propos retranscris par Médard Koffi

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